Les “coronabonds” en sept questions

Face à l’ampleur et à l’urgence de la crise du coronavirus, l’idée d’émettre des obligations paneuropéennes, permettant de mutualiser les dettes des pays membres de la zone euro, ressurgit. Voici ce qu’il faut savoir sur cette catégorie particulière d’eurobonds.
Juliette Raynal
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n'a pas exclu la possibilité de recourir à des obligations européennes, un instrument financier inédit, compte tenu de l'ampleur de la crise.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n'a pas exclu la possibilité de recourir à des obligations européennes, un instrument financier inédit, compte tenu de l'ampleur de la crise. (Crédits : Reuters)

Depuis quelques jours un néologisme a fait son apparition dans la presse et sur les réseaux sociaux: les coronabonds. Ce terme est le fruit de Giuseppe Conte, le chef du gouvernement italien. Mardi dernier, lors d'un sommet européen en visioconférence, ce dernier a exprimé à ses homologues l'urgence d'une réponse commune face au tsunami économique et social provoqué par la crise du coronavirus. Parmi les instruments possibles, Giuseppe Conte a suggéré la création de "coronabonds", une catégorie particulière d'obligations paneuropéennes (ou eurobonds) permettant de répondre spécifiquement à la crise économique engendrée par l'épidémie du coronavirus Covid-19.

Également soutenue par Paris, cette idée n'aurait pas été rejetée d'emblée par l'Allemagne,  sa chancelière Angela Merkel ayant promis de "continuer à discuter" du sujet. Elle n'est pas écartée non plus par la Commission européenne. Questionnée par l'hebdomadaire allemand der Spiegel à ce sujet, sa présidente Ursula von der Leyen n'a pas exclu cette possibilité compte tenu de la crise. "Nous examinons tout. Tout ce qui est utile dans cette crise sera utilisé", a-t-elle déclaré. Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a toutefois indiqué qu'un consensus était encore loin d'être atteint sur ce sujet et qu'il s'agissait probablement d'une solution à plus long terme.

Si elle était acceptée, cette proposition briserait un tabou dans l'Union européenne. Mais alors comment fonctionne un eurobond ? Cette idée est-elle nouvelle ? Quels en sont les avantages ? Quid des arguments de ses détracteurs ? Les coronabonds ont-ils une chance de voir le jour ? Dans quelles conditions ? Éléments de réponse.

Qu'est ce qu'un eurobond ?

Pour bien comprendre le fonctionnement d'une obligation européenne il faut comprendre comment les Etats financent leur déficit. Actuellement, chaque Etat de la zone euro émet sur les marchés des obligations (des titres de dette auxquels peuvent souscrire des investisseurs publics ou privés, comme les compagnies d'assurance, les banques ou encore les fonds d'investissement) libellées en euros mais avec des garanties nationales. Un eurobond serait, lui, émis au nom de l'Union européenne et non plus au nom des différents gouvernements nationaux. Autrement dit, il s'agit d'emprunts émis en commun par les pays de la zone euro sur les marchés.

Comment fonctionne-t-il ?

Une structure ad hoc, qui peut être créé ex-nihilo, émet une dette au nom de tous les Etats européens. Ensuite, dans un système de mutualisation parfait, un mécanisme commun permet une réallocation des fonds levés vers les différents pays de la zone euro. Quant au taux d'intérêt, il s'agirait d'une moyenne pondérée correspondant à la solidité financière des différents Etats. "De quoi rassurer les marchés en atténuant l'incidence des difficultés que rencontre un pays qui se voit allouer les ressources sur le risque supporté par l'investisseurles autres Etats se portant garants", précise Laurent Quignon, économiste chez BNP Paribas.

Quel avantage présente-t-il ?

Le principal avantage d'un tel instrument financier est de mutualiser la dette et d'empêcher la spéculation sur les Etats en difficulté, dont les taux d'intérêts des obligations sont beaucoup plus élevés.

A titre d'exemple, en Italie, où le taux d'endettement a grimpé à plus de 136 % du PIB fin 2019, le taux d'intérêt des obligations à dix ans se situe à 1,69% - après avoir touché 2,40% la semaine dernière. Tandis que l'Allemagne, qui s'emploie depuis dix années à ramener son taux d'endettement sous la barre des 60%, affiche des taux d'intérêt en territoire négatif, à -0,39%. "C'est un écart assez significatif et les marchés sont très discriminants entre les pays présentant des déficits importants et l'Allemagne, qui est considérée comme le point de référence. L'arbitrage des investisseurs obligataires en faveur de la dette allemande au détriment des pays jugés plus risqués conduit à élargir encore le spread [écart de taux d'intérêt par rapport à l'emprunt d'Etat allemand, ndlr] en défaveur de ces pays, ce qui renchérit encore leur financement », explique Laurent Quignon.

"Il s'agirait d'utiliser la puissance collective pour émettre des obligations communes en bénéficiant de la bonne note de la zone euro attribuée par les agences de notation", complète Alexandre Baradez, analyste chez IG France.

L'idée d'emprunts communs à l'échelle européenne est-elle nouvelle ?

L'idée n'est pas nouvelle mais il n'y a jamais eu de véritable instrument de dette mutualisée entre les Etats européens.  Après la crise des subprimes en 2008, la France et l'Italie avaient plaidé pour la création d'obligations européennes. Celles-ci n'avaient toutefois jamais vu le jour en raison d'une farouche opposition de plusieurs pays, dont l'Allemagne et les Pays-Bas.

Pourquoi une telle réticence ?

Le principal écueil évoqué par l'Allemagne et les Pays-Bas était l'aléas moral. "Les pays quien l'absence de mécanisme mutualisation, pâtiraient de spread très pénalisants pourraient, avec un tel dispositif, bénéficier d'un coût de financement moins élevé, que les détracteurs de la mutualisation jugent d'ailleurs trop faible par rapport aux risques qu'ils présentent. Les voix les plus orthodoxes, en Allemagne ou aux Pays-Bas, redoutaient un certain laxisme budgétaire", explique Laurent Quignon. Vient s'ajouter un obstacle politique car "un tel mécanisme implique des transferts budgétaires d'Etats qui dégagent des excédents vers des pays qui ont des déficits", ajoute l'économiste.

La création d'eurobonds spécifiquement dédiés à la relance de l'activité affectée par le coronavirus est-elle plus probable ?

Face à l'ampleur de la crise et l'urgence à agir, le contexte laisse à penser que la création d'eurobonds est bien plus probable aujourd'hui que douze ans auparavant. "L'urgence peut être un élément favorable à la mise en place d'un tel dispositif. Le risque derrière la crise du coronavirus est une crise de la dette souveraine dans certains pays. Les responsables politiques de la zone euro en ont conscience et veulent absolument éviter ce genre d'enchaînement", relève Laurent Quignon. "Aujourd'hui, l'Allemagne n'est pas farouchement opposée à ce type de solution, en tout cas moins qu'en 2008. Mais il faut rester prudent car les oppositions à l'époque étaient assez marquées", nuance-t-il. Surtout, les États comprennent que les graves conséquences de la crise du coronavirus en Italie peuvent avoir d'importantes répercussions sur leur propre économie. "Aujourd'hui, les pays sont face à un choc mondial. Il n'est plus question de bons ou de mauvais élèves", abonde Alexandre Baradez. "Si chaque pays répond de manière non coordonnée, il y a un risque de concurrence au sein même de la zone euro entre ceux qui ont la capacité de réagir, comme l'Allemagne, et ceux qui peuvent moins le faire, comme l'Italie", prévient-il.

Dans quelles conditions ?

Pour que l'Allemagne soit favorable à l'utilisation de cet instrument, il faudrait que les fonds alloués soient circonscrits aux dépenses liées au coronavirus, même si ce périmètre pourrait être assez large. La durée devra également être limitée, quelques trimestres tout au plus, avant de repartir sur d'autres bases.

Juliette Raynal
Commentaires 20
à écrit le 09/04/2020 à 16:05
Signaler
Quelle Europe?Le nord luthérien n'aime pas le crédit mais ceux d'en bas n'auraient rien aujourd'hui s'ils n'avaient pu emprunter.C'est cela que les gens ne comprennent pas.J'ai toujours été contre l'idée européenne sous-ensemble calqué sur les Usa et...

à écrit le 09/04/2020 à 16:03
Signaler
Quelle Europe?Le nord luthérien n'aime pas le crédit mais ceux d'en bas n'auraient rien aujourd'hui s'ils n'avaient pu emprunter.C'est cela que les gens ne comprennent pas.J'ai toujours été contre l'idée européenne sous-ensemble calqué sur les Usa et...

à écrit le 31/03/2020 à 22:19
Signaler
Mesdames / messieurs On entend des rumeurs circuler sur le fait que les Pays Bas, l’Allemagne auraient refusé la mise en place des coronafonds ? C’est totalement faux et les médias français sont responsables de cette désinformation . Comme Mark Rut...

à écrit le 25/03/2020 à 4:07
Signaler
Pourqoui des eurobonds? l'Italie, l'Espagne et la France, ils ont toujours access au marche financiere international pour preter d'argent. Mais la les pretes s'engage et doit etre rembourse et ce que n'est pas leur intention de rembourser les prets f...

à écrit le 24/03/2020 à 21:41
Signaler
Et pendant ce temps ouverture des discussions d’adhésion dans l’UE pour la Macédoine du Nord et l’Albanie ! La secte euro-fanatique à l' épreuve de la crise sanitaire, test fatal pour toute la logique du néolibéralisme, continue sa fuite en avant, à ...

à écrit le 24/03/2020 à 16:04
Signaler
Qui voudra payer pour les autres? Surtout pas l'Allemagne, "le bon élève", pour les plus "dilettantes"! Car ce n'est pas sa côte part qu'il devra payer mais l'intégralité de la caution!

le 25/03/2020 à 3:50
Signaler
10% des francais sont propetaire d'un maison secondaire financie avec la dette achete par le BCE donc demandez leur adhesion en fois de voler l'argent des ouvriers nordics.

le 25/03/2020 à 11:28
Signaler
Qui voudra payer pour des gents qui jamais vont rembourser leur pretes et qui ne respecte pas n'importe pas quel traite d'UE qui'ils ne conviennent pas?

à écrit le 24/03/2020 à 14:16
Signaler
Quel nom absurde. Coronabonds😱 Soit l'Europe politique naîtra des cendres de la crise, soit il n'y aura plus d'Europe. Au passage, certains états qui jouent solo devraient aussi faire les frais de cette prise de conscience. Je pense à la Pologne, la...

le 24/03/2020 à 16:57
Signaler
Pardon votre honneur, l' UE doit disparaitre pour que l' Europe vive ce qui nous donne la reformulation suivante . L' Europe naîtra des cendres de la crise et l' UE des 28 "komissar" -le Soviet Suprême- non élus disparaitra comme...

à écrit le 24/03/2020 à 12:56
Signaler
C'est tout de même une blague que d'avoir été incapables de s'entendre sur les mesures destinées à la population entre européens (le confinement notamment), chacun y allant de ses mesures, de bloquer entre européens les transferts de masques, le Prés...

le 25/03/2020 à 12:51
Signaler
La santé est nationale, les pays n'accepteraient pas que Bruxelles leur donne des instructions (mais des masques et/ou respirateurs, si, là ça irait ! :-) ). Dans le domaine des taxes et impôts non plus, chacun sa culture et ses règles.

à écrit le 24/03/2020 à 12:00
Signaler
Lire l' excellent article de Vincent Brousseau responsable de la question euro à l' UPR et ex cadre de haut niveau à la BCE et sa conclusion sur UPR.fr "Le « coronabond », nouveau soin palliatif pour les eurolâtres. Analyse de Vincent B...

à écrit le 24/03/2020 à 10:45
Signaler
Les guerres commerciales de Trump ont eu le mérite de faire comprendre à l'Allemagne qu'être exportateur n'est pas une fin en soi. Quand un client ferme ses frontières ou s'appauvrit, ça n'est pas bon du tout pour les exportations. Et de manière géné...

à écrit le 24/03/2020 à 9:54
Signaler
Allemagne et pays bas, des pays à courte vue : que va t'il advenir de leurs exportations lorsque sans soutiens, les pays clients vont voir leur pib s'effondrer ? De plus, des pib qui s'effondrent ce sont des déficits encore plus abyssaux... La scienc...

le 29/03/2020 à 12:42
Signaler
Rappelons nous quel a été le rôle ppal du plan Marshall mis en place après 45 pour rebâtir l'Europe de l'W : permettre à l'Amérique industrielle triomphante d' obtenir des débouchés Européens conséquents.

à écrit le 24/03/2020 à 9:18
Signaler
La finance pour "sauver" l'UE alors que c'est elle qui l'a massacré. Il n'y aurait pas comme une contradiction majeure dans votre résonnement aliénant (non il n'y a pas de faute) ?

à écrit le 24/03/2020 à 9:07
Signaler
l'Age a retrait taux plein pour tous en Pays-Bas 67ans, en Allemagne 66ans. En France a partir de 52ans. Un fois tout le monde dans l'UE travaillent sur les memes conditions on y va parler d'un mutualisation des dettes nationales. Des ans les pays d'...

à écrit le 24/03/2020 à 9:02
Signaler
l'italie est comme la france quand ca allait elle a refuse de se reformer et d'economiser maintenant elle veut mutualiser la dette qu'elle ne voudra pas rembourser je veux pas etre mechant mais les italiens ont une epargne abondante, et d'ailleurs...

le 24/03/2020 à 11:16
Signaler
L´Italie possède le deuxième stock d´or en Europe... avant de syphonner les états soucieux d´une comptabilité rigoureuse incluant réserves et provisions pour les coups durs....ils pourraient vendre. Lorsque de surcroît des pays affichent un mépris d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.