Armement : les industriels demandent un budget équipement de 24 milliards d'euros

Par Michel Cabirol  |   |  917  mots
Les industriels de la défense recommandent que l'effort de défense (hors pension) "doit être rapidement porté à 2% du PIB".
Le Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF) demande que l'effort de défense (hors pension) soit "rapidement porté à 2% du PIB". Surtout, il souhaite que l'État consacre "au minimum 24 milliards d'euros par an aux équipements et à la préparation du futur".

Avant les échéances électorales de 2017, dont l'élection présidentielle, les industriels de la défense français se mettent au carré. Car ils ne veulent revivre ni les coupes claires lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012) ni la loi de programmation militaire (LPM) élaborée à l'arrivée de François Hollande, qu'ils considèrent comme une "loi de survie". C'est donc le Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF), présidé par Hervé Guillou (Pdg de DCNS), qui est en train d'élaborer une stratégie pour rappeler toute l'importance des investissements de l'État dans son outil de défense.

Dans une note en cours de finition et d'approbation, baptisée "Industries de défense, défense de la France", que La Tribune s'est procurée, le CIDEF recommande que l'effort de défense (hors pension) "doit être rapidement porté à 2% du PIB" en vue d'améliorer la condition des personnels et de financer les opérations extérieures (OPEX). Surtout, il souhaite que l'État consacre "au minimum 24 milliards d'euros par an aux équipements et à la préparation du futur", dont le budget consacré à la recherche doit être porté à 1 milliard d'euros (contre 730 millions d'euros actuellement).

"Depuis 1990, la réduction de la part de la richesse nationale consacrée à la défense a fortement fragilisé l'outil militaire et multiplié les lacunes capacitaires, au point de faire de l'actuelle LPM une loi de survie. La prochaine LPM doit donc être celle du renouveau, en marquant le retour rapide à 2% du PIB hors pension consacré au fonctionnement des armées et à leur équipement", explique le CIDEF.

24 milliards au minimum pour répondre à "l'exigence actuelle"

Les industriels de l'armement veulent 24 milliards d'euros "au minimum" pour l'équipement des forces armées, contre 17 milliards en 2016 (dont 9 milliards pour les équipements conventionnels, 3,6 milliards pour le maintien en condition opérationnelle ou MCO, et 3,5 milliards pour la dissuasion). Et 24 milliards pour faire quoi ? Dans la note du CIDEF, ils ont détaillé les principaux efforts financiers que le ministère de la Défense doit faire, "sauf à décider l'abandon partiel de l'autonomie stratégique sur des segments capacitaires". Car, selon eux, "la situation actuelle exige un effort substantiel rapide" au regard des programmes en cours, des OPEX où la France est engagée et de ses engagements internationaux.

Ainsi, le CIDEF recommande une progression des efforts de la dissuasion de 3,5 milliards à 5 ou 6 milliards pour assurer le renouvellement de la flotte des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins) et des vecteurs (missiles nucléaires). Il préconise également une hausse des budgets du MCO de 3,6 milliards à 4,5 milliards d'euros pour maintenir des équipements prématurément usés par les nombreux engagements en OPEX (véhicules et hélicoptères). Le Conseil milite par ailleurs pour une augmentation du budget de la recherche (PEA, programmes d'études amont) pour atteindre le fameux 1 milliard.

Enfin, les industriels souhaitent la reprise des livraisons du Rafale et la poursuite de celles concernant les programmes en cours (frégates FREMM, sous-marins Barracuda, avions de transport A400M, hélicoptères de transport NH90 et de combat Tigre...). Soit un budget évalué à 10 milliards. "Tous ces contrats ont déjà été renégociés à deux reprises et n'offrent plus de marges de manœuvre", estime le CIDEF. Le Conseil n'oublie pas non plus les programmes à venir : frégates FTI, hélicoptères HIL, drones tactiques et MALE, Scorpion, système de missile MMP, cyberdéfense ...

Depuis 1990, l'effort de défense est passé de 2,86% du PIB à... 1,43%

Le cri d'alarme des industriels de l'armement part du constat que l'effort de défense de la France "a reculé de 26% en euros constants entre 1990 et 2016", passant de 2,86% à 1,43% du PIB. En particulier, le budget équipement qui recule de 27% par rapport à 1990. Dans le même temps, le CIDEF constate que le budget de l'État a progressé de 34% alors que la dette publique a presque triplé, passant de 35% à 96% du PIB. En participant à la maîtrise de la dépense publique (renégociation des grands programmes avec baisse de cibles et reports de livraisons...), l'industrie de la défense "s'est mise en danger". Avec la menace de perdre les compétences industrielles. Pour le CIDEF, c'est tout simplement la fin des marges de manœuvre.

"Si une telle tendance à la contraction des ressources de la défense devait se maintenir, l'industrie de défense ne pourrait plus assumer son rôle d'accompagnement industriel de la puissance militaire française et de son autonomie stratégique", estime le CIDEF

Plus grave encore, l'effort de dépense en matière de recherche a chuté de 60% en euros constants depuis 1990, déplore le CIDEF. En conséquence, "les financements consacrés aux études amont réalisées par l'industrie ont atteint un point critique", assure-t-il. Un constat réalisé au moment où des ruptures technologiques émergent dans les domaines de la robotisation, de la digitalisation et de la furtivité. Et cela ne date pas d'hier. Ainsi la France a raté au début des années 1990 la révolution des drones. "Pour avoir arrêté de financer les études sur les drones au début des années 1990, la France s'est retrouvée dans l'incapacité, dix ans plus tard, de fournir aux armées les systèmes nécessaires, et s'est retrouvée dépendante des États-Unis et d'Israël", explique le Conseil. Investir dans la recherche et la technologie (R&T), c'est investir "dans la capacité de la France à maintenir son outil industriel à l'horizon 2030".