La BCE reporte encore la hausse des taux jusqu'à mi-2020 au moins

Par Delphine Cuny  |   |  702  mots
Mario Draghi (à droite), le président de la BCE, aux côtés de Vitas Vasiliauskas, le gouverneur de la Banque de Lituanie. (Crédits : BCE)
La Banque centrale européenne (BCE) gardera ses taux d'intérêt au niveau actuellement très bas six mois de plus, "au moins pendant le premier semestre 2020", a annoncé Mario Draghi ce jeudi 6 juin. Les incertitudes liées au Brexit et aux tensions commerciales ont pesé dans la décision.

Deux reports en deux mois. La Banque centrale européenne (BCE) a encore repoussé l'horizon auquel elle pourrait relever les taux d'intérêt, historiquement bas depuis 2016, lors de sa réunion de politique monétaire hors les murs tenue ce jeudi 6 juin à Vilnius (Lituanie). Ce ne sera pas avant le milieu de l'année prochaine, alors qu'elle avait annoncé en mars que ce ne serait pas avant la fin de cette année.

« Le Conseil des gouverneurs prévoit désormais que les taux d'intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels au moins pendant le premier semestre de 2020 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l'inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2% à moyen terme », indique la BCE dans son communiqué.

Les investisseurs n'attendaient pas toutefois de hausse des taux avant, tablant sur des taux durablement bas, jusqu'en 2021. Cela laissera aussi du temps au successeur de Mario Draghi, dont le mandat s'achève le 31 octobre, de prendre ses marques avant de devoir engager une éventuelle remontée des taux.

Pour rappel, le taux d'intérêt des opérations principales de refinancement est à 0%, le taux de facilité de prêt marginal à 0,25% et le taux de la facilité de dépôt est négatif, à -0,40% : autrement dit, les banques sont prélevées de 0,4% sur leurs liquidités placées en dépôt auprès de la BCE. En mars, il avait été envisagé de compenser ces dégâts collatéraux négatifs pour les banques, mais l'idée est écartée à court terme.

« Le Conseil des gouverneurs a également estimé que, pour le moment, la contribution positive des taux d'intérêt négatifs à la politique monétaire accommodante et à la convergence soutenue de l'inflation n'est pas compromise par d'éventuels effets secondaires sur l'intermédiation bancaire. Cependant, nous continuerons de surveiller de près le canal de transmission de la politique monétaire via les banques et les arguments en faveur de mesures d'atténuation », a précisé le président de la BCE lors de la conférence de presse explicative ce jeudi.

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Incertitudes géopolitiques et protectionnisme

Les raisons de ce nouveau report tiennent aux nuages qui s'accumulent sur les perspectives de la croissance mondiale. « En dépit de données un peu meilleures que prévu pour le premier trimestre, les informations les plus récentes indiquent que les vents contraires à l'international continuent de peser sur les perspectives de la zone euro », ont fait valoir les membres du directoire de la BCE.

« L'incertitude concernant les négociations sur le Brexit et l'incertitude sur les vulnérabilités de certains pays émergents, qui sont importantes, et plus généralement l'incertitude sur la croissance du commerce mondial, se sont prolongées au-delà de ce que nous pensions en mars et c'est la raison pour laquelle nous avons rallongé l'horizon de la trajectoire future de la politique monétaire », a expliqué le président de la BCE.

L'institution de Francfort ne s'est pas montrée profondément pessimiste. Elle a revu en hausse sa prévision de croissance pour la zone euro cette année à 1,2% (+0,1 point) mais abaissé à 1,4% celles de 2020 (-0,2 point) et de 2021 (-0,1 point). Concernant l'inflation, la BCE anticipe désormais une augmentation de 1,3% cette année contre 1,2% envisagé en mars, de 1,4% (contre 1,5%) et 1,6% les deux années suivantes. Mario Draghi a déclaré qu'il n'y avait « pas de probabilité de déflation, il y a une probabilité très faible de récession. » Les anticipations d'inflation à cinq ans sur les marchés (mesurées par le swap inflation euro 5 ans dans 5 ans) sont même tombées à leur plus bas niveau depuis 2016, à 1,2427%.

La BCE a également détaillé les conditions dans lesquelles seront accordés aux banques des prêts appelés TLTRO 3, les « opérations de refinancement à long terme ciblées » (10 points de base de plus que le taux moyen de 0,1%). Ces facilités de refinancement doivent contribuer à « préserver des conditions de prêts bancaires favorables et une transmission harmonieuse de la politique monétaire ».