Agriculteurs : pourquoi le plan du gouvernement ne va pas changer la situation

Par Marina Torre  |   |  768  mots
Des blocages à la frontière allemande ont été levé le 27 juillet mais d'autres ont repris le lendemain en Moselle.
Les ministres de l'Agriculture, des Finance et de l'Economie ont détaillé le volet bancaire du plan d'urgence accordé aux agriculteurs ce 28 juillet. Dans l'immédiat, rien ne diffère en profondeur des programmes d'aide d'urgence précédents.

Étaler les remboursements de crédits. Le gouvernement l'a promis le 22 juillet aux agriculteurs, avec d'autres mesures d'urgence annoncées après plusieurs jours de manifestations en France. Une semaine plus tard, les ministres de l'Economie, des Finances et de l'Agriculture ont rencontré les représentants des banques, de la Banque publique d'investissement (BPI) ainsi que le médiateur du Crédit. Objectif: détailler les modalités du volet bancaire de ce plan visant à soutenir les agriculteurs qui se sont endettés afin de moderniser leurs exploitations mais ne parviennent plus à se rémunérer suffisamment en raison de la chute des cours.

"On ne veut pas refaire ce qui a été fait, c'est-a-dire des prêts bonifiés de trésorerie qui cinq ans après doivent être remboursés. On y est, ça s'ajoute aujourd'hui aux difficultés des éleveurs", a avancé Stéphane Le Foll ce mardi lors d'une conférence de presse.

Rééchelonnement

De fait, concrètement, il ne s'agit pas de nouveaux prêts mais d'une "restructuration", soit un simple rééchelonnement des échéances. Les plus endettés parmi les jeunes exploitants et jeunes investisseurs pourront en outre reporter une annuité à la fin des remboursements. Une mesure "qui doit être parfaitement ciblé[e] car cela va coûter cher aux banques", a souligné le ministre de l'Agriculture.

Il ne s'agit donc pas non plus d'un effacement de tout ou partie de la dette. "Nous sommes parfaitement dans la demande faite par les professionnels", a encore justifié Stéphane Le Foll à cet égard. Sur le plan technique, le plan d'accompagnement des prêts par la BPI qui concernait jusque là les entreprises agricoles de plus de 750.000 euros de chiffre d'affaires annuels et trois ans d'existence sera élargi à toutes les exploitations quelle que soit leur taille et leur âge.

Des cellules d'urgence locales créées dès le mois de février prendront en charge les opérations afin de les "personnaliser", tandis que la BPI a déjà annoncé un fonds de garantie maximum de 500 millions d'euros. Tandis que le médiateur du crédit participera au choix et au traitement des dossiers d'éleveurs, comme il l'a déjà fait par le passé. La médiation a même tenu à "rappeller qu'elle s'était déjà mobilisée sur le précédent plan".

Sur le fond, la méthode annoncée semble peu différer des précédentes. Déjà, dans un rapport de février 2012, la Cour des comptes fustigeait l'habitude des pouvoirs publics de réagir aux crises agricoles en employant des armes similaires. Celle-ci consistant à "alléger les charges des exploitants et soulager leur trésorerie." Dans le cas présent, le coup de pouce à la trésorerie prend donc la forme d'un étalement des échéances plutôt que de nouveaux prêts. Mais aussi, c'est un autre volet du plan, d'allègements de charge dans le cadre d'un fonds de 50 millions d'euros.

"Mesures durables"

Ce même rapport critiquait en outre la "récurrence, l'émiettement et la juxtaposition" des plans de soutiens d'urgence à l'agriculture entre 2006 et 2010, et dénombrait "102 aides d'urgence, en réponse à 38 crises, dont 23 d'origine économique, 12 d'origine climatique et 3 d'origine sanitaire" et concluait à la "nécessité d'actions structurelles de nature à rendre les filières moins sensibles aux aléas économiques ou autres."

Dans le cas présent, le nouveau plan dérogera-t-il à la règle? Pour l'heure, s'il est reconnu comme un plan d'urgence, il est aussi présenté comme potentiellement viable à plus long terme. "Notre volonté est d'apporter une réponse rapide, pragmatique et durable", a ainsi justifié le ministre de l'Economie Emmanuel Macron. L'usage de mécanismes déjà en place à la BPI devraient permettre, d'après le ministre, de mettre en place ce programme "dès cette semaine".

 Il a insisté:

"Ce sont des mesures durables. Ce n'est pas parce que l'on prend des mesures rapides qu'elles sont forcément ponctuelles. Elles sont durables parce que sans ces réaménagements, on ne peut pas demander à des professionnels donc des agriculteurs de prévoir l'avenir."

Affirmant que cela leur donnerait davantage de "visibilité" sur les prochains mois, le ministre a en outre mis en avant le programme d'investissement "offensif" de 70 millions d'euros visant à "moderniser l'appareil productif" comprenant un plan pour les "abattoirs du futur" dont des résultats devraient être publiés prochainement .

Certains éleveurs peu convaincus par les différentes annonces qui ont eu lieu dans la semaine, poursuivaient le mouvement ce mardi, notamment dans le Gers et en Moselle où des camions bloquaient la circulation.