Comment Maif imagine son avenir avec les startups

Après avoir investi dans l'économie collaborative, le groupe mise sur les entreprises ou l'assurance de personnes. Et hérite du portefeuille de jeunes pousses de l'accélérateur Numa.
Juliette Raynal
En entrant dans le capital de Numa, le groupe Maif récupère par la même occasion une soixantaine de startups accompagnées par cette référence de la French Tech.
En entrant dans le capital de Numa, le groupe Maif récupère par la même occasion une soixantaine de startups accompagnées par cette référence de la French Tech. (Crédits : Numa)

Le pionnier du financement participatif Ulule, le spécialiste du parking partagé Zenpark, le site de location de camping-cars entre particuliers Yescapa, le service d'échange de maisons GuestToGuest, l'appli de covoiturage domicile-travail Klaxit ou encore l'agrégateur de comptes bancaires Linxo... Cette ribambelle de startups ont toutes un point commun : chacune compte parmi ses actionnaires Maif Avenir, le fonds d'investissement en capital-risque de l'assureur mutualiste niortais, qui a vu le jour en juillet 2015 avec une dotation de 125 millions d'euros. Objectif lors de sa création : prendre des participations minoritaires dans les jeunes pousses dans une logique d'innovation ouverte afin de développer de nouveaux produits et services à destination des sociétaires (plus de 3 millions de foyers, soit environ 7 millions d'assurés fin 2018).

Le fonds est aujourd'hui piloté par Milène Gréhan. La jeune trentenaire, qui a fait ses armes en banques d'affaires et d'investissement, a pris les commandes de la structure en avril 2017.

« Au bout de deux ans de fonctionnement comme outil d'innovation et de transformation, le besoin s'est fait sentir de muscler et de structurer l'équipe, d'où mon arrivée, qui a été suivie en 2018 de l'arrivée de trois professionnels de l'investissement », raconte-t-elle.

À sa prise de fonction en avril 2017, le fonds sort d'une période presque boulimique et compte déjà 30 lignes d'investissement. Une grande majorité des opérations a été réalisée dans l'univers de l'économie collaborative, proche de l'ADN mutualiste de l'assureur. Parmi elles : Stootie (échanges de services entre particuliers), Koolicar (autopartage), Ulule (crowdfunding) ou encore SamBoat (location de bateaux entre particuliers) et GuestToGuest.

En juillet 2017, Maif Avenir est recapitalisé à hauteur de 125 millions d'euros.

« Ce qui porte aujourd'hui l'ensemble de l'actif sous gestion à 250 millions d'euros. Maif Avenir a donc d'une part été pionnier, en étant l'un des tout premiers véhicules de corporate venture dans le paysage français. Et c'est aussi l'un des plus importants », souligne Milène Gréhan. Sur les 250 millions, 170 ont déjà été investis.

La priorité n'est désormais plus l'économie collaborative, dont les modèles économiques ont souvent montré leurs limites. « Il y avait un objectif de rééquilibrage du portefeuille puisque l'économie collaborative était surreprésentée. Cela reste un secteur que l'on regarde mais pas exclusivement. C'est un secteur difficile, qui était très jeune, très émergent et qui implique pour réussir d'avoir assez vite une position monopolistique : si vous n'êtes pas le premier, vous ne serez nulle part », analyse la spécialiste.

Certaines startups ont même arrêté leur activité (comme Stootie, InsPeer, Sharette et Koolicar) et le fonds privilégie désormais des entreprises plus matures.

« Nous nous positionnons sur des sociétés dont les modèles d'affaires sont plus éprouvés et plus stables et qui décollent sur le plan commercial. C'est moins risqué et, d'un point de vue partenarial, c'est plus facile de travailler avec une startup qui a arrêté son modèle d'affaires », explique la gérante du fonds.

« Nous avons aussi revu notre rythme d'investissement à la baisse avec trois à quatre nouveaux investissements par an dans l'objectif de pouvoir faire vivre le portefeuille existant, en accompagnant les startups dans d'autres tours de table », ajoute-t-elle.

Mettre l'accent sur les fintech

Surtout, les futures opérations de Maif Avenir devront servir le nouveau plan stratégique du groupe. Historiquement très focalisé sur l'assurance dommages (incendie, accidents et risques divers, IARD) le groupe Maif entend désormais pousser les feux sur l'assurance de personnes pour anticiper une réduction des sinistres avec l'arrivée des voitures autonomes : le PDG, Pascal Demurger, souhaite faire grimper de 21% à 25% la part de l'assurance de personnes à l'horizon 2022.

Maif Avenir prévoit ainsi de mettre l'accent sur les startups de la finance, les fintech. Il concentrera sa veille sur les services de robots conseillers, les systèmes d'allocation d'épargne automatisés, mais aussi les regtech, dont les technologies permettent d'optimiser les processus d'identification des clients et de répondre aux obligations réglementaires et juridiques. Maif Avenir lorgne également davantage les startups de l'assurance, les assurtech, étonnement peu présentes au sein de son portefeuille, hormis la startup Valoo, spécialisée dans l'inventaire des biens.

« De nombreuses assurtech, notamment celles qui offrent des services pour la gestion de sinistres, préfèrent ne pas avoir d'assureur à leur tour de table pour rester ouvertes commercialement à l'ensemble du marché. Nous sommes toutefois régulièrement contactés par des assurtech qui conçoivent de nouveaux produits d'assurance et sont à la recherche de partenaires financiers mais aussi industriels pour les accompagner », justifie Milène Gréhan.

Toutefois, le fonds devrait annoncer une à deux opérations dans les assurtech d'ici au mois de juillet prochain. L'assureur dispose d'ailleurs d'un vivier de jeunes pousses hébergées au Maif Startup Club, un espace d'accompagnement ouvert en octobre 2017. Le lieu, situé rue des Jeûneurs, à Paris, accueille une dizaine de startups. Pas forcément celles dans lesquelles Maif Avenir a déjà investi. En échange d'un loyer, les jeunes entreprises bénéficient d'un programme d'événements où grands groupes et startups sont amenés à se rencontrer et débattre.

Soigner l'offre de formation

« Depuis la présentation du nouveau plan stratégique du groupe, nous avons opéré une légère inflexion. Contrairement à la saison 1, le dispositif n'est plus orienté 100% startup. L'objectif est d'utiliser ce véhicule pour prendre des contacts et développer des projets avec des grands groupes. D'échanger avec eux sur de possibles convergences », explique Nicolas Boudinet, directeur général du fonds Maif Avenir et DG adjoint du groupe, chargé de la stratégie, de la marque et des offres.

Ce virage vers le "B to B" illustre une autre priorité de l'assureur, en quête de relais de croissance : s'adresser à de nouveaux publics, au-delà des particuliers, associations et collectivités, en ciblant les professionnels et les entreprises. Dans cette optique, le groupe prévoit de faire l'acquisition de Numa, lieu de référence de la French Tech et pionnier de l'accélération situé dans le quartier du Sentier à Paris.

Concurrencé par les nouvelles offres qui ont proliféré depuis l'ouverture en juin 2017 de Station F, le méga-incubateur de Xavier Niel, Numa a réorienté son activité vers la formation professionnelle à destination des grands groupes qu'il accompagnait déjà dans le cadre de son activité de conseil. « Maif Avenir se retire du capital et le groupe Maif y entre car cela devient un enjeu de prise de contrôle et d'acquisition », résume Milène Gréhan. Maif Avenir avait pris une participation dans Numa dès 2015. Le fonds de l'assureur y avait investi 3 millions d'euros pour environ 21% du capital.

Un bilan financier équilibré

« Nous avons racheté les parts des actionnaires minoritaires qui étaient le groupe Adeo [maison mère de Leroy Merlin, ndlr], le cabinet Roland Berger et un pool d'investisseurs particuliers. Aujourd'hui, nous détenons environ la moitié du capital de Numa et l'objectif est de monter progressivement à 100% du capital, le solde étant détenu par les salariés, au fur et à mesure de l'atteinte des objectifs du projet commun. Nous nous sommes fixés une échéance de deux à trois ans », complète Nicolas Boudinet.

Dans le cadre de ce rapprochement, l'assureur mutualiste entend s'appuyer sur les compétences de Numa pour travailler sur la conception et la commercialisation d'une offre de formation dédiée aux professionnels, dont le lancement est prévu pour le dernier trimestre de l'année. « Le nom de l'offre n'est pas arrêté mais nous travaillons à l'association des deux marques », indique Nicolas Boudinet. Autre conséquence de ce rachat : Maif Avenir héritera du portefeuille de la soixantaine de startups qu'accompagnait Numa.

En attendant d'intégrer ce nouveau flux de jeunes pousses, le fonds de corporate venture se targue d'un bilan financier équilibré au bout de presque quatre années d'activité, malgré quelques déconvenues dans l'économie collaborative. Sa gérante cite volontiers la revente du site Mesdépanneurs.fr racheté 10 millions d'euros par Engie en 2017. Ou encore les cessions de SamBoat à Dream Yacht Charter, le premier loueur mondial de bateaux, et de la startup TravelCar rachetée par PSA en janvier.

Outre l'aspect financier, Milène Gréhan met en avant la « réussite industrielle » du dispositif avec la mise en place d'une série de partenariats. Avec Linxo, l'assureur a ainsi développé son agrégateur de comptes bancaires baptisé Nestor, dont l'application a été téléchargée 390.000 fois. Maif s'est également lancé dans l'assurance d'objets à la demande, en partenariat avec Valoo. « Notre activité a permis de positionner Maif dans un écosystème d'innovation. Nous sommes identifiés comme un acteur pertinent quand une startup recherche des financements ou a des besoins d'assurance », conclut-elle.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 23/04/2019 à 8:36
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"la MaAIF .... après avoir investi dans .... ".?!? Pas étonnant avec les augmentations de primes incessantes que pratique cette société : surement l'esprit "militant " ...... orienté affaires !

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