La situation est de plus en plus explosive entre Airbus et Qatar Airways. La mèche allumée cet été avec l'immobilisation au sol d'une partie de la flotte d'A350 de la compagnie qatarie pour des problèmes de peinture est loin d'être éteinte et l'affaire pourrait désormais prendre un tournant judiciaire. Répondant à un premier mouvement qatarien, le constructeur européen s'est déclaré prêt à aller en justice.
Après avoir porté un premier coup au cœur de l'été en annonçant dans un communiqué avoir immobilisé 13 de ses 53 Airbus A350 sur instruction de l'Autorité de l'aviation civile qatarie (QCAA) en raison d'une usure accélérée de la surface du fuselage des appareils, Qatar Airways n'a pas relâché la pression sur Airbus depuis : son PDG, Akbar Al Baker, n'a pas manqué de rappeler la situation lors de sorties médiatiques, indiquant qu'il refusait toute nouvelle livraison tant que le problème n'était pas réglé, se plaignant de devoir remettre en service cinq A380 pour compenser les A350 immobilisés, ou déclarant que Boeing est en tête pour remporter un méga contrat de 50 avions cargo.
Dans le même temps, le nombre d'avions cloués au sol est passé à 20 et les solutions avancées par Airbus ont été rejetées. L'escalade s'est ainsi poursuivie jusqu'à il y a quelques jours, lorsque Qatar Airways a fini par notifier le constructeur européen d'une possible action en justice.
Le constructeur contre-attaque
Si Airbus regrette ce bras de fer, il est prêt à relever le gant sur le terrain judiciaire et l'a fait savoir par voie de communiqué : « Face à la description erronée de la dégradation non structurelle des surfaces de sa flotte d'A350 par l'un de ses clients, il est devenu nécessaire pour Airbus de solliciter une évaluation juridique indépendante afin de résoudre le différend. » Une éventualité prévue contractuellement lors de la commande. A l'heure actuelle, aucune juridiction n'a été saisie, mais l'affaire pourrait s'accélérer dans les prochaines semaines.
Airbus semble donc prêt à se battre si nécessaire. S'il n'abandonne pas l'idée d'une sortie de crise à l'amiable, déclarant « œuvrer à rétablir un dialogue constructif », il estime avoir proposé des solutions de maintenance conformément à ses engagements contractuels et n'entend donc pas se laisser marcher sur les pieds. Il a ainsi ajouté qu'il n'a pas « l'intention d'accepter que des déclarations inexactes de ce genre se poursuivent ».
Soucieux de protéger sa position et sa réputation, Airbus n'hésite donc pas à se montrer offensif : « La tentative de ce client de faire passer ce sujet spécifique pour un problème de navigabilité représente une menace pour les protocoles internationaux en matière de sécurité. » Une déclaration délicate alors que Qatar Airways s'appuie sur des recommandations de la QCAA pour justifier du maintien au sol des A350.
L'AESA comme garant
Pour autant, le constructeur se garde bien de remettre en cause le régulateur qatari. Airbus reconnaît des dégradations de la peinture de surface et parfois du treillis de fils de cuivre (ECF) recouvrant les parties en carbone du fuselage, mais il fait valoir que l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), équivalent européen du QCAA et autorité de certification primaire de l'avion, a confirmé que ces dégradations n'ont « aucun impact sur la navigabilité de la flotte d'A350 ». D'après les études menées, elles ne remettent en cause ni l'intégrité, ni les propriétés du fuselage en carbone, ni la fonction de protection contre la foudre offerte par l'ECF (qui forme une cage de Faraday).
Sollicitée, l'AESA n'a pas répondu à nos questions.
Pour expliquer cette dégradation, Airbus apporte comme première explication la différence de dilatation lors des changements de température entre la surface support, le fuselage en carbone, et la surface couvrante, la peinture. Ce phénomène est accéléré sur les appareils de Qatar Airways par rapport à d'autres compagnies touchées (Finnair, Cathay Pacific et Lufthansa), en raison de l'amplitude des écarts de température rencontrés : les A350 passent ainsi de 50° C sur le tarmac de Doha à - 50 ° C en vol.
Qatar Airways dispose à l'heure actuelle d'une flotte de 53 A350 : 34 A350-900 et 19 A350-1000. Client de lancement de la version allongée du long-courrier lors de son entrée en service en 2018, la compagnie qatari possède encore 23 exemplaires en commande.
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