Airbus Helicopters doit absolument envoyer du lourd en 2016

Par Michel Cabirol  |   |  1398  mots
Airbus Helicopters résisterait mieux que ses concurrents à la crise du marché de l'hélicoptère. Au premier semestre 2015, il aurait gagné environ 10% de parts de marchés
Après une année commerciale très difficile en 2015, le constructeur de Marignane doit impérativement vendre des hélicoptères militaires et civils lourds (NH90, H225, H225M, H175...). Car Airbus Helicopters va être déjà confronté à un problème de charge de travail dès cette année.

Bis repetita pour Airbus Helicopters. A l'instar de 2015, le véritable enjeu de 2016 pour Airbus Helicopters sera de prendre à tout prix des commandes dans le segment des hélicoptères lourds même si le contexte macroéconomique restera encore très difficile cette année. Car en 2015, l'hélicoptériste européen n'est pas parvenu à atteindre son objectif prioritaire de gagner au moins deux gros contrats militaires. Du coup, le carnet de commandes s'effrite.

Hormis la Corée du Sud, où le constructeur a été choisi pour codévelopper et cofabriquer des hélicoptères légers militaires et civils sur la base d'une version d'un Dauphin 155 B1, le constructeur de Marignane n'a pas finalisé des ventes pourtant bien engagées dès la fin 2014 et au début 2015. C'est le cas du NH90 au Qatar (22), du Caracal au Koweït (24 + 6 en option) et en Pologne (50), et du H225 au Mexique (50), où une commande avait été envisagée sérieusement. Mais Mexico a été rattrapé par la chute vertigineuse du prix du baril de pétrole, et la commande a fait pschitt en dépit de la venue en France du président mexicain Enrique Peña Nieto qui était l'invité d'honneur du défilé du 14 juillet. Déception également au Japon, qui a décidé de choisir le Bell 412, une plate-forme de plus de 50 ans, face au programme X9, le nouvel hélicoptère de 4 à 5 tonnes que souhaite développer Airbus Helicopters.

Heureusement que le ministère de la Défense français a apporté une bouffée d'oxygène commerciale en commandant 7 Tigre et 6 NH90 supplémentaires. En outre, le Pentagone est lui aussi venu à la rescousse du constructeur de Marignane en passant commande de 53 hélicoptères légers UH-72A Lakota supplémentaires en deux fois (41 et 12) en 2015 pour un montant de près de 300 millions de dollars. Ils seront fabriqués dans l'usine du groupe à Columbus, aux Etats-Unis.

Un problème de charge de travail en 2016

Engagé dans six campagnes majeures en début de l'année - Pologne, Qatar, Koweït, Corée du Sud, Japon et Mexique -, le constructeur les avait toutes gagnées plus ou moins sur le papier. Mais au final, seule la Corée du Sud a signé en faveur d'Airbus Helicopters. en revanche, le Japon lui a tourné le dos, lui préférant à sa très grande surprise Bell. En conséquence, le bilan de l'année commerciale pose véritablement un problème de charge de travail en 2016 et début 2017. Et même au-delà si certains de ces contrats (Qatar, Koweït) ne gonflent pas rapidement son carnet de commandes. Enfin, Airbus Helicopters ne peut surtout pas se permettre une nouvelle année blanche commerciale ou presque avec le H225 (2 exemplaires vendus en 2015).

Mais la chute continue du pétrole (de 110 à 30 dollars le prix du baril) pénalise durement les constructeurs d'hélicoptères, notamment sur deux marchés à très forte valeur ajoutée : le marché pétrole et gaz (oil & gas) et le marché militaire vers les pays producteurs de pétrole. C'est bien sûr le cas d'Airbus Helicopters au Mexique, Koweït et Qatar. Enfin, le tout nouveau gouvernement conservateur polonais reste très hostile au choix de l'équipe précédente, qui avait choisi le constructeur de Marignane, face à l'américain Sikorsky et Finmeccanica Helicopters (ex-AgustaWestland). Ce qui n'est pas une surprise après les nombreuses déclarations très agressives prononcées lors de la campagne des législatives.

Enfin, le ministère de la Défense souhaiterait que le constructeur de Marignane privilégie un peu plus le Caïman NH90, au détriment du Caracal dont le prix est - il est vrai - plus attractif pour les pays intéressés par ce type d'appareils. Comme en Inde, où cet appareil a été choisi. Airbus Helicopters est entré en 2015 en négociations exclusives pour vendre aux gardes-côtes indiens 14 H225M (Caracal). Le contrat est estimé à plus de 400 millions d'euros. Avec un peu de chance, Airbus Helicopters pourrait finaliser cette vente en 2016. Il lorgne également un marché d'une centaine d'hélicoptères légers pour la Marine dans le cadre du programme NUH (hélicoptères utilitaires navals) et propose la dernière version militarisée du Dauphin, l'AS565 MBe Panther. L'appel d'offre est attendu depuis plusieurs mois.

Un marché qui s'effondre

Attendu en 2015, le rebond du marché civil n'a pas été du tout au rendez-vous. C'est le moins que l'on puisse dire. Entre le premier semestre 2014 et celui de 2015, le marché civil et parapublic s'est effondré de 45%. Double peine pour Airbus Helicopters avec l'Ecureuil (H125) qui commence à montrer quelques signes de faiblesse face au 407 de Bell même si en Chine, il peut retrouver une nouvelle jeunesse avec un possible contrat d'une centaine d'appareils en vue.

Au 1er semestre 2015, seulement 269 hélicoptères ont été vendus, contre 494 en 2014 et 518 en 2013 sur la même période. Des chiffres catastrophiques d'autant que le marché militaire a également plongé de 64% sur la même période. Il est passé de 526 appareils vendus à 188 entre le 1er semestre 2014 et celui de 2015. En revanche, le second semestre a semble-t-il été meilleur mais sans totalement compenser la chute brutale du début d'année

Airbus Helicopters peut toutefois trouver quelques motifs d'espérance. Il résisterait mieux que ses concurrents à la crise du marché de l'hélicoptère. Selon nos informations, au premier semestre 2015, il aurait gagné environ 10% de parts de marché grâce à un taux de change euro/dollar plus favorable et l'arrivée de nouveaux produits attractifs (H175 et la nouvelle version du H145).

Des raisons d'espérer

En dépit d'un environnement macroéconomique difficile, à l'exception du rééquilibrage du taux de change euro/dollar, Airbus Helicopters se montre toutefois relativement résilient. Au premier rang des satisfactions de l'année dernière, les ventes de H175, mis en service fin décembre 2014, ont décollé de façon raisonnable. Le constructeur devrait annoncer un peu moins d'une quarantaine de ventes de son nouveau modèle de transport civil (7 tonnes). Il en avait vendu 38 fin septembre à des opérateurs de référence (Bristow, Milestone Aviation Group, LCI, Government Flying Services...). Une bonne nouvelle qui pourrait peut être dérider la direction d'Airbus Group, très frileuse à lancer de nouveaux modèles (X6 le successeur du Super Puma, X9, voire X2, le successeur de l'Ecureuil). Dans ce contexte, il sera intéressant de voir comment le H160 va être accepté par le marché.

Par ailleurs, Airbus Helicopters, même s'il ne souhaite pas le claironner, mise beaucoup sur le H215 (Puma C1e), nouvelle version du Super Puma qui sera assemblée en Roumanie. Sa configuration standardisée visant à réduire les délais de livraison, les coûts d'exploitation et de maintenance a déjà séduit la Bolivie, l'Afrique du Sud et l'Albanie. Cet appareil vise le renouvellement des flottes russes de Mil, le Mi-8 et le Mi-17, qui sont très vieillissantes. Des flottes qui doivent être au fil des ans renouvelées comme en Europe de l'Est (600 appareils environ), Amérique latine (400) et dans d'autres pays asiatiques (une centaine). Le marché est évalué à 2,7 milliards d'euros par an par Airbus Helicopters.

En Chine, Airbus Helicopters a signé fin octobre une lettre d'intention pour installer une chaîne d'assemblage du H135. Si cette initiative se finalise, le marché chinois pourrait s'ouvrir en grand au constructeur européen. Le H135 est, selon Airbus Helicopters, l'un des hélicoptères légers biturbine les plus appréciés en Chine, notamment pour des missions médicales d'urgence et de police. L'installation d'une FAL H135 en Chine permettra de répondre idéalement à la demande croissante pour ces capacités EMS et maintien de l'ordre.

Enfin, en Inde, le constructeur mise sur un assouplissement de la réglementation de la gestion de l'espace aérien. New Delhi a un projet de directive qui pourrait être prête d'ici à la fin de cette année. En outre, les Indiens planchent sur une baisse des taxes sur les pièces détachées. Ce qui pourrait développer le support local (MRO). La libéralisation du ciel indien, le développement des infrastructures et la baisse des taxes pourrait faire doubler l'activité d'Airbus Helicopters en Inde.