Fincantieri/Naval Group : les Italiens exigent le leadership en Amérique du Sud

Par Michel Cabirol  |   |  693  mots
Les tractations entre Naval Group et Fincantieri soulèvent des interrogations au sein du groupe français
Malaise chez les clients et les équipes de Naval Group : Fincantieri revendique le leadership commercial dans certains pays où Naval Group est bien implanté...

Dans les discussions de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group, les Italiens exigent d'être les leaders sur le plan commercial dans certains zones du monde, selon plusieurs sources concordantes. Le président de Fincantieri, Giuseppe Bono revendique la Grèce et l'Amérique latine notamment où Naval Group a pourtant noué beaucoup de relations et de coopérations, selon nos informations. Aucune décision ne semble pour le moment avoir été prise, assure-t-on à La Tribune, mais les Italiens auraient déjà anticipé le coup en prenant les devants dans certains pays.

Conséquence, l'attitude italienne a déjà provoqué le trouble au sein de certains Etats clients de Naval Group comme le Brésil, qui a exprimé des inquiétudes de voir la France se retirer alors que Paris a noué une coopération sur le très long terme dans le domaine des sous-marins. En interne, ces tractations entre les deux groupes mettent également les nerfs à vif des équipes de Naval Group, d'autant qu'elles attendent un signal fort de la direction du groupe pour défendre leur pré carré face à des Italiens qui n'hésiteraient plus à marcher sur les plates-bandes des Français.

Amérique du Sud, une terre de conquête pour Naval Group?

A son arrivée à la barre du groupe, Hervé Guillou avait fait de l'Amérique latine une terre de conquêtes. D'autant que Naval Group était déjà implanté au Chili et au Brésil, deux pays qui ont choisi le groupe tricolore pour renouveler leur flotte sous-marine. Naval Group a également de nombreuses affaires en cours, dont certaines sont très matures comme en Argentine, où le groupe doit prochainement signer un contrat pour la vente de quatre patrouilleurs (OPV 90) de la classe Gowind, dont un d'occasion L'Adroit, pour un montant de 300 millions d'euros environ.

Ainsi au Brésil, la France a noué une coopération stratégique pour au moins 30 ans avec la construction de quatre Scorpène et son assistance au programme de sous-marins nucléaires (PNM). Brasilia confirme d'ailleurs régulièrement toute l'importance de ce programme dans sa vision géopolitique. La phase de conception est terminée, mais la construction ne devrait commencer qu'en 2021, pour une mise à l'eau courant 2028, cinq ans au-delà des prévisions initiales. En outre, le Brésil souhaite se doter de quatre corvettes Tamandaré (2.800 tonnes), une version améliorée des Barroso mis en service en 2009. La compétition est ouverte à tous les chantiers pour un montant estimé à 1,8 milliard de dollars. Fincantieri garde un temps d'avance sur la meute des candidats en ayant été choisi il y a quelques années pour le design des bâtiments. Le chantier italien s'appuie notamment sur son chantier Vard Promar au Brésil pour remporter la compétition au détriment de celui d'Itaguaï (Naval Group).

En Colombie, le groupe français concourt dans le cadre d'un appel d'offres pour la fourniture de quatre frégates de 3.000 à 4.000 tonnes. Une décision devrait être prise après l'élection présidentielle colombienne prévue le 27 mai. Au Pérou, il propose dans le cadre de la modernisation de la flotte de la marine péruvienne des sous-marins Scorpène et des corvettes Gowind 2500. Lima entretient d'ailleurs de mauvaises relations avec Fincantieri. Enfin, l'Uruguay souhaite acquérir des OPV. Naval Group était donné gagnant en 2014 mais la conjoncture politique du pays avait fait tomber à l'eau le choix de Montevideo.

La Grèce resterait fidèle à la France

Fincantieri, qui voulait également le leadership en Grèce, se serait fait vertement rabrouer par Athènes, selon nos informations. Pas question de discuter avec Rome, ont expliqué les Grecs. La Grèce a d'ailleurs toujours un accord depuis 2008 avec la France (Karamanlis-Sarkozy), dans lequel elle s'engage à acheter six frégates françaises armées du missile de croisière MdCN. Allié au chantier grec Elefsis, Naval Group devrait fabriquer ces frégates, dont le modèle n'était pas spécifié dans l'accord. Si les corsaires italiens ont flairé les bonnes affaires à bon compte, le savoir-faire et la technologie français en matière de naval militaire restent encore très attractif à l'export.