Faux départ pour Ariane 6 ?

Par Michel Cabirol  |   |  734  mots
L'ESA a identifié "trois risques" pouvant avoir "un impact potentiel sur la date du vol inaugural" (Crédits : ArianeGroup)
L'Agence spatiale européenne a détecté un retard potentiel de plus d'un an pour le premier vol d'Ariane 6 prévu en juillet 2020 à l'occasion d'une analyse de risques sur le planning du futur lanceur européen. Selon ArianeGroup, le programme est "à l'heure".

Ariane 6 sur le fil... L'Agence spatiale européenne (ESA) estime possible un retard de plus d'un an pour le premier vol d'Ariane 6 prévu en juillet 2020 dans une analyse de risques sur le planning du futur lanceur européen. "Le cumul des risques les plus probables conduirait à plus de un an de retard pour le premier vol prévu en juillet 2020", a écrit l'ESA dans cette note, dont La Tribune s'est procurée une copie. Ce document est le fruit d'une analyse critique de l'équipe projet Ariane 6 de l'ESA  et le planning connu présenté par ArianeGroup, le maître d'oeuvre du développement d'Ariane 6. Cette note permet à l'Agence spatiale européenne d'évaluer un peu mieux le planning du futur lanceur européen en tenant compte des "risques probables les plus critiques". Ce qui ne préjuge pas d'un éventuel retard dans le programme.

Interrogé par La Tribune, ArianeGroup affirme que "ce document n'est simplement qu'une analyse des risques potentiels sur le développement d'Ariane 6 et s'inscrit dans le management ordinaire de tout grand programme. Ce qui serait inquiétant, c'est que les risques ne soient pas surveillés. Nous le faisons comme le fait notre client ESA. Le programme est à l'heure". Contacté par La Tribune, le directeur des lanceurs de l'ESA, Daniel Neuenschwander, a confirmé qu'il est "parfaitement naturel et nécessaire que l'ESA conduise des analyses de risques sur Ariane 6. Nous menons régulièrement ce type d'opérations sur tous les programmes afin d'identifier les risques potentiels. Cela fait partie de la bonne gestion des programmes".

Trois risques majeurs identifiés

Dans ce document, l'ESA a identifié "trois risques" pouvant avoir "un impact potentiel sur la date du vol inaugural". Précisément; l'équipement avionique, le logiciel de vol et le développement du réservoir ont été identifiés comme "les trois principaux systèmes" à risques. Pour l'avionique, ArianeGroup considère que le développement d'équipements complexes peut s'étaler sur une période de trois à cinq ans. L'ESA, quant à elle, estime de quatre à cinq ans la durée de développement.

Pour les logiciels de vol, la durée de développement prévue par ArianeGroup s'étire entre quatre et cinq ans environ alors qu'un développement nominal est estimé par l'ESA à cinq ans. Enfin, sur le développement du réservoir, l'agence a identifié trois points très critiques. Notamment la disponibilité des nouveaux bâtiments et installations de MT-Aerospace à Augsbourg et ArianeGroup aux Mureaux qui est "très challenging" pour le module inférieur de propulsion liquide (LLPM) et le module supérieur de propulsion liquide (ULPM).

Toujours en attente de commandes institutionnelles

Si Arianespace a déjà engrangé une commande de deux lanceurs Ariane 62 pour le compte de la Commission européenne (Galileo), cette dernière attend toujours le prix définitif du lanceur. Selon nos informations, le prix proposé serait supérieur à un lanceur Soyuz et atteindrait plus de 90 millions de dollars (contre un objectif de prix de 70 millions de dollars pour Ariane 62). En outre, la France et l'Allemagne ont convenu le lancement du satellite militaire franco-allemand CSO3 (Composante spatiale optique) sur Ariane 6. "Il existe des discussions très poussées pour d'autres commandes de la Commission, de l'ESA et d'agences nationales", avait expliqué à La Tribune Alain Charmeau.

"Ces commandes sont un enjeu prioritaire pour ArianeGroup. Avec sept lancements institutionnels à réaliser en 2021 et 2022, nous aurions des certitudes pour le démarrage de la production d'Ariane 6", avait-il précisé.

Sur quelles commandes peut compter Alain Charmeau? Il existe des discussions très poussées pour deux autres commandes de la Commission européenne ainsi qu'une commande de l'ESA pour la mission JUICE. Et puis il y aura probablement les satellites optiques fabriqués par OHB pour le compte des services de renseignement de l'Allemagne. Si ArianeGroup obtenait ces commandes, le groupe disposerait de sept, peut être huit satellites à lancer si Eumetsat confirme un contrat. Avec ces lancements institutionnels à réaliser en 2021 et 2022, Alain Charmeau aurait ainsi des certitudes pour le démarrage de la production d'Ariane 6. Et il pourrait enfin proposer un prix à ses clients au regard de la situation économique de l'entreprise. "Nous attendons les commandes institutionnelles parce que le prix est lié à la cadence de production, avait-il expliqué à La Tribune. Si je n'ai pas les commandes institutionnelles attendues, ce n'est pas tout à fait le même business case".