« Le risque, c'est qu'à force de trop parler inflation ou récession, on les provoque ! » : le débat entre Ross McInnes (Safran) et Paul Hermelin (Cap Gemini)

#REAix2022. Alors que le monde connaît un choc inédit depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, La Tribune a donné la parole aux grands décideurs de l'économie en direct des Rencontres d'Aix-en-Provence du 8 au 10 juillet. Que pensent les patrons des désordres économiques actuels ? Est-ce la fin de la mondialisation ? Comment faire face au retour de l'inflation qui fait remonter les taux d'intérêt et craindre des tensions sociales ? Comment mener dans le même temps les grandes transitions énergétique, écologique et économique ? Revivez ici la vidéo de l'entretien avec Ross McInnes président de Safran et Paul Hermelin, président de Cap Gemini, enregistré depuis notre studio installé au cœur du Davos provençal.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

Ross McInnes président du conseil d'administration de Safran

Dans l'aéronautique, après le Covid, nous ne sommes revenus qu'à 90% du trafic de 2019. La Chine reste bien en deçà. Cependant, on sent une grande appétence pour les voyages, y compris d'affaires. Les passagers sont prêts à payer le prix fort. Nous avons un problème d'offre pour tenir les cadences.

Face à la situation actuelle, le risque c'est qu'à force de trop parler d'inflation, on la provoque. La politique choisie par le gouvernement, qui vise à cibler les aides à destination de ceux qui en ont besoin, me semble être la bonne solution pour éviter l'enchaînement hausse des prix et des salaires. Reste que les salariés du secteur de l'aéronautique avaient accepté de faire des efforts pendant la crise Covid et il me semble logique que lorsque la situation s'améliore, ils demandent un retour à meilleure fortune. Comme 8% des actionnaires de Safran sont des salariés, ils bénéficient par ce biais du fruit de leur travail.

Nous ne sommes pas soumis à la pénurie d'approvisionnements venus de Chine, car notre secteur a depuis longtemps une culture prudente en la matière. Nous avons une grande répartition de nos fournisseurs et sous traitants, et avons choisi d'en relocaliser plus proches de nous. Ce qui nous permet de ne pas dépendre de l'Asie, tout en réduisant notre empreinte carbone.

Paul Hermelin, Président de Cap Gemini

Attention, car à force de dire que tout va mal, on va s'entraîner dans la récession. Nous devons affronter une crise, mais il y a toujours quelque chose à en apprendre. Si le prix du fossile monte, profitons-en pour passer à autre chose et préparer l'avenir. Le Covid et l'Ukraine ont démontré que nous pouvions être dépendants d'importations de certaines matières premières indispensables. Revoyons nos chaines d'approvisionnement, relocalisons. Cela permettra de redynamiser l'économie. Certains pensaient qu'on pourrait changer la Chine et la Russie par le commerce. C'était une illusion. Il faut apprendre à vivre dans un monde avec des modèles économiques distincts.

Aux Etats Unis, l'inflation est liée à un excès des demandes. Ce qui explique qu'ils soient prêts à créer quelques trimestres de récessions. En Europe, l'inflation est liée aux importations et pénalise le pouvoir d'achat des ménages. La pression subie par les politiques fait craindre des agitations salariales. La tentation pourrait être de monter les salaires, auquel cas on risque de rentrer dans une spirale inflationniste.

Philippe Mabille
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