Le ton est donné et il vient de Bretagne. Face à la flambée des prix du carburants, les transporteurs mais aussi les agriculteurs et pêcheurs se sont mobilisés ce lundi 14 mars, afin de "bloquer la France". Ce mardi, les dépôts pétroliers de Lorient et de Brest restaient inaccessibles, à l'arrêt..., les manifestants occupant les lieux, entre palettes et barrages. De quoi donner des sueurs froides au gouvernement, qui se souvient que des mouvements sociaux importants sont partis de l'Ouest. Bonnets rouges, ou même Gilets jaunes, ont, en partie, trouvé naissance sur ces terres.
L'Insee confirme la progression de l'inflation
Hasard du calendrier, ce mardi, l'Insee a par ailleurs publié son nouvel indice des prix à la consommation. Il traduit ce que les manifestants ressentent. Les prix ne cessent de grimper. Ainsi, en février dernier, l'inflation a atteint 3,6 %, soit une hausse de 0,8 point sur ce seul mois. Du jamais vu depuis 2008. Si les tarifs de l'énergie sont largement à l'origine de cette progression, ils s'accélèrent encore ( + 3,6 % après 2,9%) , ceux des services s'accentuent, mais aussi ceux des produits alimentaires. Ces données viennent confirmer les dernières estimations de la banque de France, qui dimanche soir, annonçait entre 3,7 et 4,4 % d'inflation pour 2022 en France. Plus de doute, alors que la guerre en Ukraine fait rage et que la Chine se reconfine, promettant de perturber encore notre économie mondiale, l'inflation est partie pour durer.
Dans ce contexte, le gouvernement cherche à désamorcer le mécontentement. Aussi, avant même la publication de son plan de résilience, ce mercredi, annonçait-il plusieurs gestes pour faire baisser la facture des Français.
Ce week-end, Jean Castex a ainsi promis une réduction de 15 centimes par litre de carburant à partir du 1er avril. Sans même que la mise en œuvre ne soit très claire, il fallait rassurer les Français rapidement. " Tous les sondages montrent que les Français sont avant toute chose préoccupés par le prix à la pompe, c'est leur priorité numéro 1 ", assure un conseiller à l'Elysée. Cette ristourne sera t elle efficace ? Une chose est sûre, selon Bercy, ce coup de pouce coûtera au bas mot 2 milliards d'euros à l'Etat.
Dégel du point d'indice
Et ce lundi 14 mars, l'exécutif s'est aussi engagé à dégeler le point d'indice pour plus de 5 millions de fonctionnaires. Une surprise à deux jours de la journée de mobilisation interprofessionnelle de ce jeudi 17 mars, qui selon les syndicats, promet d'être suivie et de perturber nos services publics - écoles, transports etc.
Reste que cette revalorisation des salaires des agents ne verra pas le jour avant cet été, car son adoption doit passer par une loi de finances rectificative. Amélie de Montchalin, la ministre de la fonction publique, assure aussi se laisser le temps pour mener un cycle de concertation avec les organisations syndicales, pour fixer le montant de cette hausse...
"Ne pas mettre encore de l'essence sur un incendie"
Si le gouvernement met la dernière touche au plan de résilience, il fait savoir qu'il ne repartira pas "dans un quoi qu'il en coûte" comme lors de la pandémie. Le risque serait de déverser des milliards d'euros qui alimenteraient l'augmentation des prix et l'inflation... soit une boucle infernale, plaide-t-il. Non sans ironie, un conseiller ministériel assure " on ne va pas arroser d'essence un incendie ..." . Organisations patronales - Medef en tête - mais aussi syndicales comme la CFDT sont d'ailleurs sur cette ligne.
Matignon promet plutôt des aides ciblées, vers les ménages les plus fragiles tout d'abord. Prendront-elles la forme de chèques comme le chèque énergie ? De primes comme la prime inflation de 100 euros versée à près de 38 millions de Français entre décembre et mars ? Pas sûr. Le gouvernement cherche la martingale pour aider les plus gros rouleurs, ceux qui utilisent le plus leur véhicule, notamment pour travailler.
Aides aux ménages mais aussi aux entreprises
Il promet aussi de ne pas oublier les entreprises mais là encore, le soutien promet d'être réservé à celles qui en ont le plus besoin, secteur par secteur. En premier lieu, le gouvernement aidera celles qui sont très dépendantes du carburant. Jean Castex a ainsi déjà cité "le cas des pêcheurs, dont la flotte est très consommatrice en carburant". Ainsi, il pourrait comme il l'a évoqué envisager "un abaissement des charges sociales et portuaires". L'idée d'un bouclier tarifaire - temporaire- comme bénéficient les ménages est aussi à l'étude.
L'objectif de ce plan de résilience est aussi, insiste Matignon, d'orienter les investissements à plus long terme, pour nous rendre "moins dépendants structurellement du gaz russe", c'est-à-dire "plus souverains". C'est aussi un credo répété par Bruno Le Maire, ce mardi, juste avant le démarrage d'un sommet à Bruxelles avec les ministres de l'Economie et des Finances de la zone euro.
Matignon volera aussi aux secours des entreprises très exposées au marché russe, comme Renault, ou Engie.... etc... ou dépendantes, pour leur production, de pièces venant de Russie et d'Ukraine. Selon la CPME, près de 2000 sociétés sont directement exposées à ces marchés. Parmi les mesures souvent évoquées pour les aider : le chômage partiel. Il pourrait faire son grand retour pour les entreprises qui doivent suspendre leurs lignes de production. Si le dispositif est encore en action, le taux de prise en charge a beaucoup baissé. Les organisations patronales demandent au gouvernement de le remonter comme au plus fort de la crise du Covid.
Jean Castex présentera ce mercredi en fin d'après-midi, au cours d'une conférence de presse, ses arbitrages.