Taux bas : pour Lagarde, la BCE doit rester très accommodante

Par Delphine Cuny  |   |  811  mots
Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, le 23 janvier 2019 au Forum économique mondial de Davos (Suisse). (Crédits : Reuters)
Christine Lagarde, qui doit remplacer Mario Draghi en novembre, considère que la Banque centrale européenne doit maintenir sa politique de taux bas. Dans une réponse écrite au Parlement européen qui doit l'auditionner en septembre, la directrice générale du FMI évoque cependant les effets négatifs produits par cette politique sur le secteur bancaire et la stabilité financière.

Dans les pas de Mario Draghi. Christine Lagarde n'entend pas radicalement changer la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), dont elle devrait prendre la présidence en novembre prochain, si sa nomination est confirmée par le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et du Conseil des gouverneurs de la BCE (lequel a déjà rendu un avis positif). Dans une réponse écrite, rendue publique ce jeudi 29 août, adressée au Parlement européen, qui va l'auditionner le 4 septembre, la directrice générale du FMI a exposé sa vision de l'action de la BCE ces huit dernières années et des défis auxquels l'institution de Francfort fera face dans les années à venir.

« Il est clair que la politique monétaire a besoin de rester très accommodante dans un avenir prévisible » déclare Christine Lagarde à plusieurs reprises dans la quarantaine de pages où elle répond au questionnaire qui lui a été adressé.

Fin juillet, la BCE a même parlé clairement de la possibilité de baisser les taux d'intérêt, qui se trouvent à des niveaux historiquement bas depuis 2016.

Réputée plutôt « colombe » que « faucon », Christine Lagarde estime même que la Banque centrale européenne dispose encore d'une marge de manœuvre: elle ne pense « pas que la BCE ait atteint la limite basse de sa politique de taux directeurs ».

Elle pointe toutefois l'impact de ces taux sur « le secteur bancaire et la stabilité financière », invitant à surveiller de près les « effets secondaires négatifs » qui pourraient se manifester, si les taux restent bas plus longtemps. Sans urgence pour autant : « en ce qui concerne l'impact des taux négatifs sur la rentabilité des banques, une analyse empirique suggère que les effets négatifs sur les revenus nets d'intérêts des banques ont été jusqu'à présent plus que compensés » par les effets de la politique accommodante.

La normalisation est prématurée

Saluant le travail accompli par Super Mario, qui avait déclaré que Christine Lagarde serait « une présidente remarquable de la BCE », elle écrit que cette politique a été « efficace et réussie », en particulier dans la lutte contre les risques de déflation depuis 2014. Pour autant, l'inflation reste sous l'objectif (« proche mais inférieure à 2% ») de la BCE, dont le mandat est précisément la stabilité des prix.

La future présidente de la BCE est cependant bien consciente des turbulences à venir.

« L'environnement macroéconomique et international actuel représente un défi majeur à court terme pour la BCE » souligne-t-elle, « la dynamique de croissance de la zone euro s'est ralentie, [...] l'inflation reste modérée. »

L'ancienne avocate, qui était à Bercy en pleine crise financière, insiste sur « les incertitudes géopolitiques, la montée des menaces protectionnistes, les vulnérabilités des marchés émergents » qui lui font conclure que « la normalisation monétaire est prématurée. »

Croissance durable et inclusive

Se plaçant dans une optique de long terme, pour un mandat de huit ans, l'ancienne ministre fait valoir à deux reprises qu'il serait souhaitable que la politique monétaire de la BCE puisse aussi soutenir plus généralement les politiques de l'UE, « notamment une croissance durable et inclusive, sans porter atteinte à son objectif premier de maintien de la stabilité des prix. » Le mandat de la Fed américaine porte à la fois sur l'inflation et l'emploi maximal.

Très portée sur l'innovation, la future présidente de la BCE, qui s'était faite l'avocate des startups de la Fintech et des monnaies digitales de banque centrale au cours de son mandat au FMI, prône une politique monétaire s'appuyant sur les données, « data-dépendante », et souligne que l'institution fera face à « un nombre croissant de défis structurels », parmi lesquels « la digitalisation et les cryptomonnaies, la cybersécurité et la lutte anti-blanchiment, le changement climatique. » Elle insiste sur ce dernier point, « une des menaces existentielles de notre époque », qu'elle entend fixer comme une priorité en matière de coopération internationale, tout comme la cause des femmes.

 Au sujet des crypto-actifs, interrogée sur le projet de crypto-monnaie mondiale Libra de Facebook, Christine Lagarde insiste sur l'aspect positif de « cette tentative du secteur privé d'améliorer les services financiers existants [qui] pourrait apporter des bénéfices en termes de paiements transfrontaliers et d'inclusion financière », Cependant, elle se range à l'avis général des banquiers centraux selon lequel « un usage largement répandu [des stablecoins - indexées sur un panier de devises - dont Libra] pourrait poser des risques sur la politique monétaire, la stabilité financière et le fonctionnement fluide ainsi que la confiance dans le système de paiement mondial. »

Lire aussi : Libra de Facebook : le G7 d'accord pour « agir rapidement » contre des risques « systémiques »