En Roumanie, Airbus Helicopters oscille entre espoirs et déceptions

Par Michel Cabirol  |   |  1091  mots
La chaine d'assemblage de l'hélicoptère de transport H215 située à Brasov permet à Airbus Helicopters d'attaquer le marché utilitaire des ex-pays de l'est et d'Amérique latine avec un produit performant (prix et fiabilité) face à la concurrence russe.
Airbus Helicopters a inauguré une usine d'assemblage près de Brasov en 2016. Bucarest qui n'a pas encore acheté des hélicoptères au constructeur de Marignane, se fournit principalement aux Etats-Unis.

La visite d'Emmanuel Macron à Bucarest n'a pas clarifié jeudi la situation d'Airbus Helicopters en Roumanie. Le constructeur de Marignane continue d'osciller entre espoirs et déceptions en Roumanie. Il a inauguré en septembre 2016 une usine d'assemblage de l'hélicoptère de transport H215 située à Ghrimbav (près de Brasov), à 180 km au nord de Bucarest mais le gouvernement roumain met beaucoup de temps à concrétiser une commande pour alimenter ce site. Pire, le ministère roumain de la Défense a signé début août une lettre d'intention visant l'achat d'hélicoptères de combat AH-12 Viper fabriqués par Bell Helicopter. Ce qui a fâché Airbus.

Près d'un an après l'inauguration de cette usine à Ghrimbav, "nous n'avons toujours reçu aucune offre concrète de la part de la Roumanie", a regretté amer le directeur d'Airbus Helicopters Roumanie, Serge Durand..

En présence d'Emmanuel Macron, Airbus Helicopters a prolongé jeudi de 10 ans son partenariat stratégique exclusif avec le groupe roumain IAR sur le H215 (15 ans contre cinq ans initialement). Rien de bien concret sous le soleil de Bucarest pour le constructeur franco-allemand, qui entretient pourtant une relation historique avec les forces armées roumaines. L'hélicoptériste garde espoir de recevoir un appel d'offres "transparent" sur l'achat d'hélicoptères par ce pays, alors que Bucarest doit renouveler sa flotte civile et militaire.

"Nous attendons une annonce visant l'organisation d'un appel d'offres transparent, comme l'exige la législation européenne, qui nous donne l'occasion d'y participer avec le H215", a précisé à l'AFP Serge Durand. Et de rappeler qu'"Airbus Helicopters est un partenaire loyal de la Roumanie depuis 50 ans et nous nous attendons à être traités comme tels".

Une usine pour concurrencer les Russes

Quand Airbus Helicopters avait inauguré son usine en Roumanie, un pays à bas coûts, qui monte dans la chaine de valeur, les responsables du constructeur avaient souligné que les premiers appareils devaient en sortir en 2018, "à condition d'avoir rapidement une commande significative", et espéré que la Roumanie soit le premier client de l'usine. Cette usine était jusqu'ici un centre de MRO doté d'une main d'oeuvre qualifiée, de bonne qualité et compétitive. Le site doit fournir de l'emploi à plus de 300 personnes à terme et produira jusqu'à 15 H215, un hélicoptère à double rotor de la famille Super Puma/Cougar, par an à pleine capacité, en 2020. Le premier exemplaire doit sortir des lignes d'assemblage l'an prochain.

En 2015, Airbus Helicopters, qui avait signé en 2014 un protocole d'accord avec Bucarest, avait décidé d'installer en Roumanie une chaine d'assemblage du Puma C1e (devenu H215), la nouvelle version du Super Puma qui offre une configuration standardisée visant à réduire les délais de livraison et les coûts d'exploitation et de maintenance. Une version qui a déjà été vendue à l'Afrique du Sud, l'Albanie, la Bolivie... "Cette chaine va nous permettre d'attaquer le marché utilitaire avec un produit fiable et sûr‎ face à la concurrence russe", avait à l'époque assuré  le vice-président exécutif en charge des ventes et des services au niveau mondial, Dominique Maudet.

Assemblé à Brasov, cet appareil, propulsé par un moteur Makila 1A, doit permettre à Airbus Helicopters de mieux rivaliser face aux hélicoptères russes de Mil, le Mi-8 et le Mi-17, dont les flottes civiles et militaires sont très vieillissantes. Des flottes qui doivent être au fil des ans renouvelées comme en Europe de l'Est (600 appareils environ), Amérique latine (400) et dans d'autres pays asiatiques (une centaine). Le marché est évalué à 2,7 milliards d'euros par an par Airbus Helicopters, selon les syndicats. "Ce partenariat devrait entraîner une baisse du prix de vente de notre appareil", avait estimé FO.

La Roumanie regarde vers les États-Unis

La Roumanie, pays de l'OTAN qui s'est engagé à consacrer annuellement 2% de son Produit intérieur brut à la défense d'ici à 2026, a dressé une liste d'achats pour 9,8 milliards d'euros d'équipements militaires. Elle se fournit principalement au États-Unis pour ses équipements militaires. Bucarest, qui fait déjà voler des F-16 et des C-130, a également annoncé son intention d'acheter des systèmes de défense antimissiles américains Patriot, pour près de 4 milliards de dollars. Si ce projet se concrétise, il va assécher tous les crédits du ministère de la Défense roumain, estime-t-on à Paris. Le département d'État américain a approuvé la "vente possible" du Patriot pour un montant évalué à 3,9 milliards de dollars.

MBDA tente de faire hésiter la Roumanie, qui souhaite également acquérir un système intégré d'armes de courte et très courte portée pour 2,1 milliards d'euros. Dans ce cadre, le missilier européen a signé, en présence d'Emmanuel Macron et du président roumain Klaus Iohannis, un protocole d'accord avec le groupe public de défense Romarm et sa filiale Electromecanica Ploiesti. Le contrat "répondra aux besoins de l'armée en termes de missiles sol-air de très courte et courte portée", a assuré le PDG de MBDA, Antoine Bouvier. Le missilier propose à Bucarest le Mistral et le VL-MIca.

"Cet accord permettra aux trois parties de définir et de présenter aux Forces armées roumaines la meilleure proposition française, basée sur des systèmes de missiles tactiques de dernière génération, pour répondre aux besoins opérationnels des Forces roumaines en matière de défense antiaérienne, a expliqué MBDA dans un communiqué. Conformément aux exigences du conseil suprême pour la défense nationale roumain (CSAT), et en accord avec le dispositif européen de Coopération Structurée Permanente (CSP), ce protocole favorisera le développement de l'industrie de défense roumaine au travers d'une coopération industrielle, de production locale et de transfert de technologie".

Signe de l'intérêt de Paris pour obtenir des contrats militaires en Roumanie, la ministre française des Armées Florence Parly a appelé mardi son homologue Adrian Tutuianu pour parler des "programmes d'équipement de l'armée roumaine et des perspectives de la coopération industrielle sur la défense", selon un communiqué du ministère roumain. Outre des hélicoptères, la Roumanie souhaite acquérir des corvettes. C'est Adrian Tutuianu, qui a annoncé mardi dernier qu'il enverra cet automne au Parlement un projet de loi portant sur l'achat de corvettes ainsi que la modernisation des frégates, selon la presse roumaine. Le dossier est actuellement à un stade interministériel. Le ministre a assuré que l'industrie roumaine devrait produire "une bonne partie" des corvettes.