Les assureurs et la rupture digitale : l'exemple de Swiss Life

Comment passer vraiment au digital? Quels gains en terme de ventes? Quelles sont les conséquences pour la gestion des ressources humaines? Tanguy Polet, « chief customer officer » de Swiss Life France explique ce qu'il est en est pour sa compagnie
Le big data permet de multiplier par 20 le taux de transformation en vente d'un contact avec un client, selon Tanguy Polet, « chief customer officer » de Swiss Life France

Les assureurs français évoquent tous avec une pointe d'angoisse la transition ou la rupture digitale, mais qu'en est-il réellement ? Que signifie vraiment pour eux cette fameuse digitalisation ? Tanguy Polet, « chief customer officer » de Swiss Life France explique ce qu'il est en est pour sa compagnie. Une transformation représentative des pratiques actuelles des assureurs voulant rester dans la course, tandis que certaines mutuelles tardent à se lancer.

« La rupture digitale se voit d'abord dans la nouvelle organisation de l'entreprise, dans le décloisonnement, la suppression des bureaux, le travail en équipe resserrée, rendus possible par l'emménagement de Swiss Life dans de nouveaux locaux, conçus sur le modèle du « flexoffice » dit-il.

Elle se voit aussi et surtout côté consommateur, avec la possibilité pour le client de souscrire des offres d'assurance en ligne. Mais il a fallu les adapter.

« Une offre digitale, cela ne consiste pas à tenter de faire rentrer au chausse pied sur un site internet ou une appli les offres pré-existantes. Elles doivent être re-conçues, sur le mode du « design thinking ». Il s'agit de partir de la vision et des besoins du client, de son « expérience émotionnelle ». Ce que nous voulons lui offrir, c'est une offre digitale simple et de haut niveau, conforme aux standards que peut proposer un Amazon, par exemple. »

A la différence d'Amazon, un assureur de collecte des données sensibles sur ses clients, qu'il s'agisse de complémentaire santé ou d'assurance vie. Elles ne sont évidemment pas utilisées commercialement, mais servent à concevoir des offres mieux ciblées. Mais des craintes peuvent voir le jour. Que l'assureur veut bien sûr dissiper.

« S'agissant du partage des données, il nous faut expliquer au client que c'est dans son intérêt. Que ce n'est pas « sa donnée » en tant que telle qui nous intéresse, il ne s'agit pas de l'espionner. L'objectif est de collecter une grande masse de « datas » anonymisées, qui nous permet ensuite affiner les offres et les tarifs, proposer de meilleurs produits.

Nous voulons donc créer un contrat social avec le client, dont les termes pourraient être résumés de cette manière : « vous avez des données, cela nous intéresse, mais en fait le premier intéressé, ce peut être vous, puisque elles nous donnent une meilleure capacité à vous proposer une offre d'assurance plus adaptée à vos besoins. Ce n'est pas dangereux, pas sournois, c'est un partage qui vous offre un véritable retour sur investissement. Ce que nous voulons donc, c'est créer une nouvelle relation avec nos clients. »

Très concrètement, cette possibilité d'une offre « plus adaptée » aux besoin des consommateurs, grâce à l'analyse de l'ensemble des données fournies par les clients (big data) est le gage d'une performance commerciale bien supérieure. Les chiffres de Swiss Life sont éloquents, à cet égard, comme le souligne Tanguy Polet :

 Nous avons sélectionné 8000 clients. Sur ce total, 500 ont été bien identifiés comme cibles qualifiées grâce au big data, et 1000 tirés au sort. Ce que nous avons constaté, c'est un taux de transformation (de la proposition en vente) 20 fois supérieur dans le groupe identifié. On passe de 1/60 dans le groupe tiré au sort à 20/60 pour les clients identifiés grâce au big data.

 Ira-t-on, pour mieux cibler encore les clients, jusqu'à analyser leur pratiques via leur compte facebook, par exemple, comme le préconisent certains consultants et fournisseurs de solutions informatique en assurance. Swiss Life ne veut pas s'aventurer sur ce terrain :

"Nous n'avons pas besoin d'aller sur la page facebook du client pour en savoir plus sur lui, cela ne correspond pas à nos pratiques."

 Le numérique a donc toutes les chances de favoriser une hausse du chiffre d'affaires. Mais il permet aussi de réduire les coûts, notamment de gestion, en back office. Les salariés strictement occupés à de la gestion administrative partiront soit en retraite ou devront évoluer.

La transformation de l'entreprise est un enjeu majeur pour nos collaborateurs, souligne Tanguy Polet. Swiss Life en France, c'est 2.100 salariés. Un tiers, soit près de 700 personnes, travaillent pour le back office. Leur job va changer largement, beaucoup de tâches administratives étant exécutées à l'avenir par des robots. D'où un gros effort de formation. L'objectif, c'est que ces collaborateurs soient à l'avenir en contact avec les clients, dans une démarche pro-active.

A cet effet, des outils collaboratifs vont être rapidement mis en place.

"A la fin de l'année, les collaborateurs de Swiss Life et l'apporteur d'affaires sauront en temps réel qu'un client effectue une opération sur son compte. Exemple : un client procède à un rachat partiel sur son assurance vie. Il sera possible, pour chacun, de suivre cette demande, mais aussi pour les salariés de Swiss Life de s'assurer que le client dispose bien des conseils nécessaires à cette opération. À défaut, ils proposeront à l'apporteur d'intervenir, immédiatement, pour proposer les bonnes options."

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