LA TRIBUNE DIMANCHE - Le Conseil constitutionnel a rejeté le référendum d'initiative partagée (RIP) des Républicains sur la politique migratoire. Quelles sont les conséquences de ce camouflet pour votre camp ?
FRANÇOIS-XAVIER BELLAMY - Les conséquences pèsent surtout sur les Français ! Il faut mesurer la gravité de ce qui se joue. Nos parlementaires ont bataillé pour faire adopter, dans la loi immigration, des dispositions plébiscitées par les citoyens. Le juge constitutionnel, à la demande de l'exécutif, les a retoquées. Nous avons donc proposé un référendum pour que les Français puissent trancher ; le même juge l'a empêché. Nos institutions sont bloquées, non par notre droit - le Conseil s'appuie sur une interprétation explicitement politique de la Constitution - mais par le gouvernement lui-même, qui bloque toute réforme sur le sujet migratoire.
Le Conseil constitutionnel n'est pas obligé de suivre les recommandations que lui soumet l'exécutif, mais admettons : quel serait l'objectif derrière ?
Le gouvernement aurait pu envoyer un mémoire pour soutenir ce référendum, pour une politique migratoire plus ferme ; il assume l'inverse. Le président a déclaré dans une interview [au Figaro en août 2023] qu'il voulait mettre en œuvre une « politique de peuplement ». De fait, la France n'a jamais accueilli autant d'immigration légale qu'au cours de ces dernières années, sous la responsabilité d'Emmanuel Macron et de Gérald Darmanin : 1 million de personnes entrées en deux ans, un chiffre inédit.
Les sages ont retoqué le premier article de votre texte, arguant qu'il portait une « atteinte disproportionnée » aux droits à la protection sociale inscrits dans notre bloc de constitutionnalité. Ils vous reprochent d'avoir proposé la préférence nationale, en somme...
Si c'est le cas, qu'appelle-t-on alors la préférence nationale, sinon le fait que l'État fasse une différence entre nationaux et non-nationaux ? C'est le principe même de la cité, et de la politique !
Si vous considérez qu'il n'y a aucune différence entre citoyens et étrangers, y compris s'agissant des droits sociaux, vous vous retrouvez dans cette situation aberrante qui fait que des personnes entrées très récemment et parfois illégalement dans notre pays bénéficient de plus d'aides que des Français qui ont cotisé toute leur vie.
À travers sa critique du Conseil, la droite n'érige-t-elle pas notre Constitution, grand œuvre gaullien, en obstacle ? N'est-ce pas verser dans une forme d'illibéralisme ?
La Constitution ne contient, ni dans sa lettre ni dans son esprit, les conséquences que le juge constitutionnel en tire. Au nom du principe de « fraternité », le Conseil a rendu une décision favorable à Cédric Herrou, un militant no border qui passe son temps à harceler les forces de l'ordre pour les empêcher de protéger nos frontières... Cela me semble bien éloigné de ce que prévoyait la Constitution voulue par le général de Gaulle.
Le candidat virtuel de LR à la prochaine présidentielle, Laurent Wauquiez, martèle cette notion d'État « empêché » d'agir par nos juridictions. Mais, avec cette décision, n'êtes-vous pas condamnés à prêcher dans le désert ?
Les Français en sont parfaitement conscients : en condamnant l'État à l'impuissance, une partie de la jurisprudence récente condamne les citoyens à subir un État de non-droit. Partout, la loi finit par être rendue inapplicable. Comme l'affirme Laurent Wauquiez, il sera nécessaire de réviser la Constitution pour que les Français retrouvent la possibilité de décider par référendum de leur politique migratoire. Nous étudions, chez LR, la meilleure manière de répondre au blocage imposé par l'exécutif et par Laurent Fabius.
Après l'adoption du pacte sur la migration et l'asile par le Parlement européen, Jordan Bardella a accusé LR et Reconquête d'avoir soutenu un volet du texte empêchant le refoulement des migrants. Qu'en est-il exactement ?
Cette attaque révèle l'imposture absolue du RN. Cette partie du texte - le règlement sur le « filtrage » des migrants - va dans le bon sens et permet de renforcer les frontières extérieures de l'Europe, ce qui a toujours été notre seule boussole. De fait, le RN lui-même a voté en faveur de ce texte en commission il y a un mois ! Son contenu n'a pas changé depuis... Par cette attaque, Jordan Bardella ne fait donc que se renier, une fois de plus, illustrant l'inconsistance totale de son parti, y compris sur les enjeux migratoires.
Selon les sondages, le RN convainc largement les Français sur le sujet...
Le seul sondage qui vaille, c'est le vote du 9 juin. Le RN, qui n'a aucun bilan, se contredit sur tous les sujets. Jordan Bardella fuit les débats, sauf avec Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer. Le seul débat qui semble le gêner, c'est avec la droite : j'ai accepté toutes les propositions, lui les décline. Au moment où il devra assumer cette discussion, les Français prendront conscience du vrai choix qu'ils ont à faire. Nous ne sommes pas contraints de passer de la faillite du macronisme aux illusions du RN.