Le 16 août 2010, l'Autorité de contrôle prudentiel française (ACP) met en garde Dexia contre un manque de liquidité chez DCL, et menace la banque franco-belge d'un placement sous surveillance spéciale avec désignation d'un contrôleur.
Selon un document dont "L'Echo" a pu obtenir une copie, l'ACP pointe un déficit en dollars. Elle égratigne aussi le portefeuille de "swaps", des instruments financiers visant à se couvrir des risques de taux de change. "DCL doit faire face à des appels de marge (des mobilisations de garanties, ndlr) sur des produits dérivés dont le montant à la fin juin aurait atteint 17,1 milliards d'euros contre 12,6 milliards à la fin décembre 2008 et dont l'évolution dépend contractuellement de facteurs que l'établissement ne maîtrise pas", lit-on. A ce jour, le montant des appels de marge a encore progressé à 28 milliards pour DCL contre 46 milliards pour l'ensemble du groupe, selon une source.
Un mois plus tard, une nouvelle missive de l'ACP se montre encore plus incisive et rappelle qu'en date du 4 septembre 2009, la Commission bancaire française s'était déjà inquiétée de la situation de DCL.
Cette lettre évoque des opérations de "back to back" (des opérations croisées de prêts avec une contrepartie à l'étranger). Ces opérations "se traduisent par des risques de contrepartie et de liquidité supplémentaires, dont DCL ne paraît pas avoir pris toute la mesure".
Même légèreté sur le calcul de la réserve AFS (actifs prêts à être cédés) du portefeuille de DCL dont la fiabilité paraît "sous-évaluée pour un montant très significatif". Ou encore avec des évaluations et de contrôle des filiales totalement déficitaires. "DCL ne connaissait pas les opérations initiées par ses filiales, notamment espagnole et allemande. Cette situation n'est pas admissible", lit-on encore.
La CBFA savait
Contrôleur consolidé dans le dossier Dexia du fait de la localisation du siège du groupe à Bruxelles, la CBFA, comme on l'appelait encore à cette époque, devait-elle intervenir?
"Le problème était local et a été traité par les Français, comme il se doit. Il n'y avait pas de raisons pour la CBFA de l'époque de prendre des mesures supplémentaires", indique Jean-Paul Servais, président de la FSMA. Ce dernier insiste cependant sur le fait que ces lettres "classiques" ne sont qu'une partie de la réalité et ne tiennent pas compte des réponses apportées par Dexia. Des réponses jugées suffisantes par le régulateur local.
Il ajoute cependant être intervenu à plusieurs reprises quand des opérations intragroupe devenaient trop désavantageuses pour la Belgique.
Dans le chef des administrateurs du groupe, on affirme aujourd'hui que les problèmes de liquidité de DCL étaient connus. Mais certains indiquent n'avoir pas eu connaissance des mises en demeure de l'ACP.
Dexia indique pour sa part que le groupe et ses entités font régulièrement l'objet de missions et de rapports d'inspection et de contrôle conduits par les régulateurs. "Depuis l'automne 2008, 38 contrôles ont été réalisés", précise le groupe.
Transfert des risques
Autre élément qui va sans doute alimenter davantage les critiques sur la prédominance française dans la gestion: les différents transferts de risques exercés par DCL vers Dexia Banque Belgique (DBB). D'après des documents internes en notre possession, il ressort qu'à plusieurs reprises en 2009 et 2010, DCL s'est débarrassé de produits structurés vers le pôle belge. Des transferts qui, d'après le document, augmentaient significativement son propre périmètre de risque. On parle de montants de 107 millions en février 2009, 117 millions en novembre 2009, 1,57 milliard en octobre 2009. Ce dernier transfert effectué entre Crediop Irlande (filiale de DCL) à DBB Irlande (filiale de DBB) portait majoritairement sur des banques italiennes et des produits structurés adossés à des crédits hypothécaires italiens.
Retrouvez l'article du quotidien belge l'Echo en cliquant ici
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