François Pérol : "La crise a montré que la fragilité d'un établissement ne dépend pas de sa taille"

Dans une interview accordée à La Tribune, le président du directoire de BPCE et Natixis commente ses résultats. François Perol aborde également les conséquences de Bâle III pour le groupe.
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L'image des banques françaises semble dégradée aujourd'hui, avec des accusations portant sur les salaires ou les tarifs excessifs ou encore le peu de mobilité des clients. Que faîtes-vous pour améliorer cette image ?

Je comprends que la crise financière ait suscité beaucoup d'émotion autour des banques car la crise a eu des effets lourds sur la vie quotidienne des gens. Mais au-delà de cette émotion, il faut quand même dire que les banques françaises ne sont pas responsables de la crise ! C'est une crise d'origine américaine, liée aux défauts de la régulation américaine. Il n'y a pas eu de faillite bancaire en France et les banques françaises n'ont rien coûté au contribuable. Elles n'ont pas fait de crédit « subprime » parce qu'elles prêtent de manière responsable, en prenant toujours en compte la capacité de l'emprunteur à rembourser. De plus, les banques françaises n'ont pas mis à genoux l'économie française. Bien au contraire, elles ont toujours financé l'économie, y compris en 2009 alors que l'économie était en récession. Et aujourd'hui, pour ne parler que de BPCE, nos encours de crédits continuent de progresser, avec une croissance de 4,8 % en septembre 2010 par rapport à septembre 2009. Et même de 7,2% pour les ménages et de 5,9% pour les TPE et PME indépendantes !

 Malgré tout les comparaisons européennes ne sont pas favorables à la France, par exemple sur la mobilité des clients. Comment l'expliquez vous ?

 Je ne suis pas d'accord ! Le taux de mobilité bancaire des clients en France est de 7,6% contre 8,6% en Europe. Ce n'est pas très éloigné. Par ailleurs, ce taux de mobilité ne mesure pas tout : de plus en plus de nos clients sont « multibancarisés ». Enfin, et surtout, un taux de mobilité plus faible reflète un taux de satisfaction plus élevé : si les Français sont peu mobiles, c'est peut être parce aussi qu'ils sont globalement satisfaits de leurs banques et qu'ils n'ont pas envie de changer. C'est d'ailleurs ce que font apparaître les sondages récents : 74% des Français ont une bonne image de la banque.

 Comment va BPCE ?

 Nos résultats du troisième trimestre montrent que le groupe BPCE est solide sur ses bases, avec un résultat net de 837 millions d'euros. Nous dégageons ainsi un bénéfice proche de 2,8 milliards sur neuf mois. La stabilité des résultats de nos métiers stratégiques est encourageante, puisque la banque commerciale et l'assurance d'une part, les métiers « c?ur » de Natixis d'autre part, génèrent ensemble un résultat récurrent supérieur à 900 millions par trimestre, cela démontre la robustesse de nos fondamentaux.

Comment vos différents métiers ont-ils évolué ?

Malgré un contexte marqué par un redressement relativement lent des économies européennes, nos activités de détail affichent une progression satisfaisante, avec une contribution des nos deux principaux réseaux qui reste équilibrée, même si les Caisses d'Epargne ont fait un peu mieux que les Banques Populaires ce trimestre. De même, Natixis a dégagé un résultat net de 305 millions. Notre filiale porte ainsi son bénéfice à 1,3 milliard sur les neuf premiers mois de l'année, à comparer avec une perte de 2,2 milliards sur la même période en 2009. C'est évidemment une grande satisfaction, d'autant que les conditions de marché sont restées relativement heurtées, notamment sur les actions marquées par une forte volatilité, alors que la tendance a été meilleure dans les produits de taux. Les financements structurés ont quant à eux réalisé une bonne performance. Natixis aligne ainsi son cinquième trimestre dans le vert.

 Vous bénéficiez aussi du recul des provisions sur prêts...

 En effet, le coût du risque est en fort recul sur un an, et en baisse marquée par rapport au trimestre précédent, notamment dans les activités de la banque de financement et d'investissement (BFI), ce qui reflète l'amélioration de l'environnement économique.

 Comptez-vous renforcer la présence de Natixis dans les matières premières et sur les marchés émergents ?

 Nous disposons déjà d'une plateforme tout à fait compétitive dans les matières premières, tant aux Etats-Unis qu'à Londres pour la partie européenne, et nous allons continuer à investir pour la développer. De même pour la gestion d'actifs, où Natixis est déjà un acteur important aux Etats-Unis et en Europe. Nous allons aussi faire en sorte d'augmenter notre exposition aux marchés émergents, promis à une forte croissance, en BFI mais aussi en banque de détail. Dans ce dernier métier, l'international représente aujourd'hui moins de 5 % de nos revenus.

 Quelle stratégie allez-vous adopter à l'international en banque de détail ?

Nous avons commencé par mener un gros travail de restructuration de nos filiales, en cours de regroupement au sein de BPCE International et Outremer, et par rationaliser leur gestion afin d'avoir une plateforme efficace. Nous comptons désormais nous développer à l'international, mais au fur et à mesure de la consolidation financière du groupe. Nous visons en priorité l'Europe centrale et orientale, l'Afrique et l'Asie du Sud-Est, avec l'idée de constituer des positions significatives dans les marchés qui nous intéressent, le cas échéant par acquisition. Nous regardons certains dossiers. Nous envisageons d'allouer à la banque de détail à l'international environ 1 milliard d'euros de fonds propres supplémentaires dans les prochaines années.

Comment BPCE aborde-t-il le passage aux nouvelles règles prudentielles de «Bâle III» ?

Nous l'abordons dans de bonnes conditions grâce à un portefeuille d'activité diversifié, à un profil de risque modéré marqué par la prépondérance de la banque de détail en France et à la robustesse de nos résultats financiers. Le ratio de fonds propres durs (core Tier 1) du groupe atteint ainsi 7,7 % à fin septembre, contre 7,4 % à fin juin. Quant à Natixis, son ratio bondit à 10%, grâce à la forte baisse de ses encours pondérés. Natixis n'aura ainsi pas besoin de réaliser une augmentation de capital pour respecter Bâle III et maintiendra une politique de dividendes compétitive, avec un taux de distribution de 50 % et une option de paiement en actions.

Quant au groupe BPCE, il sera en mesure d'afficher un ratio de fonds propres durs de 7 % dès janvier 2013 dans les conditions de Bâle 3, en ayant remboursé à l'Etat les 1,2 milliard d'euros d'actions de préférence qui restent à notre bilan, et sans avoir à faire appel au marché. Je souligne que ces éléments sont donnés à titre illustratif, sous réserve du texte final et des modalités d'application retenues par le régulateur, et bien sûr de l'évolution de notre bilan d'ici 2018.

Ces projections pourraient toutefois être contrariées par des exigences additionnelles concernant les institutions d'importance systémique...

Je ne vois aucune raison valable pour imposer une surcharge en capital au nom de la prévention du risque systémique. Ce n'est pas cela qui rendra le système plus sûr, mais plutôt la qualité de la supervision. L'expérience de la crise a d'ailleurs montré que la fragilité d'un établissement ne dépendait pas de sa taille. Et le seul effet d'une surcharge en capital serait de créer une contrainte forte sur la distribution de crédit. S'agissant de la prévention du risque systémique, il faut plutôt se concentrer sur la régulation des marchés eux-mêmes, notamment des marchés de dérivés.

Que change l'entrée de Natixis au Cac 40 ?

J'y vois une forme de reconnaissance du travail accompli par les équipes depuis 18 mois pour remettre Natixis sur le chemin d'une rentabilité durable, et du fait que Natixis mérite sa place parmi les 40 premières entreprises françaises cotées.

Est-ce que cela vous conduit à réfléchir à une cotation plus large du groupe BPCE ?

BPCE est un groupe coopératif avec un accès au marché via Natixis, et il n'y a pas de réflexion aujourd'hui en vue de faire évoluer cette structure. Nous n'avons pas le projet de coter notre organe central comme l'ont fait d'autres groupes bancaires mutualistes.

Où en est le processus de création d'usines de production dans chacun de vos métiers que vous avez engagé au sein de Natixis?

La construction du groupe se poursuit. Nous avons créé un opérateur unique de moyens paiements au 1er septembre 2010. Le projet de transfert de la société de crédit bail Cicobail vers Natixis est en cours.

Quel est le montant des économies de coûts déjà réalisées ?

Les synergies de coûts sont en ligne avec notre objectif d'économiser 1 milliard à l'horizon 2013. A fin juin, nous avons réalisé 245 millions de synergies de coûts. Nous avons choisi de communiquer sur une base semestrielle sur ce sujet. Nous actualiserons ce chiffre en fin d'année. Nous pouvons utiliser aussi notre outil de production pour travailler avec d'autres clients que les réseaux des Banques Populaires ou des Caisses d'Epargne. Nous le faisons déjà en monétique. Ce modèle est plus efficace en termes de développement.

Et en ce qui concerne l'assurance, avez-vous pris la décision de créer un pôle de production unique en assurance vie et en assurance dommages ?

Nous prendrons la décision dans les six mois qui viennent, lorsque nous aurons tous les éléments en mains. Nous avons besoin que l'environnement règlementaire, lié aux normes Bâle III et Solvabilité II, soit totalement stabilisé avant de décider.

Aucun changement n'est donc à prévoir dans vos relations avec CNP Assurances, qui est le fournisseur d'assurance vie des Caisses d'Epargne ?

L'assurance vie est une activité stratégique pour le groupe. Nos relations avec CNP sont régies par un pacte d'actionnaires et des accords de distribution que nous appliquons.

Dans l'avenir cette activité de production pour le compte des réseaux va-t-elle devenir prépondérante dans les métiers de Natixis ?

Nous avons décidé dans le cadre du plan stratégique de Natixis de concentrer nos efforts sur trois métiers : la banque de financement et d'investissement au service de ses clients, la collecte d'épargne c'est-à-dire la gestion d'actifs, l'assurance et la banque privée et enfin, les services financiers spécialisés. L'équilibre entre les métiers n'est pas fondamentalement bouleversé. Natixis a bien la vocation d'être la plate-forme industrielle des réseaux du groupe.

Un juge d'instruction a été récemment saisi à la demande d'un certain nombre d'actionnaires individuels de Natixis. Seriez-vous prêts à transiger dans cette affaire ?

Je ne souhaite pas commenter les procédures en cours. Je comprends la déception et l'insatisfaction des actionnaires de Natixis quant au passé. Mais mon énergie, notre énergie, celle de la direction générale du groupe et de Natixis, celle des équipes, est tournée vers le redressement de l'entreprise Natixis. Et depuis 18 mois nous commençons à faire la démonstration que c'est une grande entreprise qui peut dégager une bonne rentabilité dans la durée.

Quel est votre commentaire sur l'amende de l'Autorité de la concurrence sur les des commissions interbancaires lors du passage à la dématérialisation du traitement des chèques ?

Le résultat du troisième trimestre est impacté à hauteur de 91 millions d'euros par cette amende que nous avons payée. Mais nous avons fait appel de cette décision de l'Autorité de la concurrence et nous allons faire valoir nos droits.

 

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