Un an après l'élection de Donald Trump, quel bilan ?

GRAPHIQUES. Depuis son élection le 8 novembre 2016, le président des États-Unis ne cesse de vanter son bilan économique à coup de messages intempestifs postés sur Twitter et de déclarations incontrôlées. Si certains indicateurs reflètent une bonne santé de l'économie américaine, les promesses annoncées par Donald Trump sont très loin d'être remplies. Retour sur les premiers mois au pouvoir d'un chef d'Etat imprévisible.
Grégoire Normand
Pour beaucoup d'observateurs, Donald Trump a hérité d'une situation économique favorable.

Un an après avoir été élu et neuf mois après son arrivée au pouvoir, Donald Trump ne cesse de susciter de vifs débats sur ses choix en matière de politique économique. Entre toutes ces déclarations intempestives, le magnat de la construction et de l'immobilier a répété à plusieurs reprises son slogan devenu célèbre "Make America Great Again" ("Rendre sa grandeur à l'Amérique"). Et par cette ligne de conduite, il entend privilégier l'économie américaine sur la scène internationale. Pour alimenter son bilan, le chef d'État ne cesse de poster sur son réseau social préféré des chiffres sur le nombre d'emplois créés ou d'usines construites. Pourtant, si les principaux indicateurs de l'économie américaine affichent une bonne santé, les incertitudes qui pèsent sur ses choix économiques et sa politique commerciale très instable pourraient jouer en défaveur de la première puissance économique mondiale.

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■ Une croissance forte en apparence

Selon les dernières estimations du département du Commerce, la croissance de l'économie américaine a été plus forte que prévu au troisième trimestre, à 3% en rythme annualisé. Les économistes interrogés par Reuters attendaient une progression du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis de 2,5% sur juillet-septembre après les 3,1% annualisés enregistrés au deuxième trimestre.

 Donnée provisoire pour le troisième trimestre 2017.

La hausse des stocks et la contraction du déficit commercial ont compensé un ralentissement des dépenses des ménages, alimenté par le passage d'ouragans sur le sud des Etats-Unis, et un recul de la construction. Le département du Commerce a néanmoins souligné qu'il lui était impossible d'estimer l'impact global du passage des ouragans Harvey et Irma sur les chiffres trimestriels du PIB américain.

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En ce qui concerne les prévisions, les scénarios développés par les économistes demeurent prudents. Pour les experts de BNP-Paribas, la croissance du PIB pour 2017 doit s'élever à 2,1%, puis 2,7% en 2018 avant de retomber à 1,6% en 2019.

"Les enquêtes restent bien orientées, alors que les mesures de baisses d'impôts se font attendre [...] A première vue, l'économie américaine gagne en solidité, avec deux trimestres consécutifs de croissance supérieure à 3% (taux trimestriel annualisé) et un glissement annuel en accélération."

Mais dans le détail, les signes sont moins encourageants "avec une demande intérieure finale qui décélère, tout comme l'inflation sous-jacente (mesurée par le déflateur de la consommation privée) qui se limitait à 1,3% au troisième trimestre. En résumé, la croissance est plus faible qu'il n'y paraît et l'inflation aussi faible qu'il n'y paraît".

Du côté du Fond monétaire international (FMI), les économistes annoncent une croissance qui devrait atteindre 2,2 % en 2017 et 2,3 % en 2018, selon les dernières projections.

"La poursuite d'une croissance à court terme qui est modérément supérieure à son potentiel s'explique par des conditions financières très favorables et la solidité de la confiance des chefs d'entreprise et des consommateurs."

En revanche, les experts de l'institution internationale notent que la révision à la baisse par rapport aux prévisions d'avril dernier (2,3 % et 2,5 % pour 2017 et 2018, respectivement) "tient à une correction majeure des hypothèses de politique budgétaire". Compte tenu de "l'incertitude considérable qui entoure l'action gouvernementale, la prévision macroéconomique des services du FMI utilise maintenant une hypothèse de base qui suppose des politiques inchangées, alors que les prévisions d'avril 2017 intégraient une relance budgétaire du fait des baisses d'impôts qui étaient alors prévues". A plus long terme, la croissance devrait ralentir selon le fonds, en raison notamment de la baisse de la population active liée au vieillissement démographique.

■ Des indices boursiers au sommet

Les voyants de Wall Street sont au vert. Il y a quelques semaines, l'indice Dow Jones a passé pour la première fois la barre des 23.000 points, porté par de bons résultats trimestriels d'entreprises américaines et par des indicateurs économiques positifs. Le Nasdaq et le S&P 500 ont inscrit également des plus hauts historiques lors des deux dernières journées de cotation, profitant notamment de résultats trimestriels d'entreprises favorables et d'une forte hausse des prix du pétrole.

Il semble que les promesses de dérégulations financières et bancaires  jouent en faveur de la bonne santé des indices boursiers. Donald Trump avait signé deux décrets exécutifs permettant de réviser deux sections de la loi Dodd-Frank de régulation financière, adoptée en 2010, sous Obama, après la crise des subprimes.

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Mais les investisseurs se posent néanmoins des questions, comme le souligne Adam Sarhan de 50 Park Investment interrogé par l'AFP. Les suites de la réforme fiscale aux Etats-Unis sont surveillées, "les investisseurs attendent des informations sur le calendrier et l'ampleur de la réforme".

■ Un taux de chômage au plus bas

Selon les dernières données du Bureau Labor of Statistics, le taux de chômage est tombé à 4,1% au mois d'octobre, soit un plus bas historique jamais atteint depuis 2000. L'économie américaine a créé 261.000 emplois le mois dernier, avec notamment le retour au travail de 106.000 employés des secteurs des loisirs et de l'hôtellerie, a annoncé le département du Travail. Il s'agit du nombre le plus élevé depuis juillet 2016 mais les économistes anticipaient un rebond plus prononcé avec 310.000 créations d'emplois.

La faiblesse des créations d'emplois au mois de septembre a été attribuée aux perturbations provoquées par les ouragans Harvey et Irma, qui ont mis temporairement au chômage nombre d'employés des secteurs des loisirs et de l'hôtellerie, dans lesquels les salaires sont faibles.

Par ailleurs, Donald Trump se targue souvent d'avoir contribué à la création de 1,65 million d'emplois dans le secteur privé depuis son élection. Mais ce chiffre est inférieur aux 2,09 millions de postes créés durant les 11 derniers mois de Barack Obama.

■ Un déficit commercial toujours en berne

Au niveau du commerce international, il n'y a pas de réels signes d'amélioration depuis que le milliardaire est arrivé à la Maison Blanche. Le déficit commercial des Etats-Unis a légèrement augmenté en septembre, comme le souligne les derniers chiffres du département du Commerce. En données corrigées des variations saisonnières (CVS), le solde chroniquement déficitaire des échanges des Etats-Unis avec le reste du monde s'est établi en septembre à 43,5 milliards de dollars, en hausse de 1,7% par rapport à août, exactement en ligne avec les prévisions d'analystes rapportées par l'AFP. Les exportations de biens et services, à 196,8 milliards de dollars (+2,1 milliards par rapport à août), sont à leur niveau le plus élevé depuis décembre 2014. Dans le même temps, les importations se sont élevées à 240,3 milliards, en hausse de 2,8 milliards.

L'administration Trump compte bien réduire cet important déficit qui, selon elle, dégrade l'emploi américain. C'est dans ce contexte que le président américain a lancé la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) qui unit commercialement les Etats-Unis au Canada et au Mexique. La prochaine ronde de discussions se tiendra à Mexico à partir du 17 novembre. Mais au vue des positions protectionnistes du chef d'Etat américain en matière de politique commerciale, les pourparlers pourraient prendre du retard.

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■ Commerce : une seule promesse tenue

A plusieurs reprises, Donald Trump a lancé des déclarations tonitruantes sur une guerre commerciale que les Etats-Unis allaient mener à l'échelle de la planète. Mais à l'heure du bilan, les promesses annoncées sont loin d'être remplies. Comme le rappelle une étude de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publiée il y a quelques jours, "la seule promesse de campagne à avoir été tenue est celle de retirer les Etats-Unis du Partenariat Trans-Pacifique". Mais là encore, le chef d'Etat avait peu de chances d'échouer. "Donald Trump avait les mains complètement libres sur ce dossier puisque le traité n'avait pas été ratifié et qu'il n'avait, de plus, que peu de chances de l'être compte tenu de l'opposition transpartisane à ce texte".

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Sur le dossier de la Chine, l'institut de recherches rappelle que si l'Empire du Milieu faisait l'objet de nombreuses critiques, cette grande puissance économique n'a pas subi la moindre sanction :

"La question de la manipulation de la monnaie, censée donner un avantage compétitif déloyal à la Chine, n'a plus été évoquée par le président depuis son élection, et les droits de douanes prohibitifs annoncés n'ont pas été imposés sur les importations en provenance de la Chine."

L'une des raisons avancées pour expliquer ce faible bilan pour ce qui est des promesses tenues au niveau commercial est que le président "n'a pas l'autorité légale d'annuler unilatéralement l'engagement américain. Il ne peut ignorer le Congrès. La situation est différente de celle du TPP, qui n'est pas encore ratifié". En d'autres termes, le locataire de la Maison Blanche ne peut pas faire tout ce qu'il veut.  Ses marges de manœuvre sont limitées par de nombreux contre-pouvoirs. Et c'est ce qui pourrait d'ailleurs le bloquer ou le freiner sur des dossiers emblématiques.

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Par ailleurs, les doutes qui subsistent sur la réforme fiscale, le grand plan d'investissements, la construction du mur entre les Etats-Unis et le Mexique et les restrictions en matière de politique migratoire pourraient affaiblir les perspectives économiques de la puissance américaine. Les investisseurs craignent en outre une baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) moins forte que ne le promettait Donald Trump à l'issue des débats en cours au Congrès des Etats-Unis.

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■ "Un impact négatif" sur l'économie mondiale

L'opinion des économistes au niveau international demeure négative sur la politique économique menée par Donald Trump. Selon une enquête de l'institut de recherche économique allemand IFO publiée ce 7 novembre, 73,9% des experts basés dans 120 pays pensent "le président américain va influencer de manière négative l'économie mondiale". De même que 57,6% des économistes interrogés pensent que la politique économique du républicain pourrait être néfaste pour l'économie américaine. La justice sociale et le climat seraient les deux domaines les plus touchés par les mesures de la Maison Blanche.

L'administration Trump obtient également de mauvais résultats dans l'enquête, basée sur un échantillon de 929 spécialistes, en ce qui concerne le commerce international, la coopération multilatérale ou sur les questions de paix ou de sécurité. Les experts interrogés dans les pays frontaliers comme le Canada et le Mexique ont exprimé des avis négatifs sur les conséquences des décisions de Trump sur leur propre pays. A l'heure où la cote de popularité du milliardaire ne cesse de dégringoler et les inculpations de ses proches se multiplient dans le cadre de l'enquête sur la possible ingérence russe dans la campagne présidentielle, les questions sur les trois années à venir du mandat présidentiel américain n'ont jamais été aussi importantes.

> Aller plus loin Ingérence russe : qui sont les proches de Trump dans la tourmente ?

Grégoire Normand
Commentaires 10
à écrit le 09/11/2017 à 12:29
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L'Amérique s’en sort plutôt bien. Je ne partage pas les valeurs de M.Trump mais je le trouve plus cohérent que les autres avant dans la position même si je suis pas d’accord avec le manège des usa au niveau économique et leur prise de monopole sur l...

à écrit le 09/11/2017 à 11:00
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après 5 ans et 6 mois de gouvernance socialo- communiste Hollando-macronienne , quel bilan peut-on tirer ? la France semble plutôt reculer dans tous les domaines importants ( éducation , emploi , économie , commerce extérieur ,... ) sauf dans celui ...

à écrit le 08/11/2017 à 18:26
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Et un bilan critique et arrogant de plus, histoire de bien confirmer notre réputation dans le monde. Et il y aura toujours une majorité dans ce pays pour préférer un charlatan diplômé qui échoue à un rustre qui réussit. Continuons donc à juger les au...

le 09/11/2017 à 7:53
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La presse étrangère n'est pas plus tendre que la presse française avec Trump.

à écrit le 08/11/2017 à 17:18
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Le bilan Trump, c'est l'image des USA et son influence culturelle dans le monde qui a pris un sérieux coup.

à écrit le 08/11/2017 à 13:47
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L'economie americaine a t-elle besoin de ce pantin grotesque pour fonctionner? Non 😁

à écrit le 08/11/2017 à 12:38
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Un détricotage, subtil pour contrer les résistances, de la politique du chaos mis en application par ses prédécesseurs pour garder la suprématie sur les événements!

à écrit le 08/11/2017 à 11:45
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Il s'est assis sur nombreuses de ses promesses en effet mais les marchés financiers sont exaltés de voir qu'à la tête des états unis il y a aussi un nihiliste obsédé par son avidité comme eux et non un simple serviteur comme d'habitude, cela devrait ...

le 08/11/2017 à 13:43
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@citoyen blasé: 1) il ne s'est pas assis sur ses promesses. Ses propositions ont été rejetées par le Congrès. 2) Si on demande à un Américain ce qu'il pense de Macron, il réponda probablement "qui c'est celui-là?". Mais en France, les gens ont toujou...

le 10/11/2017 à 14:40
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" il ne s'est pas assis sur ses promesses." Il avait promis de séparer les banques de dépôts et d'investissement et de retirer l'armée américaine de tous les conflits mondiaux. Ca fait quand même déjà deux bons gros retournement hein. "Si on ...

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