L'épargne coule à flots dans les banques européennes. Plus d'un an après l'arrivée du virus sur le Vieux continent, les Européens continuent d'accumuler des montagnes de cash. La multiplication des périodes de confinement et des mesures de restriction ont limité les possibilités de consommer dans de nombreux pays. Résultat, la part des revenus consacrée à l'épargne a atteint des sommets. Selon une note de l'assureur-crédit Euler Hermes dévoilée ce jeudi 29 avril, le surcroît d'épargne en 2020 est évalué à 450 milliards d'euros, soit environ 4% du produit intérieur brut (PIB). Aussi, les dernières mesures de restriction mises en œuvre au premier semestre 2021 pourraient entraîner une nouvelle hausse de l'épargne estimée à 200 milliards d'euros.
En fermant des pans entiers de l'économie européenne, les dirigeants ont fait le choix de préserver une grande partie des revenus des travailleurs par le déploiement massif de l'activité partielle. Cette stratégie a ainsi permis de limiter la perte de revenus des ménages modestes tout en favorisant l'épargne des familles les plus aisées. En effet, certains postes de dépenses comme l'hôtellerie, la restauration, les vols longs courriers, le luxe ont véritablement fondu au cours de cette année pandémique. A cette épargne forcée s'ajoute une épargne de précaution liée aux incertitudes et à la conjoncture très dégradée. En parallèle, les entreprises ont accumulé des pertes très importantes depuis le début de la pandémie.
Alors que les Etats-Unis annoncent des plans de relance massifs pour booster l'économie dans les prochaines années, les Etats européens n'ont pas encore tous envoyé leur plan de relance à la Commission européenne pour valider leur programme et obtenir les subsides des prêts et subventions prévus dans l'enveloppe des 750 milliards d'euros. Le rôle de cette épargne pourrait donc s'avérer crucial dans les mois à venir.
Un levier pour la consommation et la croissance en 2021
L'utilisation de cette épargne pourrait booster la demande et la consommation de l'économie européenne de l'ordre de 170 milliards selon les modèles des économistes de l'assurance-crédit. Ce qui pourrait représenter 1,5 point de produit intérieur brut. "Ce rebond de la consommation des ménages se répartirait de la manière suivante : +68 milliards d'euros pour le Royaume-Uni, +42 milliards d'euros pour l'Allemagne et +29 milliards d'euros pour la France" indiquent les auteurs de l'étude. Pour l'instant, les deux tiers de toute cette enveloppe dorment sur les comptes en banque tandis que le dernier tiers a été injecté sur les marchés de capitaux. Le risque que cette somme serve juste à alimenter les marchés financiers demeure élevé, surtout que les opportunités d'investissement actuellement sont assez faibles.
L'épargne enflamme les débats
Le rôle de ce surcroît d'épargne dans la relance attise les débats entre les économistes et au sein de la classe politique. Si certains plaident pour une fiscalité de cette épargne, d'autres préfèrent privilégier les donations et écartent toute taxation. C'est la thèse défendue par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire qui a écarté d'emblée toute nouvelle taxe. "L'épargne constituée par les ménages européens en 2020 représente deux tiers du montant du plan de relance européen. C'est une source financière conséquente, qui pourrait permettre de moderniser et décarboner plus vite l'économie européenne. A ces fins, les instances européennes pourraient décider de passer la seconde concernant la réforme de l'Union des marchés de capitaux, et contribuer à rediriger l'épargne des ménages vers des projets de transformation verte et digitale de l'économie européenne" a indiqué Anne Boata, directrice de la recherche macroéconomique chez Euler Hermes.
Les comportements d'épargne des ménages sont à ce stade difficiles à évaluer, surtout que la situation sanitaire reste tendue dans des pays comme la France. Si la campagne de vaccination a permis de lever certaines mesures d'endiguement comme au Royaume-Uni, beaucoup de mesures devraient perdurer dans le temps. Les limitations de déplacement par exemple et les contrôles renforcés dans les aéroports pour les voyageurs issus des pays encore empêtrés dans une situation sanitaire dangereuse pourraient se prolonger. Dans ce contexte troublé, l'épargne de précaution pourrait encore gonfler.
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