L'économie de la zone euro freine brutalement

Les indices PMI ont plongé brutalement en territoire négatif au mois de juillet en zone euro. Il s'agit d'une première depuis 2013, en dehors des périodes de confinement. L'industrie, lourdement frappée par la crise énergétique et les difficultés d'approvisionnement, a enregistré une baisse de son activité, tandis que les services frôlent la récession. Le trou d'air observé depuis plusieurs mois est en train de se transformer en crise économique bien plus profonde.
Grégoire Normand
L'activité a chuté brutalement au mois de juillet en zone euro.
L'activité a chuté brutalement au mois de juillet en zone euro. (Crédits : Reuters)

Cinq mois jour pour jour après l'éclatement de la guerre en Ukraine, l'économie européenne est toujours plongée dans une profonde torpeur. L'onde de choc du conflit continue de se propager à l'ensemble des pays du Vieux continent, déjà secoué par les deux longues années de pandémie. Les gouvernements préparent le peuple européen à se passer de gaz russe pour l'hiver prochain.

En attendant cette probable échéance, les indices PMI dévoilés ce vendredi 22 juillet montrent que l'économie européenne s'effondre à grande vitesse. L'indicateur synthétique de la zone euro est entré en territoire négatif au mois de juillet à 49.4 contre 52 au mois de juin. Il s'agit d'un plus bas depuis 17 mois. Pour rappel, l'activité est en contraction quand cet indice, très scruté dans les milieux économiques et financiers, passe sous le seuil de 50 points ; et elle est en expansion lorsqu'il dépasse ce chiffre.

« Si on exclut les périodes de confinements sanitaires, la baisse de l'activité globale enregistrée en juillet est la première depuis juin 2013. Elle indique en outre un recul trimestriel du PIB de l'ordre de 0,1 %, soit un rythme de contraction pour l'heure marginal, mais qui, compte tenu du fort repli des nouvelles affaires, de la baisse du volume des affaires en cours et de la dégradation des perspectives d'activité, devrait s'accélérer dans les prochains mois », a déclaré Chris Williamson, chef économiste chez à S&P Global Market Intelligence.

Au sein de la zone euro, c'est en Allemagne que la baisse de l'activité est la plus marquée, avec un repli de l'indice PMI à 48, soit le plus faible niveau depuis juin 2020. Dans une note de blog publiée ce vendredi, les économistes du FMI ont révisé fortement à la baisse leurs projections de croissance pour l'Allemagne, passant de 2,9% à 1,2% pour 2022. En France, l'activité a continué d'augmenter en juillet, mais à un rythme extrêmement ralenti, avec un PMI de 50,6 en juillet. Au-delà de ces indicateurs conjoncturels, le ralentissement économique est en train de se transformer en crise bien plus systémique.

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L'inflation menace l'économie européenne

La hausse du coût de la vie fait trembler l'économie européenne. La guerre en Ukraine a propulsé l'indice des prix à un niveau record en juin dernier à 8,6% en glissement annuel selon les derniers chiffres de la Commission européenne. Poussée par la flambée des prix de l'énergie, des matières premières et les pénuries, l'inflation grignote peu à peu le pouvoir d'achat des ménages sur le sol européen.

En France, une étude du conseil d'analyse économique (CAE), publiée ce jeudi 21 juillet, montre que les ménages en bas de l'échelle ont largement puisé dans leur modeste épargne. Les classes moyennes ont un stock d'épargne équivalent à la tendance pré-covid. Quant aux plus riches, ils possèdent un stock d'épargne supérieur. En Europe, l'inflation risque ainsi de plomber la demande des familles qui ont la plus forte propension à consommer. Les récentes enquêtes de conjoncture indiquent également que la confiance des ménages est en chute libre. Au final, compte tenu de l'inflation, le niveau de vie d'un grand nombre d'Européens a déjà commencé à chuter.

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L'industrie dans le rouge

Les moteurs de l'appareil productif en Europe sont en première ligne face à cette crise énergétique. Au mois de juillet, l'indice PMI s'est infléchi à 49.6 contre 52.1 en juin. Il s'agit du niveau le plus bas depuis 25 mois au pic de la pandémie. « A l'exception de celles observées pendant les périodes de confinements sanitaires, la baisse de l'activité enregistrée en juillet a été la plus marquée depuis décembre 2012, » soulignent les économistes de S&P.

Cette chute s'explique en grande partie par les difficultés persistantes de l'industrie allemande particulièrement exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine et des difficultés d'approvisionnement. « C'est dans le secteur manufacturier, où un volume de nouvelles commandes plus faible qu'anticipé a entraîné une hausse sans précédent des stocks d'invendus, que la situation est la plus inquiétante » souligne Chris Williamson.

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Les services frôlent la contraction

Du côté des services, les indicateurs virent également au rouge. L'indice PMI est passé de 53 en juin à 50,6 en juillet frôlant ainsi la contraction. Plusieurs branches ont connu un recul ou un coup de frein de l'activité dans les loisirs, les transports ou encore le tourisme. Cette moindre activité s'explique en partie par une hausse du coût de la vie pour un grand nombre d'Européens obligés de faire des choix plus drastiques dans leur quotidien face à l'inflation galopante.

Dans l'immobilier et le secteur bancaire, les analystes font également part de difficultés en raison notamment d'un resserrement des conditions financières depuis plusieurs mois. Compte tenu du poids du tertiaire dans le produit intérieur brut européen (environ 65%), tous ces mauvais signaux ne laissent pas présager de perspectives favorables pour la fin de l'année 2022 et le début de l'année 2023.

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Menaces sur l'emploi

Ce brutal coup de frein de la croissance en Europe devrait mécaniquement entraîner une hausse du chômage. Si le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) a continué de s'infléchir au premier semestre, pour atteindre 6,6% en zone euro à fin mai, la tendance pourrait s'inverser. En effet, le débranchement des aides mises en place pendant la pandémie et le durcissement des conditions financières vont sans doute amener les entreprise à tailler dans leurs effectifs.

En France, les économistes de l'OFCE estiment que les entreprises font de la « rétention de main d'œuvre » au regard du niveau d'activité calculé depuis le début de la guerre en Ukraine. Plusieurs économistes s'attendent à « une croissance moins riche en emplois ». Une remontée du chômage en zone euro affecterait la demande globale et les carnets de commandes des entreprises, déjà affaiblis par la hausse des prix de l'énergie et les difficultés d'approvisionnement.

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Crise politique en Italie

Ce plongeon de l'activité survient alors que l'Italie est traversée par une crise politique majeure. Le départ du président du conseil italien Mario Draghi a fait l'effet d'une bombe en Europe. Arrivé à la tête du gouvernement en février 2021 pour sortir l'Italie de la crise sanitaire et économique, Mario Draghi, 74 ans, avait présenté sa démission le 14 juillet au président Mattarella, qui l'avait aussitôt refusée. Quelques jours après, l'ancien président de la Banque centrale européenne a finalement quitté son poste après plusieurs revers au parlement italien. Dès le lendemain, le président italien Sergio Mattarella a annoncé la dissolution du Sénat et de la Chambre des députés, ce qui provoquera automatiquement la tenue d'élections anticipées dès cet automne dans la troisième économie de la zone euro.

Les marchés scrutent de leur côté avec attention la situation dans la troisième économie de la zone euro. Le "spread", l'écart, très surveillé, entre les taux d'intérêt allemand et italien à dix ans, est monté à 240 points de base, atteignant un plus haut depuis la mi-juin. Avec cette crise politique, l'Italie entre dans une zone de fortes incertitudes alors que l'économie est secouée de toutes parts par les répercussions de la guerre en Ukraine.

La Banque centrale européenne sur une ligne de crête

Après dix années de politique monétaire accommodante, la Banque centrale a décidé de serrer la vis monétaire en annonçant une hausse de ses taux de 50 points de base à la grande surprise de certains économistes. Son taux d'intérêt principal est ainsi passé de 0% à 0,5% et son taux de dépôt a été relevé de -0,5% à 0%. En parallèle, l'institution monétaire a lancé l'IPT, l'instrument de protection de la transmission. Cet outil anti-fragmentation devrait permettre des achats de titres principalement publics.

Les annonces de Christine Lagarde marquent un tournant dix ans après la crise des dettes souveraines de la zone euro où la BCE était venue voler au secours de l'économie européenne. Surtout, l'institut de Francfort a joué un rôle majeur au moment de la pandémie en mettant en place des politiques monétaires exceptionnellement accommodantes, en baissant les taux et en proposant des programmes colossaux de rachats de titres de dette publique. Résultat, le bilan de la banque centrale avait bondi de près de 20 points en près d'un an. Face à l'inflation galopante, la Banque centrale est sur une ligne de crête. En mettant fin à l'ère de l'argent gratuit, elle espère freiner les prix rapidement tout en préservant l'activité. Un pari qui s'avère risqué au moment où les tensions sur les marchés de l'énergie sont au plus haut.

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Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 25/07/2022 à 10:46
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Je suis surpris (ou pas) qu'il n'y a pas un mot sur les raisons de la crise énergétique : manque de pétrole ? Manque de gaz ? Non... Ce sont donc les "sanctions" "anti-russes" qui pénalisent les Occidentaux grâce à la fameuse technique "balle dans le...

le 26/07/2022 à 8:42
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@Snjor Moi aussi je me demande pourquoi les médias ne nous expliquent pas les raisons réelles de cette crise énergétique! Deux hypothèses: 1) ils n'y comprennent que dalle; 2) Ils ne veulent pas nous dire la vérité.

à écrit le 24/07/2022 à 12:58
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merveilleuse union européenne qui devait apporter le bonheur des peuples!et l otan qui aurait du disparaitre avec la fin du communisme en europe qui nous entraine vers une logique de guerre DE GAULLE avait tout compris! Quand l euro explosera (car l ...

à écrit le 24/07/2022 à 11:34
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les écolos vont être enchantés une crise majeure s’annonce avec une chute des pib, de la consommation et de l’ énergie avec un appauvrissement des populations, et avec comme cerise sur le gâteau les 20 ans de laxisme budgétaire et économique de la Fr...

à écrit le 23/07/2022 à 18:39
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On va droit a un reset pour le climat mais rien de mieux que de nous convaincre par l'absurde! Souffrez et vous comprendrez!

à écrit le 23/07/2022 à 18:22
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Les américains nous ont bien piège en nous obligeant à les suivre sur les sanctions contre la Russie. L' UE est rayée des préoccupations monétaires de l'Oncle Sam.

à écrit le 23/07/2022 à 17:29
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PIB corrélé à l'énergie consommée => pas d'énergie = pas de PIB

à écrit le 23/07/2022 à 10:50
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De la rigolade a dit Bruno Lemaire. La Russie c'est peanuts, pédzouille, zeubi. Kikon doit croire ? Lemaire dont c'est le boulot, l'expertise, le savoir, l'expérience, l'analyse ou ses chiffres complotiste certainement sortie des bureaux de Poutine o...

à écrit le 22/07/2022 à 19:57
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Encore une fois cette crise économique n'est pas la conséquence du conflit mais de nos propres sanctions et de la guerre économique que nos dirigeants ont déclarée à la Russie. Osons ouvrir les yeux !

le 23/07/2022 à 0:49
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Quelle est votre légitimité en connaissance et analyse économique ou de finance pour affirmer cela ? Aucune … L inflation était déjà là bien avant le conflit …. Ouvrez les yeux : la Russie envahie un état souverain européen… et vous vous faire l i...

le 23/07/2022 à 17:37
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@Kalou, la souveraineté du pouvoir Ukrainien sur le Donbass est discutable puisqu'ils ont refusé d'organiser le referendum pour l'autonomie de cette région en matière linguistique. Essayez donc, en France, d'interdire l'Islam à Marseille ou en Seine ...

à écrit le 22/07/2022 à 18:40
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le quoiqu il en coute est fini qu il dit Bruno .en fait les promesses des elections c est fini attention a l atterrissage en fin d année .

le 22/07/2022 à 21:29
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Effectivement, l'agression russe sur l'Ukraine arrive à pic pour masquer les erreurs commises ces deux dernières années.

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