Reculer l'âge de départ à la retraite. Plusieurs candidats à l'élection présidentielle le suggèrent ou y songent. Ainsi, Valérie Pecresse, candidate pour les Républicains, affiche, par exemple, sa volonté de porter les départs " progressivement jusqu'à 65 ans". Emmanuel Macron, qui n'est pas encore candidat, a, à plusieurs reprises, estimé qu'une mesure de ce type serait nécessaire et laissé entendre qu'il pourrait la mettre en œuvre lors d'un second mandat. Le chef de l'Etat privilégierait alors un curseur à 64 ans. A gauche, la question ne se pose pas, la plupart des candidats prévoyant un retour à 60 ans.
Décaler l'âge est ce qui rapporte le plus au système de retraite
L'objectif est évidemment de faire rentrer de l'argent dans les caisses du régime de retraite, déficitaire et dont les dépenses pèsent aujourd'hui près de 15% de notre PIB . Si les salariés partent plus tard à la retraite, ils cotisent alors plus longtemps, et utilisent moins longtemps leurs pensions. Par exemple, selon des études précédentes du COR, un décalage de deux ans a permis d'économiser plus de 14 milliards d'euros en 2020. C'est en tout cas, le calcul effectué après le passage de 60 à 62 ans en 2010.
Mais derrière la nécessité d'équilibrer le système de retraite, la situation est loin d'être aussi simple, assurent les syndicats. Car il y a des effets de bord, souvent oubliés, qui pourtant, peuvent peser lourds sur les comptes.
Ainsi, la CFDT, majoritaire dans le privé, émet-elle quelques doutes. Soutenue par les autres centrales, elle a donc demandé au Conseil des retraites, le COR, de se saisir du sujet. La réunion se tient ce jeudi 27 janvier, et il est fort à parier que ces conclusions seront scrutées attentivement par les postulants à l'Elysée.
Des effets sur le chômage
Une des premières conséquences d'un recul de l'âge de départ à la retraite concerne l'emploi. Certes, selon la Dares, qui dépend du ministère du Travail, le taux d'emploi des seniors progresse, autour de 14%. Un chiffre non négligeable. Les entreprises maintiennent en poste des salariés plus âgés, et ces derniers repoussent alors le moment de partir.
Mais, revers de la médaille, il existe aussi de nombreux cas où les seniors ne restent pas en emploi et se retrouvent donc inscrits à Pôle emploi... plus longtemps, jusqu'à faire valoir leurs droits à la retraite. Selon les estimations de la Darès, reculer l'âge pourrait ainsi entraîner 84 000 inscriptions supplémentaires, soit une dépense d'1,3 milliard d'euros par an pour l'Unedic.
Et sur les autres systèmes d'aide sociale
Le risque est donc d'augmenter les dépenses de l'assurance chômage mais aussi des minima sociaux. Par exemple, une fois leurs droits au chômage épuisés, pour faire la jonction avec le versement des pensions de retraite, ces demandeurs d'emploi vont bénéficier de l'allocation spécifique de solidarité, ou du RSA, etc... Il est fort à parier qu'ils vont aussi être plus souvent en invalidité, " l'invalidité concerne presque une personne sur 10 juste avant la retraite", précise la Dress...
Coût estimé de l'ensemble de ces dépenses supplémentaires : près de 5 milliards d'euros par an. Ce qui est loin d'être négligeable, même si l'avantage d'un décalage reste positif.
Des études qui divergent
Si les calculettes fonctionnent à plein régime, plusieurs études s'affrontent. Ainsi, les travaux de l'OFCE sur ce sujet sont-ils encore plus tranchés : pour eux, les avantages et les inconvénients s'annulent au bout de 5 ans, et se révèlent même négatifs après 10 ans. De fait, les débats d'experts promettent de se multiplier, et il est difficile d'avoir un consensus autour de ce sujet. Une chose est sûre, toutefois, une telle réforme nécessiterait de bien coordonner les différents régimes. Et c'est bien là, l'avantage de ces travaux du COR : pointer le doigt sur les externalités cachées de pareille réforme.
En attendant, tous mettent l'accent sur la nécessité d'améliorer le taux d'emploi des seniors en France, qui reste parmi les plus faibles de la zone euro.