Les eurodéputés entament un bras de fer sur le budget européen

Les eurodéputés vont demander une révision à la hausse du cadre financier 2014-2020. La crise des réfugiés, le manque d’investissement ou le chômage des jeunes leur donnent des arguments solides. Un article de notre partenaire Euractiv.
Selon le Traité de Lisbonne, l'UE doit se donner les moyens de ses objectifs, et le cadre pluriannuel peut être revu en fonctions d'événements conjoncturels inattendus. Or, ils sont nombreux, comme l'accueil des réfugiés (ici en Grèce, à la frontière avec la Macédoine).

L'Europe, stop ou encore ? Sous couvert d'enjeux budgétaires complexes, c'est à cette question que devraient répondre les eurodéputés, mercredi 6 juillet, en votant un rapport sur le cadre financier 2014-2020. Une majorité favorable est attendue, comme cela a été le cas en commission, la semaine dernière.

« On est pas dans n'importe quel contexte, il faut prendre des mesures maintenant ! », s'insurge Isabelle Thomas, co-rapporteur avec le polonais PPE Jan Olbrycht. La crise des réfugiés, mais aussi les questions climatiques ou la situation économique, demandent un engagement plus sérieux de l'UE, selon les eurodéputés, qui s'apprêtent à croiser le fer avec la Commission et le Conseil sur ce sujet. Avec une méthode simple : en l'absence de révision des plafonds budgétaires actuellement en vigueur, le Parlement ne votera pas le budget 2017 en fin d'année.

Pour les élus en charge du rapport, il s'agit surtout d'adapter les moyens à un contexte évolutif : ceux du cadre financier 2014-2020, que la Commission européenne doit théoriquement évaluer d'ici la fin 2016. Les élus estiment qu'à cette occasion, le plafond des dépenses doit être revu à la hausse.

Ils partagent visiblement cette position avec la vice-présidente de la Commission, Kristalina Georgieva, qui a indiqué hier lors d'un débat au Parlement que le cadre actuel n'était pas adapté.

Selon le Traité de Lisbonne, l'UE doit se donner les moyens de ses objectifs, et le cadre pluriannuel peut être revu en fonctions d'événements conjoncturels inattendus. Or, ils sont nombreux. « Pour la première fois, l'UE s'est penché sur les réfugiés, l'investissement, la sécurité, alors que son budget annuel est en recul. On demande à l'UE de faire plus avec moins d'argent ! », s'étonne Isabelle Thomas.

La crise des réfugiés et les dépenses connexes

L'enjeu le plus crucial, et aussi le plus important en terme de montants, est la crise des réfugiés. Pour l'heure, la Commission a pioché dans les réserves disponibles pour financer son action, épuisant les ressources de dernier ressort. Mais le lancement du projet de garde frontières européens, et le financement de la nouvelle politique de surveillance des frontières demandent à elles seules près de 2 milliards d'euros supplémentaires.

A cela s'ajoute des fonds ad hoc, comme celui pour la Turquie ou le fonds fiduciaire pour l'Afrique, qui viennent aussi racler les fonds de tiroir tout en échappant, par leur structure hybride, à tout contrôle démocratique : le Parlement n'a pas de droit de regard sur leur fonctionnement, et le système peine à démarrer puisque les Etats tardent à abonder leur part.

La question des investissements en suspens

Les élus rappellent aussi que le plan Juncker a déshabillé d'autres programmes. Les 8 milliards d'euros consacrés à l'investissement de départ de l'UE ont été pris sur d'autres programmes, dont Connecting Europe et Horizon 2020,

Mais c'est surtout la question de l'emploi des jeunes qui préoccupe le Parlement. L'initiative pour l'emploi des jeunes, financée pour 2014 et 2015, n'a aucun financement pour 2016 alors que le taux de chômage des moins de 25 ans reste élevé.

Les coupes claires effectuées ces derniers temps dans le budget de l'UE ont en effet eu des conséquences inattendues. Comme la suppression de fonds destinés à des programmes aussi cruciaux que l'emploi des jeunes ou la recherche, dans le cadre du programme UE 2020.

« Nous voulons aussi manifester notre refus de la crise des paiements que nous connaissons quasiment chaque année », explique Isabelle Thomas.

Une crise des paiements récurrente

Les engagements dépassant le budget, les retards s'accumulent. L'UE n'ayant pas le droit de s'endetter, les paiements sont simplement reportés d'une année sur l'autre, ce qui se traduit par de nombreux projets non financés, notamment dans le domaine social.

Et l'UE reporte sa dette d'une année sur l'autre. Sur la période 2014-2020, cette "dette" théorique pourrait atteindre 50 milliards d'euros. Le rapport Thomas/Olbrycht pose donc aussi la question des ressources propres de l'UE, déjà soulevée par le groupe de haut niveau dirigé par Mario Monti, en 2014.

La situation actuelle du budget de l'UE, comme le montre le graphique ci-dessous, le laisse dépendant de décisions des Etats membres pour 83 % des montants qui lui sont attribués (en jaune, la part du budget provenant des budgets nationaux, ou GNI ( gross national income).

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Ce qui ouvre la voie à des négociations sans fin et des comptes d'apothicaires, pour une transparence modeste. « Les Etats membres veulent protéger leur budget national, donc on est dans une impasse. La seule solution serait une ressource propre non contestable : par exemple une part de la taxe minimale pour les entreprises, ou de la TTF. Il faut que les Etats membres comprennent aussi que ca leur redonnera du souffle pour leur budget national », assure Isabelle Thomas.

Sur ce sujet, un nouveau rapport Monti est attendu en fin d'année. D'ici là, les eurodéputés le promettent, il y a un risque si le Parlement européen devrait sans trop d'encombre convaincre la Commission sur ces enjeux, faire bouger les Etats-membres, détenteurs du cordon de la bourse, risque toutefois d'être plus compliqué.

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Par Aline Robert d'Euractiv.fr

(Article publié le 6 juillet 2016)

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