Bière, pâtisseries et robes de mariées : où filent les millions versés à l’Italie ?

L’UE verse plusieurs milliards d’euros aux régions du sud de l’Italie pour y stimuler la recherche et l’innovation, mais les subventions financent parfois des projets surprenants.
Entre 2007 et 2013, l'UE a effectivement versé près de 6 milliards d'euros à l'Italie, une somme qui devait être dédiée en priorité « aux activités de recherche et d'innovation dans les quatre régions des Pouilles, de la Calabre (photo), de la Sicile et de Campanie » et ainsi « créer des moteurs pour le développement social et économique ».

Quel est le point commun entre un atelier de couture pour robes de mariée dans les Pouilles, Fiat, la télécommunication italienne et un cinéma calabrais ? Malgré les apparences, il y en a bien un : le soutien de Bruxelles.

Entre 2007 et 2013, l'UE a effectivement versé près de 6 milliards d'euros à l'Italie, une somme qui devait être dédiée en priorité « aux activités de recherche et d'innovation dans les quatre régions des Pouilles, de la Calabre, de la Sicile et de Campanie » et ainsi « créer des moteurs pour le développement social et économique ».

Environ 300 000 euros ont été versés, en supplément des 100 000 euros d'aides italiennes, à la commune calabraise de Marzi, par exemple. En effet, le village espère augmenter son attractivité, depuis que le directeur de la photographie du film Avatar, Mauro Fiore, qui en est originaire, a remporté un Oscar en mars 2010.

La construction d'une « Maison du septième art et de la photographie » était prévue pour 2014. Malgré les investissements abondants dans le projet, le centre culturel n'est pourtant toujours pas érigé. Pour toute information sur l'avancée du projet dit CUP F56D11000280005, le compte-rendu officiel renseigne qu'« il n'y a pas de date à communiquer ». Or, il ne suffit pas de savoir quand la construction s'achèvera, mais aussi si la commune bénéficiera réellement de ce centre, sur le plan économique.

Le centre à Marzi n'est toutefois pas un cas isolé, comme l'a prouvé le magazine Le Scienze dans son étude « Fonds européens, mystères italiens ».

Les impôts européens financent des fabricants de matelas et des couturières de robes de mariée

Les recherches sur l'investissement des fonds européens dans le sud de l'Italie ont donné des résultats pour le moins surprenants. L'argent qui devait financer la recherche et l'innovation serait investi, par exemple, dans des bed & breakfast, des stations de car wash, la production de matelas et des brasseries, mais aussi dans des maisons de retraite, des boulangeries, des huileries, des ateliers de couture, des producteurs de meubles ou des usines de mise en bouteilles.

Selon les études, il n'est pas rare que les projets financés ne soient même pas contrôlés. Les subventions sont versées à des entreprises unipersonnelles, sans connexion internet ou adresse postale. Les conclusions du rapport sont éloquentes : l'Italie semble ne pas avoir compris le concept. Une situation pour le moins douteuse.

>> Lire : Les dépenses européennes manquent de méthode

En dehors des projets déjà cités, Le Scienze a souligné la subvention d'une banque, d'instituts de formation supérieure et de célèbres entreprises, comme Fiat. Néanmoins les effets positifs de ces aides ne seraient pas visibles.

Le choix des critères de stimulation, de la répartition de la somme ainsi que son utilisation ne revient cependant pas à la Commission. C'est en fait le rôle du gouvernement italien, en particulier des ministères de la Recherche et de l'Éducation et du Développement économique. Les deux institutions ont toutefois refusé de répondre aux questions du magazine scientifique italien.

L'Italie en tête de la course aux erreurs et aux irrégularités

Selon Inge Grässle, eurodéputée allemande et dirigeante de la commission du contrôle budgétaire (CONT), l'UE passe en revue une partie des projets. Elle a cependant estimé que l'Italie, malgré son statut de membre fondateur, se trouve en tête, juste derrière l'Espagne, de la course aux erreurs et aux irrégularités dans l'application du budget de l'UE.

Fin 2013, le commissaire à la politique européenne de voisinage, Johannes Hahn, avait été très élogieux quand les institutions s'étaient accordées sur la réforme des fonds structurels pour la période 2014-2020. Cette entente aurait été « un grand pas en avant sur la route vers le renforcement de l'économie européenne », s'était-il alors félicité.

Selon cet accord, les régions les moins développées devraient être encouragées jusqu'en 2020, avec les 325 milliards d'euros des fonds structurels (FSE et FEDER) et du fonds de cohésion. Sur cette somme, 80 milliards d'euros sont destinés à la recherche et l'innovation.

Parmi les modifications, les États membres devaient également soumettre en détails quels objectifs seraient atteints avec cet argent et quels progrès seront faits. Quel État est éligible et quel montant lui sera versé n'est cependant toujours pas clair dans le rapport de l'UE sur la recherche et l'innovation.

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Par Nicole Sagener, EurActiv.de (traduit par Céline Nguyen)

(Article publié le lundi 12 septembre 2016 à 10:08)

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Commentaires 3
à écrit le 13/09/2016 à 21:42
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C'est bien mieux que les milliards de la BCE qui profitent aux traders de la finance bancaire

à écrit le 13/09/2016 à 20:12
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On semble découvrir que l'Italie est un pays ou le niveau de corruption atteint des niveaux sub-sahariens.Hier le gouffre sans fond se cantonnait principalement dans le sud,aujourd'hui c'est tout le pays qui s'est mis au diapason de la mafia,hormis q...

à écrit le 13/09/2016 à 17:39
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Les fonds dont dispose l'UE sont inépuisables ! Certains savent mieux les détourner que d'autres !

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