Rationnement énergétique : la France s'y prépare, d'autres pays s'y plient déjà

Les Européens sont priés de faire des économies d’énergie. Pour passer l’hiver et surmonter la chute des livraisons de gaz russe, la Commission européenne leur demande de réduire leur consommation nationale de gaz d'au moins 15% depuis ce mois d'août 2022 jusqu'à mars 2023. En France, les appels aux « petits gestes » se multiplient. La chasse au gaspillage peut-elle être efficace ? Retour sur ce qui s’est déjà fait et sur ce qui se fait ailleurs.
Le gouvernement appelle les Français à des « petits gestes du quotidien » pour économiser de l'énergie. Olivier Veran a rappelé que l'État allait également prendre des mesures pour économiser l'énergie et que les entreprises sont aussi appelées à le faire.
Le gouvernement appelle les Français à des « petits gestes du quotidien » pour économiser de l'énergie. Olivier Veran a rappelé que l'État allait également prendre des mesures pour économiser l'énergie et que les entreprises sont aussi appelées à le faire. (Crédits : Pixabay / CC)

Baisser le chauffage, éteindre les lumières... l'heure est désormais aux économies d'énergie. Les Européens sont appelés à faire des efforts dans les prochains mois, dans un contexte d'approvisionnement en gaz extrêmement tendu. Mercredi, la Commission européenne a dévoilé une série de mesures d'urgence (qui doivent encore être approuvées) afin de préparer les Vingt-Sept à affronter une éventuelle interruption des approvisionnements de gaz russe.

Sans attendre les recommandations de Bruxelles, certains pays ont déjà adopté des mesures pour économiser de l'électricité. Objectif : baisser les factures et contribuer à réduire la dépendance de l'Europe au pétrole et au gaz russe. C'est le cas en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne. Hors de l'Union européenne, le Japon fait aussi figure de bon élève. En France, les appels à la sobriété énergétique se multiplient, alors que l'Hexagone doit aussi composer avec la baisse inédite de la production d'électricité nucléaire d'EDF.

Le gouvernement français prépare les esprits

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Veran, a ainsi appelé mercredi les Français à des « petits gestes du quotidien » pour économiser de l'énergie. « Quand on part en week-end ou en vacances, on débranche un maximum de prises électriques parce qu'elles continuent sinon de consommer de l'énergie », a-t-il expliqué appelant également à couper le wifi, à « baisser un peu la clim, maintenant que les températures sont appelées à diminuer » et à éteindre la lumière dans les pièces qui ne sont pas utilisées.

« Ces gestes du quotidien ont un très fort impact sur notre consommation énergétique. C'est bon pour nos réserves et évidemment pour la planète », a insisté le porte-parole du gouvernement.

Olivier Veran a aussi rappelé que l'État allait également prendre des mesures pour économiser l'énergie et que les entreprises sont aussi appelées à le faire. Ces propos font écho au discours du 14 juillet d'Emmanuel Macron où le chef de l'État a expliqué aux Français qu'il faudra consommer moins d'énergie si l'on veut éviter « des coupures complètes », qu'un « plan de délestage » comprenant des interruptions temporaires de gaz ou d'électricité pourrait être imposé à certaines entreprises.

Le secteur de la grande distribution s'est d'ores et déjà engagé à baisser la consommation d'énergie des magasins, en éteignant les enseignes lumineuses dès la fermeture des magasins ou encore à baisser l'éclairage avant l'arrivée du public. Par ailleurs, l'Agence de transition écologique (Ademe), a publié lundi un petit guide à destination des foyers, pour réduire leur facture d'électricité, ce qui permet d'économiser de l'énergie.

Ce que font déjà nos voisins européens

En Allemagne, pays fortement dépendant au gaz russe, la perspective d'une pénurie a déjà été ouvertement évoquée par le gouvernement qui devra faire des « choix de société très difficiles », a prévenu le 11 juillet le ministre de l'Économie et du Climat, Robert Habeck, allant jusqu'à vanter le mérite des douches plus courtes et plus froides.

Pour inciter les Allemands à laisser leur voiture, alors que les prix des carburants sont très élevés, le gouvernement avait instauré au printemps un ticket à 9 euros par mois jusqu'à fin août. Si cette mesure figure dans un plan plus global de lutte contre la hausse des prix de l'énergie, elle est aussi une façon de diminuer la consommation d'énergie, de pétrole en l'occurrence. En revanche, une limitation de vitesse sur les autoroutes est pour l'instant écartée. Sujet sensible outre-Rhin.

L'Italie n'a pas attendu le plan de la Commission européenne pour faire des efforts en matière de consommation d'électricité. Dès avril, le gouvernement de Mario Draghi annonçait la limitation de la climatisation dans les bâtiments publics pour économiser de l'énergie cet été.

L'Espagne a également lancé une mesure similaire dans le cadre d'un plan approuvé fin mai, dans lequel figure aussi l'installation massive de panneaux solaires sur les toits des bâtiments publics et le développement du télétravail.

L'exemple japonais

Pays qui ne fait pas partie de l'Union européenne, mais fortement dépendant du gaz russe, le Japon aussi a déjà mis en place des mesures très concrètes pour rationner l'électricité. Fin juin-début juillet, pourtant confrontés à de fortes chaleurs, les citoyens japonais ont été priés de réduire leur consommation d'électricité autant que possible. Devenus très dépendants aux énergies fossiles depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, les Japonais ont dû s'adapter à quelques petites contraintes. Ainsi, les escaliers mécaniques ont été arrêtés dans les grands magasins, des employés ont été appelés à limiter les heures supplémentaires ou encore à travailler dans le noir au bureau. Des gestes auxquels les Nippons semblent habitués.

Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, des mesures de restrictions énergétiques avaient été adoptées.

« Le pays avait vraiment réussi à mettre en œuvre une mobilisation générale. L'objectif était de diminuer la consommation de pointe, en matinée et le soir. Cette mesure était optionnelle pour les ménages et obligatoire pour les entreprises. Par exemple, la population faisait attention à ne pas trop allumer la lumière », rapporte Ines Bouacida, chercheuse Climat-Energie à l'Institut du développement durable et des relations internationales.

Autre mesure adoptée : « un "super cool biz" avait été instauré et incitait à venir en short et en t-shirt au bureau pour éviter de pousser la clim trop fort », ajoute-t-elle. Cette mobilisation collective avait permis une baisse de 15% de la consommation d'énergie.

« Ces mesures ont été facilement adoptées dans un contexte particulier, post-Fukushima où la population vivait régulièrement des coupures de courant, avec délestage tournant dans certaines régions. Le risque de ne plus avoir d'électricité était très concret », ajoute Ines Bouacida.

Des efforts payants ?

Cette stratégie de rationnement énergétique peut-elle être efficace ? « Rien que baisser le chauffage d'un degré, permet de réaliser une baisse de 7% de la consommation de gaz », estime Ines Bouacida. « On se chauffe à 22 degrés en Europe en moyenne, alors que la température conseillée est de 19°C. On a donc de la marge ! ». « Il ne s'agit pas de retourner à la bougie. Les mesures de restriction n'affectent pas le confort », rassure la chercheuse Climat-Energie. « Mais si on chauffe moins, ce sont des petits gestes significatifs », ajoute-t-elle.

En France, il suffirait déjà d'appliquer la loi. L'article R. 241-26 du code de l'énergie fixe à 19° C en moyenne la limite de température de chauffage dans les locaux à usage d'habitation, d'enseignement, de bureaux ou recevant du public.

Concernant la climatisation, un décret de recommandation du Code de l'énergie interdit déjà le fonctionnement des climatiseurs lorsque la température des locaux est inférieure ou égale à 26 °C. Mais ces mesures ne sont pas toujours appliquées.

S'agissant de l'isolation des bâtiments, la France est en retard par rapport à ses objectifs. « Si on avait mis en place 500.000 rénovations profondes par an, on réduirait de 10% notre dépendance aux importations de gaz russe pour la France chaque année. Si on accélère sur les rénovations maintenant, cela aura déjà un impact l'hiver d'après », estime Ines Bouacida.

Du déjà vu dans les années 1970

Les Français et leurs voisins européens ont déjà prouvé qu'ils étaient capables de faire des efforts. Dans les années 1970, à la suite des deux chocs pétroliers, ils ont adopté des mesures fortes dont certaines sont restées. En France, après le premier choc pétrolier, le gouvernement de l'époque avait notamment mis en place des limitations de vitesse sur les routes.

C'est à cette époque aussi qu'avait été instaurée la première réglementation thermique sur les bâtiments. Ou encore, qu'avait été créée l'Agence pour les économies d'énergie, l'ancêtre de l'Ademe. D'autres mesures avaient été instaurées temporairement comme la diminution du trafic aérien, l'interdiction d'éclairer les vitrines, ou l'arrêt des programmes télévisés après 23 heures.

Six ans plus tard, en 1979, le second choc pétrolier avait entraîné une nouvelle « chasse au gaspi ». Les Français devaient économiser 3 millions de tonnes de pétrole d'ici 1985. Afin de les sensibiliser, une grande campagne d'information, plutôt ludique, avait été lancée sur les manières d'économiser les énergies. En France, cette chasse au gaspi, lancée pendant quelques mois de l'année 1979 aurait, selon le gouvernement de l'époque, permis d'économiser 225.000 tonnes de pétrole.

Tout l'enjeu réside donc dans la capacité des gouvernements à mobiliser les individus, les administrations, les collectivités et les entreprises. « S'il n'y a pas cette mobilisation au niveau européen, national, et local, cette stratégie de rationnement risque de ne pas être efficace», juge la chercheuse de l'IDDRI. Et de conclure : « Dans une logique de transition énergétique, il faudrait maintenir certaines de ces mesures dans le temps. »

Commentaires 3
à écrit le 21/07/2022 à 17:20
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Visiblement M Véran n'est pas au courant que toute habitation aux normes dispose d'un disjoncteur principal lui permettant de couper tout d'un geste ...

à écrit le 21/07/2022 à 15:54
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"Rationnement énergétique" sobriété organisée ça fait mieux, chacun pensant de toute façon que faire un effort vu que le voisin n'en fera pas (accusation gratuite) c'est pas la peine, et qu'ayant les moyens ils chauffent comme ils veulent ! Pour l'AG...

à écrit le 21/07/2022 à 13:37
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Mais pour nos milliardaires, obliger de débrancher leur prise wifi ? C'est ubuesque si le Yacht consomme des tonnes de Gazoil à l'heure ....

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