
Après les géants chinois du web, la Chine s'apprête-t-elle à mettre au pas la place financière de Hong Kong? La question mérite d'être posée alors que le chef de la sécurité de Hong Kong, vient d'adresser une sévère mise en garde aux filiales de HSBC et de Citibank qui gèrent les comptes du milliardaire Jimmy Lai, actuellement en prison pour son soutien au mouvement pro-démocratie.
Les banquiers concernés sont en effet menacés d'une peine pouvant aller jusqu'à sept ans de prison s'ils continuent à gérer le patrimoine et les actifs de l'homme d'affaires, selon des documents consultés par l'agence Reuters.
Les lettres, signées par le secrétaire à la Sécurité, John Lee, ont été envoyées après que les autorités de Hong Kong ont annoncé le gel de la participation majoritaire détenue par Jimmy Lai dans le groupe de média Next Digital, ainsi que celui de comptes locaux de trois entreprises lui appartenant. Selon un conseiller financier du milliardaire, ce gel rend impossible toute tentative de ramener des actifs offshore à Hong Kong pour soutenir le journal Apple Daily, engagé dans le mouvement pro-démocratie.
Les autorités ont invoqué la nouvelle loi sur la sécurité nationale, instaurée par la Chine en juin dernier, après les vastes mouvements pro-démocratie qui ont secoué la péninsule pour protester contre l'abandon du principe "un pays, deux systèmes",promis par Deng Xiaoping en 1997, lors de la rétrocession par le Royaume-Uni de Hong Kong à la Chine.
Inquiétudes du secteur bancaire
Ce rappel à l'ordre inquiète fortement les acteurs de la gestion privée à Hong Kong, comme une sourde menace pour le secteur pourtant florissant. Toutes les grandes fortunes chinoises et d'Asie ont en effet leurs avoirs à Hong Kong, une place longtemps réputée sûre. Une porte-parole pour HSBC à Hong Kong a refusé de commenter. De son côté, Citi a indiqué à Hong Kong que la banque "est tenue de se conformer à toutes les lois et réglementations sur les marchés où nous opérons".
Plusieurs banquiers privés et avocats d'affaires avaient déjà prévenu qu'une application de la loi sur la sécurité nationale étendue au système bancaire pouvait faire peser un risque sur les clients et leurs responsables financiers à Hong Kong.
"Nous pouvons maintenant voir que toute relation bancaire centrée sur Hong Kong vous rend vulnérable", a déclaré un conseiller à Reuters. "Cela va constituer un grand coup de semonce pour le secteur de la gestion de patrimoine ici, et leurs clients fortunés". Pour ajouter : "en essayant de clouer au pilori Jimmy Lai, ils pourraient bien clouer également cette industrie".
Il est cependant courant pour les banquiers privés basés à Hong Kong d'ouvrir des comptes à l'étranger pour leurs clients, partant du principe que l'argent ainsi déplacé est protégé, rassure un banquier, interrogé par l'agence de presse. "Peu importe que les comptes soient ouverts à Hong Kong. L'argent est ailleurs, et relève d'une autre juridiction", a-t-il expliqué.
Toutefois, cette intrusion des autorités chinoises risquent de mettre à mal la réputation de la place et la confiance dans l'industrie de la gestion de fortune, déjà écornée par la loi sur la sécurité nationale. C'est en revanche une bonne nouvelle pour la place de Singapour, qui tente de profiter de la situation et d'attirer les grandes fortunes. "Beaucoup de clients ont déjà commencé à déplacer leurs œufs dans d'autres paniers", a confirmé le banquier sous couvert d'anonymat. Le coup est cependant rude pour HSBC, dont la stratégie repose sur son recentrage sur la gestion privée, surtout à Hong Kong.
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