EY ouvre le bal des scissions dans l'audit et le conseil

Le géant EY a officialisé jeudi soir son projet de séparer ses activités d'audit et de conseil. Dans un contexte de pression légale et politique, d'autres cabinets du « Big Four » pourraient imiter EY dans les prochains mois. Au-delà du bénéfice économique qu'elle représente, une telle scission vise à faire taire le principal soupçon qui pèse sur eux : celui du conflit d'intérêt.
Le siège d'EY à Zurich.
Le siège d'EY à Zurich. (Crédits : Reuters)

La rumeur courait depuis plusieurs mois dans les couloirs feutrés des multinationales de l'audit et du conseil. Elle a été officialisée par un communiqué tombé jeudi : EY (abréviation d'Ernst&Young) envisage de séparer ses deux activités audit et conseil, réunies jusqu'ici sous un même toit, « en deux organisations distinctes ».

Ce projet de scission avait tout d'un serpent de mer : régulièrement évoqué, mais toujours repoussé tant il est complexe à mettre en place chez un mastodonte comme EY, ses 312.000 employés, ses 13.000 associés et plusieurs procès en cours après des scandales financiers qui ont éclaboussé le réseau, notamment l'affaire Wirecard.

Wirecard, Thomas Cook... scandales en cascade

En 2020, la pépite des fintech allemandes Wirecard a fait brutalement faillite après la révélation que ses dirigeants ont maquillé deux milliards d'euros d'actifs fictifs. Son auditeur EY avait validé ses comptes sans jamais découvrir la manipulation financière. L'onde de choc a été telle outre-Rhin que des membres du gouvernement Merkel ont dû se justifier devant le Bundestag. Fin 2020, le Parlement allemand a ainsi durci les obligations légales autour des métiers de l'audit. Une affaire similaire met en cause EY au Royaume-Uni après un audit défaillant du voyagiste Thomas Cook, qui a aussi fermé ses portes.

Les soupçons qui pèsent depuis sur les métiers d'EY ont convaincu les dirigeants de sauter le pas. L'entreprise s'est même engagée sur un calendrier pour mener la scission à son terme. « Cette phase va se dérouler tout au long des prochains mois dans la perspective d'un vote se concluant d'ici le début de l'année civile 2023 », détaille sa responsable presse dans le communiqué. Et tuer définitivement toute suspicion de conflit d'intérêt.

Dans cet univers, il est possible qu'un cabinet fournisse à la même entreprise des prestations de conseil en même temps que de l'audit. Dans les faits, ce mélange des genres est rare. Conscient du risque, les cabinets veillent à cloisonner les deux branches avec des règles internes strictes.

Un même dilemme dans tout le « Big Four »

L'ensemble de l'industrie du conseil et de l'audit se confronte au même dilemme : engager le chantier pharaonique de la scission, avec une part de risque et bénéfices potentiels, ou garder sa structure existante. Deloitte (qui forme avec EY, PwC et KPMG les quatre principaux réseaux d'audit et de conseil au monde) étudie la possibilité d'une scission d'après une information du Wall Street Journal du mois de juin. Si le sujet des conflits d'intérêts soulève tant de préoccupations, c'est dû à un scandale qui a traumatisé le secteur dans les années 2000 et terni durablement sa réputation.

En 2002, le groupe américain de l'énergie Enron, septième plus grosse capitalisation des Etats-Unis, s'effondrait après une falsification massive de ses comptes. Le cabinet d'audit Arthur Andersen faisait des missions de conseil pour Enron, tout en auditant les comptes de l'entreprise dans lesquels elle n'avait rien décelé.

Fort potentiel de croissance

Dans le même temps, Arthur Andersen facturait des missions de conseil à Arthur Andersen. Emporté par la tempête judiciaire, le cabinet a ensuite été démantelé. Un destin peu enviable que veulent à tout prix éviter les membres du « Big Four », échaudés par ce précédent.

Surtout, rendre l'activité de conseil autonome constitue une opportunité de forte croissance. Libéré du carcan réglementaire qu'impose la double casquette audit-conseil, EY n'aura plus à renoncer à certaines missions. Le marché du conseil parait plus florissant que jamais. Pour la seule France, il va encore doubler dans les dix prochaines années selon le syndicat français des entreprises de conseil.

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