Les banques françaises, des poids lourds pas si rentables

De loin numéro un en termes d’actifs cumulés en zone euro, le secteur bancaire français se trouve dans une « bonne situation » selon le superviseur, l’ACPR. Cependant, il présente des ratios de solvabilité légèrement inférieurs à la moyenne européenne ainsi qu'un rendement des capitaux propres proche de la médiane mais inférieur à leur coût du capital.
Delphine Cuny
Les 12 plus grands groupes bancaires français représentent 33% du total des actifs des établissements européens supervisés par la BCE dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU)
Les 12 plus grands groupes bancaires français représentent 33% du total des actifs des établissements européens supervisés par la BCE dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU) (Crédits : ACPR)

La rentabilité, point faible des banques françaises ? L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui supervise le secteur en France, ne dresse pas de constat alarmant. Dans son rapport statistique annuel, présenté ce mardi 16 octobre, elle évoque « la bonne situation de rentabilité ainsi que le très large respect des exigences de solvabilité des banques. » Cependant, si les banques françaises sont les poids lourds du secteur en zone euro, elles ne sont pas en haut du podium dans ces deux domaines.

A fin 2017, les groupes bancaires français considérés comme importants totalisent 6.770 milliards d'euros d'actifs et représentent 33% du total de bilan de l'ensemble des groupes supervisés par la Banque centrale européenne dans le cadre du Mécanisme de surveillance unique (MSU). Les banques allemandes n'en pèsent que 20%, les espagnoles 15%, les italiennes 10%.

Concernant la solvabilité, « les groupes bancaires français, avec un ratio agrégé de 14,2% se situent en dessous de la moyenne de la zone euro (14,7%) et de l'Union européenne » relève le rapport, bardé de graphiques sur 165 pages.

Les groupes français affichent toutefois une meilleure qualité des crédits, qui se voit notamment au travers des ratios de créances douteuses, à 3,6% pour les ménages et 5,2% pour les entreprises (contre 3,9% et 7,8% dans l'UE).

Ratios dans la moyenne

Quant à la rentabilité, il ne s'agit pas de regarder le seul bénéfice net : BNP Paribas était par exemple au deuxième rang du CAC 40 en 2017, avec 7,9 milliards d'euros, derrière Sanofi, devant Total. Au premier semestre 2018, le secteur financier dans son ensemble (assurance compris) pesait un cinquième des bénéfices cumulés des valeurs de l'indice des valeurs vedettes de la Bourse de Paris, soit 11 milliards d'euros. Malgré un contexte de taux d'intérêt très bas, les banques françaises tiennent le choc du fait de leur diversification (assurance, gestion de fortune, marchés, présence à l'international).

L'un des indicateurs scrutés dans le secteur est la rentabilité globale des actifs (return on assets, RoA) : celle des groupes bancaires français a très légèrement progressé, à 0,43% en 2017, à un niveau « proche de la moyenne des groupes de la zone euro (0,41%) », devant le Royaume-Uni ou l'Allemagne, mais derrière l'Italie et l'Espagne.

En regardant dans le détail, l'ACPR relevait en mai dernier que « les RoA des banques françaises se situent en-deçà de la médiane des grandes banques européennes comparables. »

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banques europe ROE 2017 ACPR

[Rentabilité des actifs (RoA) des grandes banques européennes d'envergure internationale en 2016 et 2017 : en France (à gauche), en zone euro (au centre), hors zone euro (à droite). Crédits : ACPR]

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Ratio encore plus crucial aux yeux des investisseurs, le rendement des fonds propres (return on equity, RoE, mesuré par le résultat net rapporté aux capitaux propres), qui a légèrement diminué à 6,2% en 2017 (contre 6,4% en 2016), notamment du fait de la fameuse « surtaxe » exceptionnelle sur les grands groupes (pour compenser l'annulation de la taxe sur les dividendes) qui a amputé leurs résultats. Le RoE des banques françaises demeure « légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro », à 5,7%, mais toujours inférieur à celui des espagnoles et des italiennes (7,1%), avec de grands groupes aux ratios solides tels que BBVA, Intesa Sanpaolo ou UniCredit. La rentabilité des fonds propres reste aussi « à des niveaux significativement inférieurs à ceux d'avant-crise » avait pointé en mai l'ACPR.

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banques europe ROE BCE ACPR

[Comparaison du rendement des fonds propres (return on equity) dans une sélection de pays européens. Crédits : BCE/ACPR]

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Les banques d'autres pays font encore mieux, aux Pays-Bas et en Belgique (8,8%), au Danemark et en Finlande (plus de 10,8%).

Sans parler des RoE des plus grandes banques américaines, qui avoisinent les 12 à 14% en 2018.

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banques europe ROE BCE EBF

[Rendement des fonds propres (return on equity) des banques par pays en Europe. Crédits : EBF]

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« Pas un service public »

Surtout, la rentabilité des banques françaises « demeure inférieure à leur coût du capital » avait soulevé la Banque de France dans son rapport d'évaluation des risques du système financier français, présenté en juin 2018.

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Banques RoE coût du capital BdF

[Le coût du capital (en bleu) est supérieur au rendement des capitaux (en pointillé vert) : l'écart se réduit mais reste négatif (en orange). Chiffres en avril 2018. Crédits: Banque de France]

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« La banque n'est pas un service public. Cela demeure un commerce, il faut qu'il soit rentable, pour jouer son rôle et assurer le financement de l'économie. Il faut que le modèle d'affaires soit sain, sans prise de risque considérable, et que le retour soit normal et cohérent pour les investisseurs » a fait valoir Patrick Montagner, le secrétaire général adjoint de l'ACPR, ce mardi, lors d'une présentation à la presse.

Il a évoqué la nécessité pour ces grands groupes de pouvoir « amortir leurs énormes investissements informatiques et marketing sur une base de clientèle plus large, en tirant parti du marché unique ». Ce qui pourrait passer par des rapprochements, auxquels la BCE est ouvertement favorable.

Delphine Cuny

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Commentaires 10
à écrit le 19/10/2018 à 8:42
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Que voilà un article étrange ! Si on le suit les banques françaises sont en moins bonne santé que les banques italiennes ou espagnoles. C'est un peu curieux sachant que ces banques sont sous-capitalisées. en termes de rentabilité, voir aussi le Royau...

à écrit le 18/10/2018 à 7:34
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Pendant ce temps la, sur bcp de medias d'Europe. l'on cause de l'arnaque fiscale sur les dividendes delivrees aux actionnaires etrangers. A la Tribune, on fait quoi, on commente ?

à écrit le 17/10/2018 à 20:09
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Le problème de la rentabilité est identique pour toutes les entreprises françaises. Le coupable c’est l’obésité de l’état

à écrit le 17/10/2018 à 16:50
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Intéressant et quelque part rassurant si cela signifie qu'elles prennent moins de risques. L'Espagne et l'Italie sont tout de même des pays à fort taux de chômage. L’Espagne a engagé des concentrations dans le secteur bancaire suite à la crise de 2...

à écrit le 17/10/2018 à 16:34
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Parlons sérieusement des banques. Il n'y a pas très longtemps, les Bilans directs de BNP + SG + groupe BPCE et Credit Agricole = 317% du PIB national ! Les "hors bilans" de ces banques (réalisés essentiellement en produits "dérivés") = 7 à 10 fois le...

à écrit le 17/10/2018 à 11:16
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""" Surtout, la rentabilité des banques françaises « demeure inférieure à leur coût du capital » """" a priori ca ne choque personne?

le 17/10/2018 à 16:04
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Le coût du capital, c'est un calcul de risque en fonction d'un taux d'actualisation. Ils veulent dire que le risque lié à l'activité bancaire est pour l'instant supérieur à la rentabilité générée ou encore dit autrement il existe une possibilité pour...

à écrit le 17/10/2018 à 9:56
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Attention de ne pas confondre rentabilité et solvabilité. Cela n'a pas grand chose à voir. D'ailleurs, dans l'article, on précise que les banques françaises sont plus rentables que la moyenne (de peu, il est vrai), devant les allemandes. Cela dit...

le 18/10/2018 à 15:39
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Les banques françaises au lieu de se battre pour engranger de nouveaux crédits immobiliers à des Taux inférieurs À 1,50 % feraient mieux d'augmenter les taux pour accroitre leurs marges.Ce qui par ailleurs ferait baisser le prix de l'immobilier .

à écrit le 17/10/2018 à 9:02
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L'argent, une véritable croyance. "L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme" https://www.monde-diplomatique.fr/2018/07/MALET/58830 (article gratuit)

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