Portrait : Matthieu Pigasse aime mieux jouer au banquier qu'au financier

Le banquier est l'un des trois associés de Lazard à n'avoir jamais cédé des titres quand il en avait l'occasion. Il assure qu'il ne vendra pas ses actions tant qu'il sera chez Lazard. Et rêve d'aider la banque à reconquérir le terrain perdu. (Portrait réalisé le 15 octobre 2008)

Sur la place de Paris, tout le monde le connaît ou a déjà entendu parler de lui. Associé-gérant chez Lazard depuis six ans, Matthieu Pigasse est un « médiaphile ». Un tel attrait pour la presse qu'il a même été pressenti pour devenir le président du conseil de surveillance du Monde en début d'année. Mais, à tout juste quarante ans, Matthieu Pigasse est avant tout banquier d'affaires et fier de l'être. Il conseille en ce moment les Caisses d'Épargne dans leur projet de rapprochement avec les Banques Populaires. Il a également travaillé sur l'augmentation de capital de Natixis et le sauvetage de son ancien rehausseur de crédit CIFG.

Mais s'il s'est parfaitement fondu dans son costume de banquier d'affaires, il se sent moins à l'aise dans celui de financier. Si l'enrichissement ne lui déplaît pas, il assure que ce n'est pas ce qui le fait avancer. L'argent, sujet de discussion favori dans sa profession, n'est pas le sien. Pourtant, il y a matière à l'interroger. Il y a un mois, la quasi-totalité des 115 associés de Lazard ont vendu en bloc près de 250 millions de dollars d'actions. C'était la deuxième fois en deux ans qu'ils avaient la possibilité de monétiser une partie de leurs titres. Mais, à deux reprises, Matthieu Pigasse a décidé de ne pas vendre.

Avec Bruno Roger, qui dirige le bureau parisien, et Bruce Wasserstein, le grand patron de Lazard à New York, ils sont les trois seuls à ne jamais avoir vendu. « Pour ma part, tant que je serai chez Lazard, je ne vendrai pas mes actions », martèle Matthieu Pigasse . Mais sa décision est aussi une question de principe, voire d'image. Le banquier se sent également lié par un « pacte moral » vis-à-vis de Natixis qui détient 5,7 % de Lazard. En 2005, c'est lui qui avait convaincu les Caisses d'Épargne (la participation a été depuis apportée à Natixis) d'investir dans la banque d'affaires qui avait besoin d'un grand investisseur institutionnel pour sécuriser son introduction en Bourse. Et même s'il croit à la progression du titre Lazard en Bourse, l'ancien collaborateur de Dominique Strauss-Khan à Bercy milite pour le modèle du dirigeant actionnaire.

« Pour être motivés, les dirigeants doivent être actionnaires. Il devrait d'ailleurs en être de même pour tous les salariés », estime Matthieu Pigasse . Évoluer dans le monde financier sans profiter de l'occasion de gagner rapidement de l'argent n'est pas banal dans ce métier. S'il reconnaît que l'argent l'intéresse, l'accumulation de richesse n'est apparemment pas son but premier. Il en fait d'ailleurs une question de principe. « Je considère comme un devoir de rester exposé au titre Lazard », explique-t-il. Soucieux d'éviter les querelles internes, il tempère : « Chacun est libre de céder ou non », ajoute-t-il. D'autant que conserver une exposition à une valeur bancaire, qui plus est en dollars, n'est pas financièrement un choix judicieux. ambitions cachées Mais la conservation de ces titres s'explique peut-être par une vision à plus long terme.

Dans trois ans, les associés de Lazard auront a priori vendu l'essentiel de leurs titres. Même si, dans le même temps, Lazard verse une partie de leurs rémunérations en titres pour que les associés conservent une part importante du capital. À ce rythme, Matthieu Pigasse sera dans quelques années l'un des plus importants actionnaires associés de la banque. Peut-être a-t-il aussi l'idée d'imiter le grand patron, Bruce Wasserstein, qui est dans une logique de se renforcer au capital de Lazard. D'autant que Matthieu Pigasse fait partie des associés proches des dirigeants à New York. Il assure ne pas programmer sa carrière.

Mais, tout en feignant d'avoir des ambitions cachées, il affiche en tout cas celles qu'il a pour la banque. « Il faut reconquérir le terrain perdu », assure-t-il. Les années qui ont précédé l'introduction en Bourse, les déchirements internes ont fait perdre beaucoup de parts de marché à Lazard. Stéréotype de l'homme moderne, Matthieu Pigasse est en réalité un nostalgique de l'âge d'or de la banque et rêve qu'elle regagne ses titres de noblesse. « La force de Lazard a toujours été d'être peuplé de banquiers atypiques, juge Matthieu Pigasse . Et je ne suis pas le seul », admet-il un brin amusé. Il considère que la crise actuelle qui renverse les grandes banques d'affaires américaines est l'occasion pour Lazard de revenir sur le devant de la scène. Peut-être rêve-t-il de jouer un rôle plus important dans la maison dans les années à venir. « Je ne sais pas ce que je ferai dans cinq ans. Mais Lazard autorise le fait que tout soit possible », assure le banquier. Dans la banque d'affaires et surtout chez Lazard, l'ambition n'a pas de limites.

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