Comment Airbus Helicopters gère son internationalisation

Le constructeur de Marignane va annoncer cette semaine l'implantation d'une nouvelle chaîne d'assemblage (FAL) à Brasov en Roumanie. Ce sera la quatrième FAL d'Airbus Helicopters à l'international, en attendant celle de Qingdao en Chine.
Michel Cabirol
Airbus Helicopters va gérer cinq chaînes d'assemblage à l'international : Australie, Brésil, Etats-Unis, Roumanie et Chine.

Brisbane (Australie), Itajuba (Brésil), Colombus (Mississippi aux États-Unis) et maintenant Brasov (Roumanie) et Qingdao (Chine)... Cinq villes dans lesquelles Airbus Helicopters a installé des chaines d'assemblage ou va le faire en plus de celles de Marignane, de Donauwörth en Allemagne et d'Albacete en Espagne. Sans compter enfin celle du partenaire du constructeur européen en Corée du Sud, Korean Aerospace Industries (KAI), qui assemble le Surion, un hélicoptère de transport co-développé en coopération entre les deux groupes.

Et ce n'est peut-être pas fini. La filiale hélicoptériste d'Airbus Group prévoit d'en implanter une nouvelle à Lodz si le nouveau gouvernement polonais confirme le choix du Caracal. Et pourquoi pas aussi à Queretaro au Mexique et en Inde si le constructeur de Marignane gagne de grosses campagnes commerciales en cours. Une chaîne d'assemblage "est emblématique pour un pays qui l'accueille sur son sol, c'est la garantie d'un investissement local durable", estime le vice-président exécutif en charge des ventes et des services au niveau mondial, Dominique Maudet.

"On veille à la cohérence de nos capacités industrielles"

Finalement y a-t-il une cohérence industrielle de multiplier les chaines d'assemblage? "On y veille, assure Dominique Maudet. Nous ne mettons pas à risques nos capacités industrielles en multipliant les chaines d'assemblage. Pour autant, Airbus Helicopters souhaite être au plus près des clients pour gagner de nouvelles commandes. Enfin, nous devons faire de la place pour les nouveaux programmes à Marignane et à Donauwörth". Très clairement, le projet d'une implantation d'une nouvelle chaîne d'assemblage doit répondre à au moins une des quatre exigences du constructeur européen : le marché du pays, le volume de la commande, les coopérations et, enfin, les pays à meilleurs coûts, les fameux pays "best cost".

Dominique Maudet planche d'ailleurs sur un projet d'organisation pour les régions au niveau mondial. "Comment optimiser au niveau mondial nos capacités industrielles et de MRO, explique-t-il. Les sites de production doivent-ils produire pour un marché local ou un marché global? Par exemple, l'Espagne fabrique des poutres de queue de l'ensemble de la gamme pour le marché mondial et le site mexicain de Queretaro produit des éléments de structure pour les besoins globaux".

La Roumanie, tête de pont pour concurrencer les Russes

C'est décidé Airbus Helicopters, qui avait signé l'a dernier un protocole d'accord avec Bucarest, installe en Roumanie une chaine d'assemblage du Puma C1e, la nouvelle version du Super Puma qui offre une configuration standardisée visant à réduire les délais de livraison et les coûts d'exploitation et de maintenance. Cette version a déjà été vendue à l'Afrique du Sud, l'Albanie et la Bolivie.

Le constructeur doit faire cette semaine l'annonce de l'implantation de cette nouvelle chaine d'assemblage en Roumanie, un pays à meilleurs coûts, qui monte dans la chaine de valeur. Brasov était jusqu'ici un centre de MRO doté d'une main d'oeuvre qualifiée, de bonne qualité et compétitive. "Cette chaine va nous permettre d'attaquer le marché utilitaire avec un produit fiable et sûr‎ face à la concurrence russe", assure Dominique Maudet.

Assemblé à Brasov, cet appareil, propulsé par un moteur Makila 1A, doit permettre à Airbus Helicopters de mieux rivaliser face aux hélicoptères russes de Mil, le Mi-8 et le Mi-17, dont les flottes civiles et militaires sont très vieillissantes. Des flottes qui doivent être au fil des ans renouvelées comme en Europe de l'Est (600 appareils environ), Amérique latine (400) et dans d'autres pays asiatiques (une centaine). Le marché est évalué à 2,7 milliards d'euros par an par Airbus Helicopters, selon les syndicats. "Ce partenariat devrait entraîner une baisse du prix de vente de notre appareil", estime FO

Les syndicats ne sont d'ailleurs pas contre ce projet. "Cette stratégie sur le marché à bas coût doit être favorable également pour les emplois à Marignane", explique FO. La CGC rappelle de son côté que sur le marché visé, "les produits de très hautes technologies ne sont pas en adéquation avec les capacités financières des clients". Et de faire valoir que "l'allongement de la durée de vie du Puma, programme éprouvé, serait ainsi au bénéfice de nos investissements, comme cela a été fait avec l'ancienne gamme, telle l'Alouette".

La CGC considère "sans tabou toute initiative propre à générer de la charge supplémentaire, y compris dans le cadre d'une implantation chez nos partenaires et à des transferts de production si les gains engendrés par ce type d'opération sont réinjectés et dédiés au développement de nouveaux programmes, sources de création d'emplois en France".

Des chaines dans des pays au marché très porteur

Aux États-Unis, la division hélicoptères d'Airbus Group a décidé en 2013 d'installer en 2014 une chaine d'assemblage d'Écureuil (H125) au Mississippi, en vue de compenser la fin du contrat des UH-72A Lakota destinés à l'armée de terre américaine et des autres agences fédérales. Le site de Colombus continuera à fabriquer des H125 et à faire le support et à moderniser les Lakota.

Pourquoi avoir implanté une chaine d'Écureuil dans le Mississippi? "Les États-Unis sont le premier marché pour l'Écureuil, souligne Dominique Maudet. Airbus Helicopters en vend en moyenne 150 Écureuil par an ces dernières années, dont la moitié aux États-Unis". Le constructeur détient d'ailleurs "près de 50% du marché mondial civil et parapublic" sur ce segment, estime-t-il. Au total, il vend entre 60 et 80 machines par an aux États-Unis. "Nous sommes bien contents d'avoir une chaîne d'assemblage locale", note-t-il. Un hélicoptère avec le label "Made in USA"...

Pour gagner le marché militaire des Lakota, Airbus Helicopters avait décidé de créer une chaine de H145 aux États-Unis, qui d'ailleurs demandait aux constructeurs qu'au moins 50% de la valeur du contrat soit fabriqué localement. En outre, le constructeur européen peut bénéficier du programme FMS (Foreign Military Sales), une procédure de vente d'état à état de matériels, services et programmes d'entraînement militaires américains, pour vendre le Lakota à l'international. C'est d'ailleurs pour cela que Airbus Helicopters avait installé une chaine d'assemblage aux États-Unis.

C'est aussi le cas avec la Chine où le constructeur a prochainement prévu d'installer une nouvelle chaine de H135. Il va assembler au moins 100 H135 à Qingdao dans la province de Shandong (sud de Pékin) lors des dix prochaines années. Le H135 est, selon Dominique Maudet, l'un des hélicoptères légers biturbine les plus appréciés en Chine, notamment pour des missions médicales d'urgence et de police. "Le potentiel en Chine, entre autres pour les besoins EMS (services médicaux d'urgence, ndlr), est gigantesque. Elle est également désireuse d'acquérir un savoir-faire industriel", affirme-t-il.

Des chaines pour des méga-commandes

Pour gagner des compétitions, Airbus Helicopters peut proposer d'implanter des chaines d'assemblages locales dans le cadre de campagnes militaires. Cela a été le cas avec l'Australie (47 NH90 en 2005 et 9 NH90 néo-zélandais en 2006) et le Brésil (39 H225M fabriqués à Itajuba sur 50). Ce sera le cas pour la Pologne (50 Caracal), voire au Mexique (50 Caracal) si ces deux pays confirment leur expression d'intérêt.

Les pays en font aussi souvent la demande pour bénéficier de transferts de technologies. "Nous ne le faisons pas pour moins de 40-50 appareils", explique Dominique Maudet. Une fois la production terminée, ces chaines peuvent être reconvertie dans le MRO et le support.

Des coopérations dans des pays clés

Que ce soit en Chine (H175), en Corée du Sud avec Korean Aerospace Industries (Surion et maintenant LCH/LAH) et en Roumanie avec IAR Brasov, et prochainement en Inde avec l'industriel Mahindra, Airbus Helicopters travaille à mettre en œuvre des partenariats en vue de développer des hélicoptères, qui compléteront le portefeuille du constructeur européen. "Ces pays ont appris à travailler avec nous, rappelle Dominique Maudet. Ils savent que nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce qu'on a dit".

En Corée du Sud, le programme LCH/LAH offre une seconde vie au Dauphin (H155), qui sera commercialisé à partir de l'usine Sacheon. Ce partenariat va aider Airbus Helicopters à vendre un Dauphin modernisé dans le monde entier. Et le départ de la chaine vers la Corée du Sud va libérer de la place pour industrialiser le tout nouveau programme H160.

Michel Cabirol

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