Créée en 2012, la plateforme Coinbase Global, spécialisée dans les transactions sur les cryptomonnaies, vient de déposer auprès du gendarme de la Bourse de New York sa demande de mise en Bourse. La société, conseillée par JP Morgan et Goldman Sachs, a opté pour une cotation directe au Nasdaq, le marché des valeurs de technologie à Wall Street. Ce système de cotation lui permet d'entrer Bourse en cédant simplement des actions détenues par les fondateurs et les premiers actionnaires, sans émission d'actions nouvelles.
Selon les documents déposés auprès du régulateur, les revenus de Coinbase ont plus que doublé en 2020, pour atteindre 1,28 milliard de dollars, avec un profit de 320 millions de dollars. De fait, la plateforme profite à plein de la frénésie des investisseurs, notamment institutionnels, pour les monnaies numériques dont les cours ont explosé de 500% en un an.
La plateforme revendique d'ailleurs quelque 43 millions d'utilisateurs, (sur 106 millions d'utilisateurs estimés dans le monde), dont près de 3 millions de clients actifs qui effectuent des transactions tous les mois. Avec le bitcoin ou l'etherum, la plateforme prend en charge plus de 90 cryptomonnaies, pour le trading, la conservation et l'échange contre des devises.
80 à 100 milliards de dollars
Le montant global des actifs gérés sur la plateforme atteint 90,3 milliards de dollars (+430% sur un an), soit une part de marché mondiale de plus de 10% et le volume de transactions flirte avec les 200 milliards de dollars, soit plus de 500 millions de dollars échangés chaque jour ! Selon Coinbase, la valeur des crypoactifs échangés sur les plateformes représente au total 782 milliards de dollars, à la fin 2020.
Selon la plateforme FTX, qui a lancé des contrats à terme pré-IPO, la valorisation de CoinBase pourrait dépasser les 100 milliards de dollars. D'autres sources évoquent une action à 300 dollars, ce qui représenterait une capitalisation d'environ 80 milliards de dollars.
Chute des valeurs cryptos
Le dépôt de cette offre publique n'arrive pourtant pas au meilleur moment. Après avoir atteint des records, au-delà des 50.000 dollars, le cours du bitcoin a perdu plus de 20% en quelques jours, avec la chute des valeurs technologiques américaines du Nasdaq, sur fond de tensions sur les taux d'intérêt. Et les valeurs liées aux cryptomonnaies sont particulièrement sanctionnées, avec des baisses de 25 à 30% en une semaine. De quoi effrayer les investisseurs.
A l'origine, qui n'est pas si lointaine, Coinbase était une startup pour public averti avant de se transformer en géant de la cryptomonnaie et se hisser à la deuxième place mondiale des plateformes, derrière Binance, basée à Hong Kong. Ces plateformes ont gonflé au fur et à mesure de l'engouement des particuliers, notamment Chinois, mais surtout, et plus récemment, des fonds d'investissement, pour les cryptomonnaies. « Notre objectif est de stimuler la croissance de l'ensemble de la cryptoéconomie en répondant aux besoins de tous les consommateurs qui gèrent leur vie financière sur un appareil mobile, et de toutes les institutions - petites ou grandes qui s'intéressent à ce nouveau marché », indique Coinbase dans son document.
Montagnes russes
Le bitcoin, et toutes les cryptomonnaies qui lui sont plus ou moins adossées, jouent aux montagnes russes depuis son lancement en 2009, par un mystérieux Satoshi Nakamoto, jamais identifié. Valorisé 20.000 dollars fin 2017, son cours a longtemps glissé ensuite vers les 10.000 dollars il y a un an. Depuis, surtout avec la crise du Covid, le cours est monté en flèche pour toucher les 30.000 dollars en janvier 2021, puis les 50.000 dollars le 16 février dernier.
L'extrême volatilité de ces monnaies numériques ne semble pas décourager les investisseurs, ni même l'opacité qui entoure le fonctionnement de ce marché et ses principaux intervenants. On le dit notamment très concentré, voire même manipulé par des intérêts russes ou chinois.
Certes, certaines grandes enseignes ont progressivement accepté le bitcoin comme monnaie de paiement (Amazon, Microsoft et plus récemment Tesla). Mais le poids des cryptos dans les transactions commerciales reste infinitésimal. Il semble bien que ce soit la venue progressive des investisseurs institutionnels, comme le géant mondial de la gestion d'actifs BlackRock, et des fonds alternatifs, pourtant guère enthousiastes il y a peu, qui ait dopé les cours ces derniers mois.
Des industriels de la finance, comme le dépositaire BNY Mellon, ou le géant des paiements MasterCard se sont également convertis aux cryptos, même si, pour l'heure, ces initiatives relèvent davantage de l'effet d'annonce que d'une stratégie volontariste.
Actif d'avenir ou système de Ponzi ?
De fait, chacun s'interroge sur le sens de cette envolée des cryptomonnaies. Ces actifs ne repose en effet sur aucune richesse, sur une très faible capacité de transactions et ils ne délivrent aucun rendement.
Pour les partisans du bitcoin, les cryptomonnaies ne sont que le reflet des mutations technologiques à venir, à la fois dans les usages des consommateurs et dans monde des paiements. Un peu comme Tesla (dont le fondateur est un grand fan de la cryptomonnaie) qui préfigure la voiture de demain. Certains y voient même, malgré sa grande volatilité, une valeur refuge dans un monde troublé et potentiellement inflationniste.
D'autres estiment que l'univers des cryptomonnaies restera un repère de spéculateurs fous et le symbole par excellence de l'exubérance des marchés. Ou en tout cas, le signe qu'il existe bien des bulles spéculatives sur les marchés, après une décennie de politiques monétaires accommodantes.
Pour l'heure, personne n'a de réponse claire à cette question à 1.000 milliards de dollars.
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