Pour Emmanuel Macron, pas de doute, la réforme des retraites est "indispensable". C'est la "mère des réformes". D'ailleurs, s'il n'y avait pas eu l'épidémie, il l'aurait faite, a-t-il assuré, lors de son entretien sur TF1-LCI, mercredi soir. "Début 2020, cette réforme serait allée à son terme, c'est évident", s'est-il justifié. Aussi, après des mois de conflits, Emmanuel Macron a promis qu'il n'aurait pas cédé face à la rue. Et même s'il ne s'est pas (encore) prononcé sur sa candidature, le chef de l'État a voulu souligner qu'il n'a rien perdu de sa volonté réformatrice. Simplement, les conditions de la crise sanitaire ne sont pas propices à mettre l'ouvrage sur le métier en cette fin de quinquennat.
Exit le système universel par points
Reste qu'à l'avenir, si la possibilité se présente, il fera, mais autrement. "Je ne pense pas qu'il faille exactement faire la même réforme que celle qui était envisagée", a plaidé le chef de l'Etat. Plus question de basculer les 42 régimes de retraites actuels en un seul, universel, par points, dont Emmanuel Macron n'a guère fait mention. "Trop anxiogène" a-t-il simplement concédé. Le Président s'est ainsi bien gardé de revenir sur la complexité de son projet initial. Les réunions et les concertations autour de Jean-Paul Develoye, qu'il avait nommé Haut commissaire aux retraites, ont laissé de mauvais souvenirs qu'il fut inutile de raviver...
Aussi, le chef de l'Etat a t-il esquissé le système "simplifié" qu'il imagine désormais, avec "grosso modo, trois grands régimes" : un pour la fonction publique, un pour les indépendants, et un pour les salariés du privé. Emmanuel Macron reprend ainsi dans les grandes lignes ce que demandent par exemple les organisations patronales, comme la CPME.
Fin des régimes spéciaux
Emmanuel Macron en a profité pour réitérer sa volonté d'en finir avec les "régimes spéciaux". Quelques minutes auparavant, il avait réaffirmé son dynamisme à vouloir combattre les rigidités et les corporatismes. Un message envoyé aux électeurs de droite pour qui ce sujet est un marqueur fort. Dans un sondage Ifop pour le Journal du dimanche, en septembre 2021, 53% des Français répondaient par l'affirmative à la question : "faut-il supprimer les régimes spéciaux avant l'élection présidentielle ?". Les électeurs des Républicains ont même répondu positivement à plus de 72%.
Mais Emmanuel Macron a été très clair sur la justification d'une réforme des retraites, là où il y a encore quelques mois, il se contentait d'évoquer un impératif de justice sociale. Il s'agit bel et bien de sauver les comptes. "Contrairement au moment où j'ai été élu et où le Conseil d'orientation des retraites écrivait qu'il n'y avait pas de problème de financement des retraites, il y a maintenant un problème de financement", a-t-il expliqué. Et pour cause, les dépenses de retraite représentent plus de 14% du PIB, le déficit du régime pour 2020 s'élève à 13 milliards d'euros.
"On doit être préparés à l'idée qu'il faut travailler plus longtemps", a ainsi martelé le chef de l'Etat. Sous-entendu, il faudra décaler l'âge de départ à la retraite, ou augmenter la durée de cotisation.
Travailler plus longtemps
Où mettre le curseur ? Conscient du caractère très sensible du sujet, le Président a préféré rester évasif. "Ce devra être le fruit d'un débat démocratique" a t-il plaidé. Il a toutefois rappelé que, pour cela, la question du travail des seniors doit être repensée. Et pour cause, la France enregistre un des taux d'emploi des plus de 57 ans les plus bas en Europe. D'après les données de 2020, de la Darès, à peine 54% des 55-64 ans sont en emploi. Et les quinquagénaires sont parmi les premières victimes du chômage : quand ils sont inscrits à Pole Emploi, ils restent en moyenne plus de deux ans - 759 jours - soit plus du double que l'ensemble du reste des chômeurs (315 jours).
Travailler plus longtemps, répondre à la problématique de financement du régime... Les propositions sont somme toutes conventionnelles. Sur ce dossier, Emmanuel Macron joue une carte plus traditionnelle et moins transgressive qu'en 2017. Est-ce parce que le chef de l'Etat a réalisé combien ce dossier est explosif socialement dans l'Hexagone ?