Pollution de l'air en ville : la guerre est déclarée

Par Dominique Pialot  |   |  1055  mots
Déclaration du C40 pour des rues sans énergie fossile (à Paris le 23 octobre 2017)
De Tokyo à Quito en passant par Pékin et de nombreuses capitales européennes, les annonces pour combattre la pollution liée aux transports se multiplient. Les engagements pris par douze villes monde constituent l’un des temps forts de la réunion du réseau de villes C40 qui se tient depuis samedi à Paris autour de sa présidente Anne Hidalgo et en présence de Michael Bloomberg.

Pas un jour ne se passe ces dernières semaines sans apporter son lot de statistiques affolantes sur les ravages causés par la pollution dans les villes du monde entier. Dernière publication en date, un rapport rendu public le 19 octobre dernier par la revue « The Lancet », selon lequel « les maladies causées par la pollution ont été responsables de 9 millions de morts prématurées en 2015, soit 16 % de l'ensemble des décès dans le monde ». C'est 15 fois plus que les victimes de l'ensemble des conflits de cette même année. Si toutes les formes de pollution - air, eau, sol et environnement professionnel - sont incriminées, la mauvaise qualité de l'air à elle seule est responsable de 6,5 millions de décès chaque année.

12 villes-monde en route vers des « rues sans énergie fossile »

Mais pas un jour non plus qui n'apporte de bonnes nouvelles en matière de prise de conscience et d'engagements des Etats et plus encore, des villes. Réunis pendant trois jours à Paris en marge de l'événement CityLab organisé par Bloomberg Philantrophies, Aspen Institute et le magazine The Atlantic, des maires du monde entier ont phosphoré sur l'action de leurs villes, notamment en termes de lutte contre le changement climatique.

Douze d'entre eux ont signé un engagement commun à aller vers des « rues sans énergie fossile ». Notamment en agissant sur les transports, et plus particulièrement leurs propres flottes, dont aucune ne devrait plus fonctionner aux énergies fossiles à l'horizon 2025. Mais aussi en favorisant les modes de transports doux (marche, bicyclette et transports en commun).

Seul un Parisien sur dix utilise sa voiture pour aller travailler

Michael Bloomberg, l'ancien maire de New York et ancien président du C40, ce réseau d'une centaine de villes engagées dans la lutte contre le changement climatique aujourd'hui présidé par Anne Hidalgo, a rappelé que la mission des maires était de protéger la santé et la sécurité de leurs  administrés, souligné que les mégapoles représentées lors de cette réunion avaient à la fois la puissance financière et la capacité d'influence nécessaires pour agir et cité les douze signataires comme des exemples susceptibles d'inspirer les villes du monde entier.

Anne Hidalgo, qui vient d'essuyer les critiques de son opposition suite à l'annonce d'une trajectoire vers l'élimination des véhicules à essence à l'horizon 2030, a rappelé que seule une personne sur 10 dans la capitale (et une sur sept en petite couronne) prend sa voiture pour aller travailler. Elle a déploré que les media se focalisent précisément sur les difficultés rencontrées par cette minorité du fait des mesures instaurées ces derniers mois dans la capitale ou annoncées dans un avenir plus ou moins proche.

Pas de péage urbain à Paris

A l'inverse de Londres, qui a imposé ce 23 octobre une nouvelle taxe sur les véhicules les plus anciens et les plus polluants qui entrent dans le centre-ville et dont les propriétaires devront payer près de deux fois plus que précédemment, la maire de Paris a démenti préparer ce type de mesure pour la capitale française. C'est, a-t-elle toutefois reconnu, l'une des pistes de travail étudiées au sein du forum métropolitain, auquel participent des représentants de la Ville mais également de la Région. Mais le choix de Paris n'est pas de « créer une barrière financière » qui permettraient aux conducteurs aisés de véhicules polluants de pénétrer dans la capitale en s'acquittant d'une taxe inabordable pour les moins nantis, mais d'interdire progressivement l'accès aux véhicules les plus polluants, comme cela a été entamé depuis le début de l'année sur la base des vignettes Crit'Air.

Autour d'Anne Hidalgo, les maires de Los Angeles, Barcelone, du Cap, de Milan ou encore d'Auckland ou de Quito ont également témoigné du poids des transports dans les émissions de gaz à effet de serre de leurs villes (un tiers), du premier rôle que tient le transport routier dans la pollution aux particules fines et du coût économique de la congestion routière (1% du PIB).

Concrètement, leur engagement « vers des rues sans énergie fossile » se traduit notamment par l'acquisition de bus propres dès 2025 et la transformation d'une partie importante de leurs villes en "zones zéro émission" d'ici à 2030. Cette déclaration a également été signée par les maires de Mexico, Seattle, Londres, Copenhague et Vancouver.

Sensibiliser et accélérer la transition écologique grâce aux JO

Les trois maires qui accueilleront les prochaines éditions des Jeux Olympiques d'été (Tokyo, Paris et Los Angeles) se sont engagés à la fois à organiser les Jeux les plus responsables possibles, mais également à profiter de cette opportunité pour accélérer la transition écologique de leur ville. Yuriko Koike, la gouverneure de Tokyo, a mentionné un programme de sensibilisation de la population autour de la fabrication de médailles olympiques à partir des métaux contenus dans les téléphones portables usagés, ou encore le programme destiné à compenser les émissions des quatre jours d'ouverture et de clôture des Jeux de 2020.

Quant à Eric Garcetti, maire de Los Angeles, et Anne Hidalgo, qui n'ont de cesse de répéter à quel point ils sont devenus proches au cours de la campagne qu'ils ont menée  pour l'obtention des Jeux de 2024 (l'un contre l'autre avant que Los Angeles n'opte volontairement pour 2028 et laisse ainsi le champ libre à Paris pour 2024), ils ont signé un accord de jumelage olympique. Celui-ci recouvre les initiatives qu'ils s'engagent l'un et l'autre à mener en faveur de l'environnement, de la solidarité notamment vis-à-vis  des émigrés, et de l'innovation en amont des Jeux qu'ils vont accueillir. Ils prévoient d'échanger "leurs meilleures pratiques en matière d'intégration sociale, d'assistance et d'hébergement aux réfugiés, aux migrants et aux sans-abri" et de développer "des programmes locaux favorisant la pratique sportive pour tous".

En matière d'innovation, il s'agit d'instaurer "des échanges entre les start-ups, les incubateurs, les entreprises et les fonds d'investissements présents sur leurs territoires respectifs". Pour mettre en œuvre cet accord inédit de coopération, Paris et Los Angeles vont constituer un Comité de jumelage, co-présidé par les deux maires.