En lançant le 777-8F avec Qatar Airways, Boeing revient dans la course face à l'A350F d'Airbus

Le match entre l'A350F d'Airbus et le 777-8 Freighter de Boeing est officiellement lancé. Si l'avionneur européen a pris de l'avance en avançant ses pions dès l'été dernier, la contre-attaque américaine est d'envergure. Alors qu'il n'est encore qu'un avion de papier dérivé du programme 777X , lui-même en proie à de nombreux retards, le 777-8F vient de remporter la plus large commande de l'histoire de Boeing pour un appareil cargo évaluée à plus de 20 milliards de dollars, prix catalogue. La lutte ne fait que commencer pour la domination d'un marché cargo en pleine expansion.
Léo Barnier
Le Boeing 7778-F a déjà rattrapé son retard commercial sur l'A350F d'Airbus.
Le Boeing 7778-F a déjà rattrapé son retard commercial sur l'A350F d'Airbus. (Crédits : Boeing)

La victoire de Boeing pour le renouvellement de la flotte cargo Qatar Airways ne faisait guère de doute. Son PDG, Akbar Al Baker, avait annoncé la couleur dès le mois de novembre dernier alors que le conflit avec Airbus sur la question du revêtement des A350 était en pleine escalade. Pourtant, l'annonce faite le 31 janvier dans le cadre de la visite à la Maison blanche de l'émir du Qatar, Tamim Bin Hamad Al-Thani, reste retentissante. Non seulement, Qatar Airways lance officiellement le 777-8 Freighter, version cargo du programme 777X actuellement en cours de développement, mais il passe aussi une très grosse commande : 34 appareils fermes et des options pour 16 exemplaires supplémentaires.

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La 1ère place en un contrat

Boeing et Qatar Airways concluent ainsi un contrat qui pourrait, si toutes les options sont exercées, dépasser les 20 milliards de dollars selon les prix catalogue. A en croire Boeing, il s'agirait alors du plus important contrat en valeur de son histoire pour un avion cargo.  L'avionneur américain a discrètement glissé dans son communiqué que 20 des 34 exemplaires de 777-8 Freighter sont en réalité issus de la conversion d'une partie de ses précédentes commandes de 777X. Qatar Airways, qui avait commandé 60 exemplaires entre 2014 et 2015, possède donc désormais un carnet de commandes fermes de 74 appareils (40 avions passagers et 34 cargos).

Quoi qu'il en soit, Boeing fait trois fois mieux qu'Airbus et son A350F en un seul contrat. Lancé officiellement en juillet 2021, l'appareil cargo de l'avionneur européen n'a obtenu que 11 commandes fermes depuis : 7 avions pour le loueur Air Lease Corporation (ALC), le premier client à s'engager lors du salon de Dubaï en novembre, et 4 autres pour l'armateur CMA CGM qui s'est lancé l'an dernier dans l'aérien. L'avion possède tout de même des prospects bien avancés avec deux lettres d'intention en attente de confirmation : Singapore Airlines (SIA), qui veut devenir la première compagnie à opérer l'A350F, pour 7 appareils fermes et cinq de plus en options, et Air France-KLM pour 4 exemplaires fermes et 4 supplémentaires en options. Si ces lettres d'intention se concrétisent, cela donnerait donc une base de quatre clients pour 22 A350F fermes et 9 en options.

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Airbus a pris les devants industriels

Qatar Airways va devoir patienter avant de voir arriver son premier appareil. Tandis que l'A350F d'Airbus, basé sur un avion déjà opérationnel, est prévu dès la fin de 2025, les premières livraisons du 777-8F ne sont pas attendues avant 2027. Et pour cause, l'appareil est encore en phase de conception préliminaire. Boeing a encore du pain sur la planche à dessin alors qu'il peine déjà à concrétiser les versions passagers du 777X.

Lancé en grande pompe en 2013, le programme 777X - remotorisation du best-seller 777 - patine depuis. Le premier vol n'a eu lieu que début 2020 et l'entrée en service ne cesse d'être décalée : de fin 2020 initialement, elle n'est plus attendue aujourd'hui avant fin 2023, voire 2024. Des retards qui ont conduit Boeing à faire passer une charge exceptionnelle de 6,5 milliards de dollars en 2020 (5,8 milliards d'euros).

Ce calendrier, qui reste aujourd'hui très incertain, ne concerne que le 777-9, la version la plus capacitaire (plus de 400 passagers dans une configuration triclasses). Pour l'instant, Boeing se refuse à communiquer sur le calendrier du 777-8 (350 passagers), mais il est possible que sa certification prenne au moins deux ans de plus. Or, c'est ce modèle, plus petit mais disposant d'un plus grand rayon d'action, qui doit servir de base à la version cargo jusqu'ici identifiée comme 777XF. De fait, comme l'avait laissé entendre au salon de Dubaï le vice-président en charge des ventes commerciales et du marketing de Boeing, Ihssane Mounir, le 777-8F cargo pourrait être développé avant le 777-8 passagers.

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Emport contre autonomie

Commercialement, le 777-8F s'inscrit comme le remplaçant naturel du 747-8F avec des performances proches et une consommation de carburant inférieure de 25 %, alors que le 777F continue de se vendre (42 exemplaires au cours de l'année écoulée et dix de plus en janvier, dont deux à Qatar Airways). Du côté des performances, il se situe entre ses deux aînés. Avec un volume en soute de 766 m3, soit 17 % de plus que le 777F, le futur avion offre une charge utile maximale de 118 tonnes. Avec un chargement optimisé à 112 tonnes, il dispose d'une autonomie maximale de 4.410 miles nautiques (8.200 km).

En face, l'A350F est légèrement en retrait sur l'emport. Il revendique ainsi un volume cargo de l'ordre de 725 m3, pour une charge utile maximale de 109 tonnes. Sur le plan de l'autonomie, l'A350F devrait être capable de franchir 4.700 miles nautiques (8.700 km) à pleine charge. Avec une soute remplie avec 92 tonnes de fret, il disposera d'une autonomie de 6.000 miles nautiques (11.100 km).

La compétition déjà bien engagée entre le 777X et l'A350 sur le marché des passagers s'exporte donc dans une nouvelle arène, celle du cargo gros porteur. Selon les deux avionneurs, celui-ci représente un marché potentiel de 350 à 450 machines à livrer sur les vingt prochaines années. Boeing entend y consolider sa domination historique - Stan Deal, PDG de Boeing Commercial Airplanes, revendique même 90 % de la capacité mondiale de fret aérien- tandis qu'Airbus aimerait bien enfin s'y imposer

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2022 à 9:24
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Boeing est à la peine et Airbus ne sait même pas s'il pourra livrer en temps et en heure tous les appareils commandés. Le guignol de l'histoire, c'est le Benureau quatari.

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