Société Générale aurait reçu un redressement fiscal de 2,2 milliards d'euros

Par Delphine Cuny  |   |  545  mots
La banque de La Défense s'était déclarée "sereine" confortée par la jurisprudence du Conseil d'Etat sur le mode déduction de la perte imputée à l'ex-trader Jérôme Kerviel.
Selon le Canard enchaîné, l'administration fiscale réclame à la banque le montant du crédit d'impôt accordé à la suite des pertes subies dans l'affaire Kerviel. La procédure de redressement avait été lancée en novembre dernier, après l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui avait jugé l'ex-trader partiellement responsable.

[Article mis à jour le 17/01 à 18h30]

La Société Générale devra-t-elle rendre à l'Etat les 2,2 milliards d'euros de crédit d'impôt dont elle avait bénéficié pour compenser la perte imputée à Jérôme Kerviel ? En septembre 2016, au lendemain de l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles qui avait reconnu l'ex-trader "partiellement responsable" et sérieusement réduit les dommages et intérêts dus à la banque, cette question de l'ardoise fiscale de la Soc Gen était revenue sur la table. Michel Sapin, alors ministre de l'Économie et des Finances, et Christian Eckert, à l'époque secrétaire d'État au budget et aux comptes publics, avaient annoncé publiquement qu'ils avaient demandé à l'administration fiscale d'examiner les conséquences de cet arrêt. En novembre 2016, le journal Les Échos avait révélé  que la procédure de redressement fiscal avait été lancée pour récupérer "tout ou partie" de ces 2,2 milliards.

Selon le Canard enchaîné daté de ce mercredi, l'administration fiscale française aurait transmis au printemps à la Société Générale un redressement fiscal pour récupérer les 2,2 milliards d'euros. Bercy n'a pas souhaité commenter et la Société Générale invoque le secret fiscal.

"Oh ! 5 ans de bagarre, mais peut être enfin victoire ?" a réagi  sur Twitter Julien Bayou, élu d'Île-de-France et porte-parole d'EELV, qui a écrit un livre sur le sujet, "Kerviel : une affaire d'État. 2 milliards pour la société en général."

Recours et contestation possibles

Cependant, il peut sembler curieux que la banque n'ait pas communiqué aux investisseurs sur ce redressement colossal alors qu'elle l'a fait la semaine dernière sur une "proposition de rectification à la suite d'un contrôle fiscal de l'administration française sur divers impôts d'exploitation" d'un montant bien moindre (de l'ordre de 140 millions d'euros). Hypothèse possible : la procédure n'en est pas encore au stade de la notification formelle.

Dans son document de référence 2017, la Société Générale confirme que l'administration "examine les conséquences fiscales de la perte nette de 4,9 milliards d'euros de la banque résultant des agissements frauduleux de Jérôme Kerviel". Elle ajoute qu'"un litige reste possible sur ce sujet devant les juridictions compétentes."

"S'ils sont en négociation avec l'administration fiscale, rien ne les oblige à communiquer aux marchés, c'est conforme à leur stratégie de défense : la SG s'est toujours posée en victime d'une fraude. S'ils provisionnent, ils envoient un message inverse" estime un analyste financier.

La Société Générale a jusqu'ici soutenu que l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles ne remettait pas en cause le "bien-fondé" du traitement fiscal de la perte de trading occasionnée par le débouclage des positions de Jérôme Kerviel, évaluée à 4,9 milliards d'euros en 2008. Le directeur général, Frédéric Oudéa, avait martelé  que la banque était "sereine", confortée par la jurisprudence du Conseil d'État sur le mode déduction de la perte.

"Entre la contestation du redressement devant le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel et, enfin, le Conseil d'État, cinq ans, au moins, risquent de s'écouler" reconnaît d'ailleurs le Canard Enchaîné.