Atos, Renault, le géant des céréales Kellogg..., alors que les scissions d'entreprise s'accélèrent ces derniers temps, le monde feutré des multinationales de l'audit et du conseil n'échappe pas au mouvement. Pas tant pour mieux valoriser une branche d'activité que pour développer l'activité de conseil auprès des entreprises en évitant les risques de conflits d'intérêts avec les sociétés dont les comptes sont audités. En effet, comme l'a dévoilé la semaine dernière le Wall Street Journal, EY (Ernst & Young) envisage de scinder ses activités de l'audit et du conseil en mettant en Bourse cette la branche conseil. Il n'est pas le seul réseau pluridisciplinaire à procéder ainsi. Début juin, le Wall Street Journal toujours révélait que Deloitte, un autre mastodonte du "Big Four" (les quatre principaux cabinets que sont EY, PWC, Deloitte et KPMG), explorait également la piste d'une scission de ses activités d'audit et de conseil.
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Ces projets de scission qui interviennent vingt ans après le scandale Enron qui avait mis sur la place publique la question des conflits d'intérêts au sein des cabinets combinant les deux activités. Pour rappel, en 2002, le géant américain de l'énergie faisait faillite après la révélation d'une falsification massive de ses comptes que n'avait pas révélée le cabinet d'audit Arthur Andersen, lequel lui fournissait également des missions de conseil.
Aujourd'hui, rien ne contraint EY ou Deloitte à un tel découplage de leurs affaires. La règlementation européenne autorise le cumul de l'audit et du conseil au sein d'un même groupe. A condition que les honoraires perçus pour des missions de conseil n'excèdent pas 70% de ceux touchés pour de l'audit. Pourtant, les champions du cumul audit-conseil se sentent le devoir de se réformer. Ces dernières années, plusieurs scandales financiers sont venus les embarrasser.
Outre-Rhin, l'effondrement de la star des fintech allemandes Wirecard en 2020 a laissé un trou de près de deux milliards d'euros d'actifs fictifs derrière elle. Une manipulation financière colossale que son auditeur EY avait manqué de relever. Le cabinet subit désormais les foudres de la justice allemande, du gouvernement fédéral et d'actionnaires de Wirecard qui s'estiment lésés. Fin 2020, Berlin a durci les obligations légales autour des métiers de l'audit.
Forte pression politique
Au Royaume-Uni, où EY est domicilié, de grands noms de l'audit sont également dans le viseur des autorités pour n'avoir pas vu venir les faillites des supermarchés BHS en 2016 audités (et conseillés) par PwC, du groupe de BTP Carillion en 2018 audité par KPMG et de Thomas Cook en 2019 audité par EY. Une réforme du secteur est toujours dans les cartons du gouvernement britannique. Partout en Europe, la pression du régulateur est forte. Le grand public éveillé par le scandale McKinsey à la puissance du secteur du « consulting », une partie des clients privés et publics du « Big Four » ne comprennent pas la double casquette d'auditeur des comptes et de prestataire de conseil.
« EY veut tuer définitivement toute suspicion de conflit d'intérêt », observe Olivier Dorgans, avocat associé chez Ashurst et fin connaisseur de cette industrie. EY et consorts sont plus qu'avertis de ce risque, échaudés par le démantèlement d'Arthur Andersen. En pratique, ce mélange des genres est très limité et les cabinets veillent soigneusement à l'éviter en cloisonnant les deux branches et en s'assurant qu'une entreprise auditée ne bénéficie pas de missions de conseil en même temps. « Une muraille de Chine » a été érigée entre audit et conseil dans le « Big Four » avec des « règles internes strictes » selon Olivier Dorgans.
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« La séparation entre audit et conseil répond d'abord à un enjeu d'image et de communication pour EY et Deloitte. Les sujets d'éthique des entreprises, de RSE sont devenus fondamentaux. Le conseil est un domaine très concurrentiel et il faut préserver une image attractive », analyse l'avocat Olivier Dorgans. Avant d'évoquer ouvertement le projet de scission entre conseil et audit, EY a dû mener une analyse rigoureuse des coûts et bénéfices d'une telle opération. Comme celles que ses consultants facturent à prix d'or à leurs clients. « S'ils le font, c'est qu'ils estiment que le bénéfice dépasse le coût », conclut Olivier Dorgans.
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