Michel Barnier : "L'avenir de l'Europe est plus important que le Brexit"

Par Giulietta Gamberini  |   |  905  mots
Les divers modèles de partenariats conclus par l'UE avec des pays tiers, "chacun avec son équilibre de droits et d'obligations", "sont disponibles", a garanti Michel Barnier.
Lors d'une intervention devant le Comité économique, social et environnemental européen (Cese), le négociateur en chef de l'Union européenne sur le Brexit a mis en garde les représentants des employeurs, travailleurs et autres organisations sociétales. A partir du 29 mars 2019 à minuit, le Royaume-Uni ne fera plus partie ni du marché unique, ni de l'Union douanière, ce qui affectera particulièrement certains secteurs, pays et régions.

Il ne s'agit pas d'une "punition", ni d'une "revanche". Mais "quitter l'Union européenne aura des conséquences", a réaffirmé jeudi 6 juillet à Bruxelles Michel Barnier, négociateur en chef de l'Union européenne sur le Brexit, lors d'une intervention devant le Comité économique, social et environnemental de l'UE (CESE).

"Ma tâche est de limiter les coûts du Brexit, sans pour autant nier - j'ai toujours promis de dire la vérité - que certains secteurs seront affectés plus que d'autres. Il faut commencer à préparer la société civile à ces changements", a insisté l'ancien Commissaire européen au marché intérieur et aux services devant l'organe consultatif représentant les employeurs, travailleurs et autres organisations sociétales européennes. "Les contraintes concerneront surtout la filière agro-alimentaire", a-t-il précisé. Et certains pays ou régions comme l'Irlande et les Flandres subiront plus que d'autres, a-t-il ajouté.

"La première période de transition a déjà commencé"

Dès le 29 mars 2019 à minuit, le Royaume-Uni sera en effet un Etat tiers. Cela implique qu'il ne fera plus partie ni du marché unique, imposant une harmonisation ou du moins une reconnaissance mutuelle des règles nationales, ni de l'Union douanière, exigeant des tarifs communs et abolissant tout contrôle, a souligné le négociateur, rappelant que le gouvernement britannique a explicitement affirmé vouloir quitter ces deux dispositifs avec l'UE. Or, seulement lorsqu'ils opèrent ensemble, le marché unique et l'Union douanière permettent une circulation des biens véritablement libre, a expliqué Michel Barnier, citant divers exemples de relations fondées sur l'un seul de ces dispositifs, où persistent des contrôles et des procédures.

Et même si après mars 2019 il y aura sans doute une phase transitoire - dont "le contenu et la durée dépendront du modèle de relations dessiné pour la suite", "la première période de transition a déjà commencé, avec la lettre de Theresa May du 29 mars 2017 déclenchant le Brexit", a mis en garde le négociateur, appelant les représentant de la société civile à ne pas "perdre de temps" dans leur travail sur le terrain.

"Il n'y aura pas de 'cherry picking'"

Pour l'UE, l'objectif est maintenant d'atteindre, dès octobre 2018, et "sans dramatiser", un accord sur les principes régissant trois "sujets prioritaires" dans le cadre d'un "retrait ordonné" : les droits des ressortissants européens installés au Royaume-Uni et des Britanniques vivant sur le territoire des 27 (4,5 millions de personnes) ; la situation des bénéficiaires des politiques européennes ; les frontières. Les négociations ne seront d'ailleurs pas que "techniques", mais aussi "humaines", a souligné l'ancien commissaire, qui a notamment assuré chercher des solutions avec les autorités britanniques et irlandaises pour "ne rien faire qui fragiliserait l'accord de paix pour l'Irlande du Nord" de 1998.

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A plus long terme, les divers modèles de partenariats conclus par l'UE avec des pays tiers, "chacun avec son équilibre de droits et d'obligations", "sont disponibles", a garanti Michel Barnier. "Mais il n'y aura pas de 'cherry picking'", permettant aux autorités britanniques de choisir seulement ce qui leur convient, a-t-il rappelé. Et l'avenir des services financiers sera notamment étudié avec un souci principal : la stabilité financière de l'UE, a-t-il assuré.

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Le scénario d'un no-deal doit être envisagé

Il faudra néanmoins tenir compte des inquiétudes que suscite dans les Etats membres la situation paradoxale du Brexit: alors que la trentaine d'accords de libre-échange jusqu'à maintenant conclus par l'UE avec une soixantaine de pays tiers ont été déclenchés dans le cadre d'une "convergence réglementaire", là on abandonne une intégration existant depuis 43 ans pour diverger. "Comment sera maîtrisée cette divergence ?", et notamment "Comment s'assurer qu'elle ne sera pas utilisée à des fins de dumping ?", a questionné Michel Barnier.

Le scénario d'un no-deal doit d'ailleurs être envisagé, a-t-il reconnu.

"Mais alors que dans une négociation classique, une absence d'accord implique le maintient du statu quo, en l'espèce, cela impliquerait le retour à un passé lointain : celui d'une relation fondée sur le régime de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui aggraverait la situation perdant-perdant qui résulte déjà du Brexit", a déclaré Michel Barnier.

"Aucune justification raisonnable n'expliquerait donc un tel choix. Un accord équitable est bien mieux que pas d'accord", a-t-il jugé.

Une chance pour l'Europe?

Quant à la possibilité d'un retour en arrière, suggérée par plusieurs membres du Cese, Michel Barnier a souligné son obligation de s'en tenir à la réalité de la position britannique à ce jour : "Je ne peux pas réécrire l'histoire", et "je n'aime pas les spéculations", a-t-il affirmé.

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Mais tout en regrettant le choix britannique, l'ancien commissaire a souligné le potentiel pédagogique de cette négociation dans les Etats membres face aux populismes, en invitant les gouvernements nationaux à s'en saisir pour insister sur les progrès apportés par l'UE. "L'avenir de l'Europe est plus important que le Brexit", a conclu le négociateur, se disant engagé dans une démarche de transparence et de dialogue avec les représentants de la société civile.