[Article mis à jour mercredi 6 juillet à 13h30]
Peut-on considérer comme « durables » les énergies liées au gaz et au nucléaire et leur apposer un label « vert » ? Pour la Commission européenne, lors d'un texte présenté en janvier qui s'inscrit dans l'objectif de neutralité carbone de l'UE en 2050, c'est désormais acté. Les eurodéputés ont approuvé ce mercredi lors d'un vote le le label "vert" pour qualifier le gaz et le nucléaire.
Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont finalement rejeté une proposition de veto contre ce projet, à une majorité de 328 voix. L'objection a recueilli seulement 278 voix.
Cette reconnaissance de la contribution du gaz et du nucléaire à la lutte contre le changement climatique, en s'appuyant sur la base de rapports d'experts, a suscité la colère d'organisations écologistes qui dénoncent une opération de "greenwashing". Hier, encore, quelque 150 personnes défilaient vers le siège du Parlement européen, avant un débat en session plénière. « Le nucléaire ne sauvera pas le climat », lisait-on sur une banderole.
Le feu vert des Etats membres étant déjà acquis, les opposants ont annoncé qu'ils lanceraient une procédure en justice, seul moyen désormais disponible pour bloquer l'initiative. Seuls huit pays, dont l'Allemagne, l'Autriche et le Luxembourg, ont exprimé leur opposition, lors de consultations menées par la présidence française du Conseil de l'UE, loin de la "super-majorité" de vingt pays nécessaire pour bloquer le projet.
Nouvelle taxonomie
La production de ces énergies doit mobiliser et les technologies les plus avancée et l'ouverture de centrales à gaz entraîner la fermeture de centrales à charbon. Cette classification (dite taxonomie) doit aider à mobiliser des investisseurs dans ces projets.
Ainsi, en février en 2022, lors de la présentation de ses résultats 2021, EDF expliquait que l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie allait faciliter en France la « construction de nouveaux réacteurs de technologie innovante, les modifications visant à étendre la durée de vie de centrales et le financement de la recherche et développement dans ce domaine ».
« Il n'y a rien de durable dans les énergies fossiles », a estimé l'eurodéputée suédoise Emma Wiesner (groupe Renew, libéral). » « Comment pouvons-nous demander aux autres pays de réduire leur utilisation des énergies fossiles si nous les classifions comme vertes ? Cela va nuire à l'accord de Paris » , a renchéri le Néerlandais Bas Eickhout (Verts).
« Personne ne dit que le gaz et le nucléaire sont des énergies vertes mais elles sont temporairement indispensables à la transition. Nous devons utiliser tous les outils pour nous passer en priorité du pétrole et du charbon », a plaidé l'eurodéputé français Gilles Boyer (Renew).
La France, qui veut relancer sa filière nucléaire, et des pays d'Europe centrale comme la Pologne, qui doivent remplacer leurs centrales à charbon, sont en revanche derrière la Commission.
Le ministère ukrainien de l'Énergie s'immisce dans le débat
Dans une lettre adressée aux principaux députés européens, reprise par le site Euractive, le ministère ukrainien de l'Énergie a appelé les législateurs à « considérer positivement » les propositions visant à qualifier le gaz et le nucléaire de technologies de transition écologique.
La reconstruction d'après-guerre de l'Ukraine « nécessitera un climat d'investissement prévisible et propice à toutes les technologies », y compris le nucléaire et le gaz.
Il ajoute que le nucléaire et la « production indigène de gaz » resteront « un pilier solide pour garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique et la souveraineté de l'Ukraine au cours de la prochaine décennie (jusqu'en 2030) ».
Svitlana Romanko, avocate spécialisée dans l'environnement et responsable de campagne au sein de Stand With Ukraine, un groupe militant, n'a pas la même vision. « L'inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie de l'UE est un cadeau très clair à Vladimir Poutine pour alimenter sa machine de guerre contre les Ukrainiens ».
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ZOOM : La France s'attend à un été chaud et sec
« Face à un été qui s'annonce chaud et sec, le parc nucléaire est prêt et résilient », affirme Cécile Laugier, directrice Environnement et prospective à EDF. Avec une sécheresse « très marquée notamment dans le Sud-Est, et une fonte des glaciers plus précoce », on a « globalement un peu moins d'eau disponible cette année », a-t-elle relevé. « L'été pourrait être long », mois de septembre inclus. EDF pourra ainsi être amené à de nouvelles baisses de production, même si cela ne pourra se prévoir que de semaine en semaine.
Selon la directrice Environnement, les centrales les plus exposées au risque de dépassement des limites thermiques de rejet de l'eau sont Golfech, près d'Agen, Le Blayais, et sur le Rhône Bugey, Saint-Alban et Tricastin. S'y ajoute Chooz, dans les Ardennes, du fait d'un accord franco-belge sur le débit de la Meuse.
Pour autant, depuis les canicules de 2003 puis 2005 et 2006, des modulations à ces limites de températures ont été autorisées, permettant de les dépasser temporairement en cas de besoin d'approvisionnement électrique exprimé par RTE, le gestionnaire du réseau. « La surveillance environnementale est alors renforcée », souligne Mme Laugier, assurant que globalement, jusqu'ici, « les impacts thermiques sur les écosystèmes ont été peu perceptibles ».
En termes d'impact sur la production, EDF relativise: depuis 2000, les pertes pour cause de température élevée ou de faible débit des fleuves ont représenté en moyenne 0,3% de la production annuelle du parc.
(Avec AFP)