La Commission européenne a de nouveau défendu mercredi les statistiques publiées entre 2010 et 2015 sur l'économie grecque, après l'inculpation en Grèce de l'ex-dirigeant du service statistique Elstat, s'attirant une riposte d'Athènes.
"De récentes déclarations dans les médias (...) ont remis en question la qualité et la fiabilité des statistiques officielles en Grèce", a regretté la commissaire européenne aux Affaires sociales Marianne Thyssen, lors d'un point presse à Bruxelles. "Laissez-moi être parfaitement claire, les données sur la dette grecque sont totalement fiables" et ont été "correctement rapportées" à Eurostat, l'office de statistiques européen, a souligné Mme Thyssen. "Contrairement à la situation au cours de la période précédente", a-t-elle précisé. La commissaire prend ainsi la défense d'Andreas Giorgiou, qui en 2010 avait pris la direction d'Elstat, l'office de statistiques grec nouvelle version voulu par les créanciers du pays.
Il y avait procédé à une nouvelle révision à la hausse du déficit public de 2009, à 15,4% du PIB, après un premier doublement de ce chiffre qui avait déclenché la crise de la dette grecque et l'appel d'Athènes à l'aide internationale.
Un déficit artificiellement gonflé?
Des poursuites avaient été ouvertes contre lui en 2013 sous le précédent gouvernement droite-socialiste d'Antonis Samaras, après qu'une collaboratrice l'eut accusé d'avoir gonflé le déficit, suscitant une première manifestation d'inquiétude de la Commission.
Elles avaient été abandonnées en 2015 mais la Cour suprême grecque a rouvert début août l'affaire. Désormais inculpé de "fausse attestation au détriment de l'État", avec deux autres statisticiens, M. Giorgiou a été renvoyé en procès à une date indéterminée. Alors que beaucoup interprètent l'affaire comme un règlement de comptes politique voulu par le gouvernement de gauche d'Alexis Tsipras, le ministre d'État Nikos Pappas a souhaité une "enquête en profondeur".
Les investigations devront donner des réponses sur "comment et si les déficits ont été gonflés pour accélérer des décisions politiques préalablement préparées afin de pousser la Grèce" à demander des prêts internationaux, avait-il affirmé à la radio Sto Kokkino le 2 août. Mme Thyssen a aussi envoyé une lettre à Athènes, avec ses collègues Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, et Pierre Moscovici, en charge des Affaires économiques. La Commission y enjoint les autorités à "dissiper activement et publiquement la fausse impression selon laquelle les données ont été manipulées entre 2010 et 2015 et à protéger Elstat et son personnel de toute déclaration infondée".
Le gouvernement grec apprécie peu l'ingérence de Bruxelles
Le ministre grec des Finances, Euclide Tsakalotos, y a répondu mercredi, exprimant sa "surprise" pour cette intervention dans une affaire "examinée par la justice", alors même que la Commission se défend de toute ingérence dans une procédure judiciaire, a indiqué la porte-parole du gouvernement grec, Olga Gerovassili. M. Tsakalotos "exprime dans sa lettre l'avis que si la Commission dispose d'une expertise scientifique privilégiée (que lui-même ne revendique pas), elle a le devoir moral d'en faire part à la justice", a ajouté Mme Gerovassili.
Les révisions à la hausse du déficit public et de la dette grecs ont précipité le pays dans une crise qui a nécessité depuis trois plans de renflouement internationaux. Les défenseurs de M. Giorgiou ont souligné qu'il était arrivé à la tête d'Elstat en août 2010, après la première révision des comptes opérée à l'arrivée du gouvernement socialiste de Georges Papandréou.
Un bouc émissaire?
Sous sa direction, jusqu'en 2015, Elstat a révisé ses critères de collectes de données, en ligne avec les normes européennes, notamment en incluant les entreprises d'État en difficulté dans le calcul de la dette publique. Les plans de redressement imposés au pays en contrepartie de son sauvetage financier battent les records d'impopularité en Grèce, considérés comme responsables de l'effondrement de l'économie et de l'explosion du chômage.
Dans un entretien à l'hebdomadaire grec To Vima dimanche, Andreas Giorgiou a déclaré se sentir comme le bouc émissaire de la classe politique grecque et a prévenu qu'un jugement à son encontre pourrait remettre en cause la crédibilité des statistiques grecques.
AFP