C'est la victoire d'un travail d'équipe qui place les Alpes françaises comme seul hôte pressenti pour l'organisation des JO d'hiver 2030. L'annonce ce jour du CIO confirme ce que disait le dossier : les Alpes françaises ont su faire la différence privilégiant le jeu collectif. Et ce autant sur le plan économique, politique que sportif, en s'appuyant sur l'héritage existant, sur la bonne entente entre Renaud Muselier et Laurent Wauquiez, respectivement présidents des Régions Sud et Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi sur une candidature incluant dès les premiers pas, le sport olympique et paralympique. La lettre de soutien rédigée par le Président de la République, Emmanuel Macron et que La Tribune a pu consulter, a clairement constitué une valeur de réassurance, contribuant à renforcer fortement la candidature tricolore. Le CIO a, pour sa part, rappelé l'expérience reconnue de la France dans l'accueil de grands événements.
Une loi d'exception pour accélérer les infrastructures
Si la victoire est évidemment belle, elle signe surtout le début d'une nouvelle aventure. Car c'est une étape toute neuve qui s'ouvre et c'est la plus stratégique. En entrant en dialogue ciblé, les Alpes françaises vont devoir approfondir leur vision et leurs promesses. Désormais les sujets qui vont être travaillés, étudiés, tranchés sont ceux des infrastructures et du financement principalement. Le premier échelon sera franchi dès le mois de janvier par la constitution d'une structure juridique ad hoc qui devrait rassembler l'Etat, les Régions Sud et Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que le mouvement sportif. Une structure qui va ainsi définir la gouvernance et les engagements financiers de chacun. Car les sujets ne manquent pas.
Sur les infrastructures d'abord. Si, certes, la candidature française s'appuie fortement sur l'héritage, notamment d'Albertville et de Nice pour la partie glace, il n'en reste pas moins que le sujet notamment des transports et des liaisons ferroviaires entre les Hautes-Alpes et Auvergne-Rhône-Alpes, tout comme celui des ascenseurs valléens ou de la rocade entre Gap et Briançon seront prioritaires. De même, en Provence Alpes Côte d'Azur, la LNV et sa promesse de cadence amplifiée avec un train toutes les 20 minutes, joue un rôle non négligeable. Renaud Muselier l'a dit, « il va falloir désenclaver les Vallées », quand Laurent Wauquiez insiste sur la nécessité de créer des parkings relais pour les automobiles afin de permettre un accès à la montagne par voie d'ascenseurs... Tout cela devrait être permis et accéléré grâce au vote d'une loi d'exception « pour délivrer les infrastructures en temps et en heure », promet Renaud Muselier.
L'appel au financement privé
Sur le budget ensuite. Si sur ce point majeur, Laurent Wauquiez rappelle la sobriété dont la candidature tricolore a fait preuve, « loin du gigantisme et de la gabégie », ne dépensant « que » 100.000 euros en communication quand le budget alloué est habituellement « l'ordre de 10 millions d'euros », la question du financement est, depuis plusieurs semaines, au centre des questionnements. Sur ce point, David Lappartient, le président du Comité national olympique et sportif le redit, la volonté est d'aller chercher principalement des fonds privés. Et de profiter, dans le bon sens du terme, des JO 2024, 17 partenaires étant disposés à rempiler pour 2030. Parmi les partenaires premium des jeux de Paris 2024, se trouvent notamment les groupes Accor, Carrefour, LVMH, EDF, mais aussi Sanofi. Dans la liste des partenaires dits cette fois « officiels », s'ajoutent Air France, ArcelorMittal, CMA CGM (actionnaire de La Tribune), ou encore Danone. Une cinquantaine de grands groupes a également manifesté sa volonté de mécénat.
Si elle semble bien engagée, la stratégie financière pourrait-elle s'en trouver bouleversée ? Face au risque de dépassement des coûts lorsque plusieurs candidatures s'affrontent, cette pré-sélection de la seule candidature française s'annonce plutôt positive. Selon l'économiste Wladimir Andreff, président de l'observatoire d'économie du sport, ce schéma disqualifie de fait la montée des enchères, valable lorsque plusieurs villes sont en compétition entre elles. Il en appelle à la théorie de "la malédiction du vainqueur", comme il l'expliquait à La Tribune le 15 novembre dernier : « La ville hôte désignée par le CIO, c'est celle qui a le plus sous-estimé ses coûts, surestimé ses revenus, et quand elle est désignée, ce sont les coûts réels, beaucoup plus grands, qui s'imposent. » Mais le chercheur observe une évolution majeure, depuis les dernières attributions du CIO : « il y a de moins en moins de candidatures, donc moins de surenchères. Et comme le dit la théorie : s'il n'y a pas d'enchères, il n'y a pas de surcoût ». Wladimir Andreff prend l'exemple de Los Angeles, seule en lice pour l'obtention des Jeux d'été 2028 : « LA l'a joué finement et peut, je l'annonce, ne pas dépasser ses coûts, sauf infinitésimales. C'est une évolution ».
Concernant la sécurité, autre point majeur qui sera observé, Christophe Dubi, directeur des JO au CIO, a confirmé qu'il faudra d'ici la fin du mois de mars, « fournir l'ensemble des garanties ».
Le travail d'équipe va donc devoir se poursuivre et la course contre la montre est maintenant enclenchée. Juillet 2024 constitue le prochain round. Entre temps, il va falloir arbitrer, affiner la stratégie comme la dit la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, concrétiser, construire. Presque neuf mois pour donner vie à une candidature française qui servira probablement de nouveau modèle dans l'organisation des grands événements.