Les négociations du TTIP bloquent sur la question des marchés publics

Les négociations du traité transatlantique achoppent sur la question de l’ouverture des marchés publics. Un sujet sur lequel Européens et Américains s’accusent mutuellement de protectionnisme. Un article de notre partenaire Euractiv.
Cecilia Malmstrom, la commissaire européenne chargée du commerce, est en pointe dans les négociations du TTIP.

Les négociations du traité transatlantique achoppent sur la question de l'ouverture des marchés publics. Un sujet sur lequel  Européens et Américains s'accusent mutuellement de protectionnisme.

Alors que les négociateurs européens et américains se préparent pour un nouveau cycle de négociations à New York la semaine prochaine, les craintes de voir l'accès aux marchés publics entraver les discussions le TTIP  se sont multipliées.

"Concours de beauté"

Bernd Lange, eurodéputé allemand qui dirige la commission Commerce international du Parlement européen, a déclaré lors d'une audition le 20 avril que la question des marchés publics pouvait bloquer l'accord, puisqu'à part vanter l'ouverture de leurs marchés publics, les négociateurs n'avançaient pas.

« C'est une sorte de concours de beauté pour savoir quel pays est le plus ouvert en termes de marchés publics », a déclaré un analyste du Centre européen d'économie politique internationale (ECIPE), un groupe de réflexion. « Et l'UE s'est autoproclamée grand vainqueur de ce concours », a-t-il ajouté.

Perdu dans les chiffres

Si les Européens estiment que l'ouverture des marchés publics européens est évaluée à environ 85%, contre 32% pour les États-Unis, des responsables américains ont affirmé à EurActiv que les entreprises européennes avaient un accès plus garanti aux appels d'offres publics aux États-Unis.

En prenant l'Accord sur les marchés publics (AMP) de l'Organisation mondiale du commerce comme preuve, Washington affirme qu'il garantit un accès aux marchés à hauteur d'environ 320 milliards de dollars par an. Le marché public européen couvre quant à lui environ 333 milliards de dollars, mais n'ouvre que la moitié de cette somme à la concurrence américaine, soit environ 158 milliards de dollars.

Discrimination des entreprises européennes ?

Selon Michael Froman, le représentant des États-Unis pour le commerce, le gouvernement fédéral dépense environ 500 milliards de dollars chaque année pour un large éventail de biens et services et l'UE possède un accès garanti à environ 200 milliards de dollars - soit deux cinquièmes du marché public fédéral. Ces 200 milliards ne sont pas soumis à des restrictions comme le Buy American Act, le Berry Amendment et le programme américain pour les PME.

Mais c'est là que les négociations achoppent. L'UE estime que les entreprises européennes sont discriminées, même sur ces deux cinquièmes d'accès aux marchés publics.

Une source proche de la DG Commerce de la Commission européenne a déclaré à EurActiv que même si certaines entreprises européennes avaient trouvé un moyen de respecter les restrictions strictes des États-Unis et de gagner des contrats publics, elles avaient été obligées de changer leur chaîne d'approvisionnement et même d'instaurer un système de production aux États-Unis.

    >> Lire : Les Néerlandais réclament désormais un référendum sur le TTIP

Un exemple de marché public très strictement limité pour les fournisseurs européens est celui des bus et des transports publics, a expliqué le responsable européen. Ces restrictions sont notamment liées au Buy American Act, qui stipule que l'acier et le fer doivent être produits aux États-Unis.

Les choses se compliquent encore plus au niveau des marchés publics sous-fédéraux, qui représentent 60% de tous les marchés publics américains. Alors que les représentants américains assurent que les entreprises européennes ont un accès garanti à l'équivalent de 120 milliards de dollars de contrats par an, l'UE soutient que ce chiffre est surestimé.

« L'argent fédéral est accompagné de conditions », explique le responsable européen. « Quelle que soient les affirmations de « réelle ouverture », la réalité est que le gouvernement fédéral américain applique la politique du Buy American sur les marchés publics fédéraux et sur les marchés publics financés par le gouvernement fédéral », a-t-il ajouté.

De Buy American à Buy Transatlantic

Ces règles rendent l'accès de PME européennes à de grands projets, en tant que sous-traitantes, plus fastidieux.

L'UE apprécierait un accord privilégié dans lequel « nous nous débarrassons de toutes les conditions », a déclaré le responsable européen. « Pourquoi ne pouvons-nous pas transformer le « Buy American » en « Buy Transatlantic ? », a-t-il demandé.

Les Européens estiment que cela permettrait de pallier le manque de données statistiques fiables et de finaliser les négociations avant que Barack Obama quitte ses fonctions en 2017.

     >> Lire : Quand Trump favorise les négociations du TTIP

Cecilia Malmström, commissaire européenne en charge du commerce, et Michael Froman, son homologue américain, ont accéléré leurs échanges : ils se sont rencontrés trois fois ces six dernières semaines et ont eu des conversations téléphoniques régulières.

En mars, lors d'une visite à Washington, Cecilia Malmström a déclaré vouloir résoudre les principaux différends liés à la législation fédérale du « Buy American », aux litiges liés à l'investissement, et aux nombreuses règles géographiques gouvernant les produits alimentaires comme le jambon de Parme ou la feta, d'ici l'été.

En février, les deux partenaires commerciaux ont également dit espérer avancer rapidement sur la consolidation de l'accord. Même si les responsables européens ne s'attendent pas à une offre sur les marchés publics lors du prochain cycle des négociations, ce thème brûlant du TTIP aura une place importante lors des négociations.

La question pourrait bien être soulevée durant les discussions entre la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président américain, Barack Obama, le dimanche 24 avril à Hanovre.

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CONTEXTE

La Commission européenne estime qu'un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l'économie européenne d'environ 120 milliards d'euros (ou 0,5 % du PIB) et celle de l'économie américaine de 95 milliards d'euros (0,4 % du PIB). Économiquement, le TTIP bénéficiera aux consommateurs en leur proposant des produits moins chers, assure la Commission.

Selon une étude du centre pour la recherche en politique économique, un foyer moyen de 4 personnes verra ses revenus nets augmenter d'environ 500 euros par an, grâce aux effets combinés de hausse des salaires et de réduction des prix.

Toutefois les polémiques ne cessent de prendre de l'ampleur sur l'opacité des négociations, l'abaissement des normes environnementales et le fait que les gouvernements seraient à la merci des poursuites engagées par les multinationales.

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PROCHAINES ÉTAPES

  • 24 avril : Les dirigeants américains, européens et allemands se rencontrent à Hanovre.
  • 25 avril : 12e cycle des négociations autour du TTIP.
  • 20 juin : Fin des primaires américaines.
  • Fin 2016 : Date limite de signature du TTIP
  • Janvier 2016 : Barack Obama quitte ses fonctions

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Par Daniela Vincenti, traduit par Marion Candau

(Article publié le 22 avril 2016)

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Euractiv

Commentaires 5
à écrit le 23/04/2016 à 22:02
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Il suffit de connaître l'initiateur de ces négociations pour savoir qui a le plus d’intérêt à l'issue de cet arnaque!

à écrit le 23/04/2016 à 9:26
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Moins de 20% des citoyens US et allemands, et je suppose un taux pas supérieur des français, seraient favorables à cet accord. Alors, il serait bon que nos politiques friands de sondage prennent la mesure de l'adhésion des populations à ce sujet et e...

à écrit le 22/04/2016 à 19:52
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On va vous le dire cruement (on n'en veut pas de leur merde)

à écrit le 22/04/2016 à 17:40
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C'est complètement fou !! On entend parler que de fric mais JAMAIS du bien être des citoyens !! Or, ce n'est pas, mais alors pas du tout parce qu'un pays augmente sa richesse que ses concitoyens vivent mieux (a part 1% de cette population). Il va fal...

à écrit le 22/04/2016 à 17:35
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C'est scandaleux ! Alors que la plupart des citoyens européens, des entreprises (à part les groupes mondiaux) sont opposés au traité, Cecilia Malmstrom, par idéologie, qui ne représente qu'elle, continue ses négociations et forcera, le moment venu l...

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