Madoff, l'escroc du siècle, fixé sur sa peine

Le ministère public a requis 150 ans de prison contre Bernard Madoff. Il a escroqué des milliers de victimes pendant des années grâce au respect qu'inspiraient ses activités légales. Verdict aujourd'hui.

"Nos vies ont été enrichies par le fait de connaître Bernie. C'est un privilège qu'il en fasse partie." En cette soirée de mai 2008, sur une plage de Cabo San Lucas, au Mexique, le magnat de l'immobilier, Ed Blumenfeld, porte un toast aux 70 ans de Bernard Madoff. Amis et parents fêtent l'impeccable gérant, qui depuis plus de quarante ans sert les intérêts d'investisseurs particuliers et institutionnels, le bienfaiteur de nombreuses fondations caritatives, l'époux fidèle, le père attentionné, le généreux patron. Treize mois à peine ont passé et aujourd'hui un tribunal de Manhattan va rendre son verdict sur l'arnaque Madoff, estimée à 65 milliards de dollars, un record. Le procureur Lev Dassin a requis la peine maximale (150 ans) ou "un nombre d'années assurant que Madoff restera en prison pour la vie et qui dissuade fortement " d'autres d'agir comme lui.

Voilà sept mois que le FBI a arrêté Bernard Madoff. Pendant des années, l'émule de Charles Ponzi a satisfait des investisseurs à travers le monde - qu'il s'agisse des banques Santander, UBS ou de la Fondation Élie Wiesel - grâce à des rendements exceptionnels et constants, mais fictifs. Il les finançait en réalité avec l'argent apporté par de nouveaux clients. Bien que sa société fondée en 1960 - Bernard L Madoff Investment Securities (BLMIS) - employait son frère, ses deux fils, et sa nièce, et que son omniprésente femme, Ruth, y disposait d'un bureau, seuls Madoff et son comptable véreux sont poursuivis au pénal. Lundi dernier toutefois, la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, décriée pour sa négligence, a porté plainte au civil contre le gérant californien Stanley Chais et la discrète société Cohmad Securities Corporation. Car à partir de 1970, l'influent Chais lui apporte ses gros clients tandis que Cohmad finance le lancement de ses activités crapuleuses, les cache aux régulateurs et réalise leur promotion informelle auprès d'investisseurs persuadés d'entrer dans un club "exclusif".

Respectabilité

"Oncle Bernie", comme le surnommaient ses fortunés amis du Country Club de Palm Beach, en Floride - qu'il a plumés par dizaines - établit bien des relevés mensuels... mais sur des transactions fictives. Dans le Lipstick Building, au cœur de Manhattan, Madoff réalise ses travaux de faussaire à un étage distinct de ceux occupés par son autre activité, tout à fait légale : celle de teneur de marché assurant la contrepartie, c'est-à-dire l'achat et la vente d'actions. Avec ce métier, Madoff s'est forgé une respectabilité à Wall Street. Au début des années 1970, il figure parmi les pionniers du courtage électronique, puis préside le conseil d'administration du Nasdaq de 1990 à 1993.

Fort de cette référence, l'escroc étoffe son carnet d'adresses et commence à "gérer" la fortune de milliers d'épargnants et de retraités au travers des hedge funds et des fonds de fonds, dont certains sont entièrement investis chez lui. Le plus exposé d'entre eux, Fairfield Greenwich, avec 7,5 milliards de dollars confiés, provoquera la chute de la maison Madoff en tentant de retirer des capitaux l'hiver dernier. Pour courtiser les personnalités des affaires et du show-biz, "Bernie" constitue aussi un réseau de rabatteurs qui, de Paris à Buenos Aires, attirent les grandes fortunes dans ses filets. Leur slogan : jusqu'à 20 % de rendement, grâce à des allers-retours sur des options pour éviter les pertes !

Pour parfaire sa réputation, Madoff, natif du district populaire du Queens à New York, gagne la confiance d'illustres personnalités. C'est le cas du richissime investisseur Ezra Merkin, réputé pour son intellect et son dévouement pour des fondations caritatives. Avant que le scandale éclate, Merkin était président non exécutif de GMAC, l'ancienne division financière de General Motors, et présidait la synagogue de la Cinquième Avenue, fondée par son père. Une autorité morale, aujourd'hui accusée d'avoir perçu des commissions en ayant placé l'argent de particuliers ou de fondations chez BLMIS à leur insu. À New York, où le traumatisme causé par Madoff n'est pas que financier, la soif de justice est immense.

 

REPERE

La crise démasque les émules de Ponzi

Bernard Madoff n'est pas un cas isolé aux États-Unis. Depuis son arrestation, des dizaines d'émules de Charles Ponzi, pourchassés par les autorités, ont été interpellés ou sont en passe d'être jugés. C'est le cas du financier texan Allen Stanford, dont l'arnaque, plus modeste que celle de Madoff, porte tout de même sur quelque 7 milliards de dollars. Selon la SEC, le gendarme de la Bourse américaine, Stanford a exercé une fraude analogue pendant une dizaine d'années, avec la complicité d'un responsable du régulateur financier du micro-État d'Antigua-et-Barbuda. Jugé à Houston, Stanford plaide non coupable. À New York, Norman Hsu, un autre "Ponzi", célèbre pour avoir levé des fonds pour Hillary Clinton, a été jugé coupable le mois dernier. Dans un contexte de crise où les particuliers tentent de retirer leurs mises auprès de leur gérant, la SEC recense de plus en plus d'escroqueries, portant parfois sur quelques centaines de milliers de dollars. Depuis les années 20, Charles Ponzi n'a cessé de faire des émules. C'est lui qui monta une opération immobilière en Californie basée sur une escroquerie pyramidale, la première du genre. Le système consiste à promettre des performances particulièrement intéressantes, financées par l'afflux de nouveaux capitaux investis. Jusqu'à l'explosion de la bulle ainsi créée.

 

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