
Les banques ont finalement traversé la crise sanitaire sans trop de dommages. Et ce qui est vrai sur le plan des résultats financiers l'est aussi dans la relation clientèle. C'est du moins l'une des principales conclusions de l'étude annuelle du cabinet de conseil Bain & Cie sur « les comportements clients dans la banque de détail en France ».
Selon l'étude, pour la première fois depuis cinq ans, l'attrition des clients (pourcentage des clients qui quittent leur banque), a reculé, passant de 5,5% en 2019 à 4,7% en 2020, sur la base de 10.000 clients interrogés. Certes, la préoccupation des ménages était alors davantage tournée sur le risque sanitaire que sur la performance de leur banque.
Mais, en 2021, le désormais fameux indice « net personal score » (NPS), qui mesure la satisfaction des clients (recommandation), très suivi par les états-majors, a augmenté sensiblement, après une stabilité en 2020, pour atteindre en moyenne 12% (contre 5% en 2020) en moyenne pour le secteur.
Montée en puissance des services en ligne
Cet indicateur était structurellement négatif auparavant. Mais les écarts restent importants entre les enseignes, notamment entre les banques commerciales à réseau (souvent négatif) et les banques en ligne (généralement supérieur à 10%). Cet accroissement de la satisfaction peut d'ailleurs s'expliquer par la montée en puissance des services bancaires digitaux. L'étude souligne ainsi l'importance des services à distance dans l'augmentation de la satisfaction, bien plus que le conseiller.
Ce dernier demeure important dans la satisfaction mais, à l'inverse, il joue également un rôle important dans l'insatisfaction. Du coup, le solde est tout juste positif. Or, l'étude montre que la qualité de service du conseiller et les prix sont les principaux facteurs d'attrition de la clientèle. Et que l'attrition est d'autant plus élevée que la clientèle est jeune.
Ces résultats peuvent avoir une double lecture. Tout d'abord, ils soulignent la force du modèle de la banque à distance, qui semble conjuguer à la fois une satisfaction de la qualité de service et des prix compétitifs. Mais ils montrent également que les banques traditionnelles ont pris conscience ces dernières années de leurs points de faiblesse et commencent à y répondre, soit en améliorant le parcours utilisateur de leurs applications mobiles soit en développant une offre dédiée de banque à distance, soit les deux à la fois.
Cette réaction des banques n'est pas sans danger pour les nouveaux acteurs, communément appelée « néobanques ». Leur proposition de valeur relative pourrait en effet s'estomper au fil des ans, à moins que l'innovation leur permette de créer de nouveaux éléments différenciant. A ce titre, le maintien ou non du rythme d'acquisition de clients jusqu'ici élevé (et soutenu par des efforts marketing massifs) par ces nouveaux entrants sera un élément très instructif dans les années à venir.
Un client sur deux prêt à une relation 100% digitale
Pour Bain & Cie, le recours des clients bancaires à des champions de la tech ou du digital non bancaires reste cependant « une menace ». Selon l'étude, 40% des clients bancaires interrogés envisage ainsi de « fragmenter » leur relation bancaire entre différents fournisseurs de services, bancaires ou non-bancaires, une proportion qui s'élève à près de 70% chez les moins de 30 ans les plus aisés, un segment stratégique.
Cela peut expliquer les réticences des banques à déployer l'open banking (accès des comptes bancaires à des tiers) et leur opposition farouche à étendre cette possibilité aux comptes d'épargne, envisagée dans le cadre d'une révision de la directive européenne DSP2. C'est pourquoi cette fragmentation de la relation bénéfice plutôt aux acteurs non bancaires du paiement plutôt qu'aux acteurs de l'épargne ou du crédit.
Reste que selon Bain & Cie, près d'un client sur deux serait prêt à passer à une relation bancaire 100% digitale... sous réserve que cette dernière soit plus aboutie. Là aussi cela tend à infirmer l'idée que la différenciation passe par l'innovation produit alors que l'expérience utilisateur, notamment la fluidité des parcours, reste le nerf de la guerre. Il reste visiblement du chemin à parcourir.
L'étude constate que les clients « ne perçoivent pas de réelle avancée dans la transformation digitale de leur banque », même s'ils ont apprécié les efforts mis en place pendant les périodes de confinement pour faciliter la relation à distance. Ce constat tranche donc singulièrement avec le discours des banques. L'innovation reste bien une course de fond.
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