Les "oubliés" de la COP21 suivis à la loupe

Le processus de ratification de l'Accord de Paris s'ouvre cette semaine. Mais plusieurs points déterminants qui n'y figurent pas continuent d'être négociés en parallèle, ou font l'objet de pressions pour les intégrer aux prochaines COP.
Dominique Pialot
Le grand absent de la COP21, le « gros point noir » pointé dans une rare unanimité par les ONG et les entreprises, c'est le silence concernant l'instauration d'un prix du carbone.

L'heure est à la signature puis à la ratification de l'Accord, suivies de l'élaboration de feuilles de route nationales permettant de respecter l'engagement des 2°C maximum de hausse des températures, et leur mise en oeuvre concrète. La prochaine session de négociation à Bonn (Allemagne) en mai portera notamment sur l'inventaire des gaz à effet de serre, le relevé, la gestion et la communication des données climatiques, la comptabilité carbone ou encore l'évaluation des performances climatiques. Plusieurs points de l'Accord restent en outre à préciser, comme la nature exacte des fonds devant alimenter l'enveloppe de 100 milliards de dollars par an que les pays riches doivent mettre à disposition des pays en développement pour les accompagner dans leur transition vers une économie bas-carbone à compter de 2020.

Dans une déclaration avec John Kerry le 16 avril, en marge de la réunion de printemps du groupe de la Banque mondiale, Ségolène Royal a rappelé la nécessité de concrétiser les engagements de financements verts pris à Paris. Mais, surtout, il y a ce qui est absent du texte, mais pourtant indispensable pour espérer atteindre collectivement l'objectif adopté à Paris. C'est le cas de l'encadrement des émissions des transports aérien et maritime, exclus de l'Accord en échange des engagements de l'OACI (Organisation de l'Aviation civile internationale) et de l'OMI (Organisation maritime internationale) d'émettre des propositions concrètes en 2016.

Les promesses des transports aérien et maritime

Le secteur de l'aviation qui, avec une hausse annuelle du trafic de 5 %, pourrait voir ses émissions tripler d'ici à 2050, vient de franchir un premier pas avec de nouvelles normes applicables aux appareils produits à partir de 2020 et à ceux déjà en production, livrés à partir de 2023. Ce compromis élaboré par des experts des Nations unies met fin à six ans de négociations et d'opposition aux projets de quotas d'émissions de la Commission européenne. Il doit être entériné lors de la prochaine assemblée générale de l'OACI en septembre, mais aussi complété par un mécanisme de compensation des émissions car à elles seules, ces nouvelles normes, peu ambitieuses, ne devraient pas empêcher les émissions du secteur de poursuivre une hausse de 3% par an. Le transport maritime n'est responsable que de 3% des émissions totales de CO2, mais 90% des marchandises sont transportées par bateaux et ce trafic aussi progresse en permanence. Pour l'association Surfrider, si rien n'est fait, en 2030 le transport maritime représentera 17% des émissions mondiales. De premiers accords sont sur le point d'être signés à la fin du mois, portant notamment sur un système de déclaration et de surveillance obligatoires des émissions de CO2 du secteur.

Large mobilisation en faveur d'un prix du carbone

Mais le grand absent de la COP21, le « gros point noir » pointé dans une rare unanimité par les ONG et les entreprises, c'est le silence concernant l'instauration d'un prix du carbone. Longtemps présent dans le texte, le sujet a finalement été relégué dans les décisions (qui, à l'inverse de l'Accord lui-même, ne sont pas gravées dans le marbre), et de surcroît présenté comme un outil susceptible d'être utilisé par les acteurs non étatiques !

Les entreprises continuent de réclamer cette tarification du carbone à cor et à cri et, pour le Medef, une COP22 vraiment réussie devrait inclure cette mesure. En attendant, elles sont de plus en plus nombreuses à utiliser un prix du carbone en interne pour orienter leurs décisions d'investissement et parfois de recherche et développement. Certaines penchent pour une taxe, voire une redevance garantissant la destination des ressources à la préservation du climat. Les propositions de chercheurs se multiplient pour tracer un chemin vers le Graal, un prix commun à tous les secteurs et tous les États. En France, une task force ad hoc est animée par Alain Grandjean et Pascal Canfin (qui avaient déjà fait des propositions dans leur rapport du printemps dernier), ainsi que par le PDG d'Engie et président de Paris Europlace, Gérard Mestrallet.

Ségolène Royal, qui a coprésidé l'assemblée de haut niveau de la « coalition pour le prix du carbone » à Washington le 16 avril, a annoncé une déclaration des chefs d'État sur le sujet, lors de la cérémonie de signature de l'Accord du 22 avril, et fait des propositions pour la coalition.

Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 22/04/2016 à 8:34
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Les sites pour financer les énergies renouvelables Greenchannel (filiale à 95% d'Engie (Gdf/Suez) Energie Partagée filiale du fournisseur d'énergie Enercoop, Allianz partenaire de Lendosphere, Banque Populaire Caisses d'Epargne (BPCE) partenaire d'En...

à écrit le 22/04/2016 à 7:51
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Suite. il faudrait appliquer cette mesure à Air France, à la SNCF, à EDF. Qui voudrait s'en charger?

à écrit le 22/04/2016 à 7:45
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Il faudrait qu'un économiste nous montre que la taxation de l'énergie, dont le carbone, utilisée pour réduire le cout du travail, en finançant les charges sociales, serait favorable à l'économie en réduisant le chomage et en réduisant les prix hors é...

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