Oliver Blume, le boss qui doit réinventer Volkswagen sans copier-coller Tesla

Le patron de Porsche a du pain sur la planche... Succéder à Herbert Diess, brutalement évincé de la tête du groupe Volkswagen, est un défi colossal au regard d'un marché où pèsent toutes sortes d'incertitudes extrêmement critiques...
Nabil Bourassi
Olivier Blume
Olivier Blume (Crédits : DR)

La tâche n'est pas facile pour Oliver Blume... Succéder à Herbert Diess à la tête du groupe Volkswagen, un géant de l'automobile qui fabrique 10 millions de voitures dans 130 usines n'est déjà pas une sinécure en temps normal. Mais dans le contexte actuel de crise et de transformation sectorielle, cette prise de fonction ressemble aux Douze travaux d'Hercule.

Le bilan d'Herbert Diess interroge

Car pour l'heure, on ne sait pas encore très bien pour quelles raisons Herbert Diess a été débarqué si brutalement. Le marché bruisse de rumeurs partagées entre d'un côté sa méthode autoritaire qui aurait déplu à la fois aux syndicats, aux actionnaires et aux cadres. D'un autre côté, ce sont ses arbitrages stratégiques qui auraient convaincu le conseil de surveillance de le mettre à la porte. Dès sa prise de fonction en 2018, Herbert Diess a effectivement décidé de renverser la table du modèle industriel de Volkswagen pour le calquer sur celui de Tesla: bascule dans le 100% électrique, intégration verticale de la chaîne de valeur en intégrant les réseaux de bornes de recharge, la production de batteries, ou la création ex-nihilo d'une branche logicielle comptant plus de 11.000 ingénieurs... Ce plan se chiffre à des dizaines de milliards d'euros d'investissement. En interne, la pilule n'est jamais passée : cette stratégie vise à enterrer définitivement la voiture thermique, point de force du groupe allemand. Et la bascule coûterait près de 30.000 emplois rien qu'en Allemagne. En outre, les investisseurs s'interrogent de plus en plus sur la pérennité de la voiture électrique en tant que modèle économique. Outre le fait que cette technologie est encore largement subventionnée, elle doit désormais résoudre la question de l'explosion du prix de l'énergie.

« Herbert Diess paye son choix du tout batteries (...) il a eu tort de mettre tous ses oeufs dans le même panier », critique un industriel qui ne croit pas à l'ère du tout voiture électrique à batteries.

Pas de retour en arrière sur la voiture électrique

Oliver Blume n'a évidemment pas été choisi pour en finir avec les voitures électriques. Au contraire, Porsche, marque qu'il dirige depuis 2015, lui doit sa première voiture 100% électrique : le Taycan, lancé en 2019 et dont les ventes dépassent désormais celles de la célèbre 911. Il a d'ailleurs promis que Porsche vendrait 80% de voitures électriques en 2030.

Mais si la stratégie 100% électrique est importante, elle répond surtout à une problématique extrêmement européenne. C'est le seul marché à avoir programmé la sortie des moteurs thermiques (en 2035) et qui va continuer à resserrer les normes environnementales avec Euro7 (en 2027). Mais partout ailleurs, le moteur thermique restera probablement la norme, du moins pour des marques généralistes comme Seat, Skoda et même Volkswagen.

Oliver Blume devra donc réajuster les choix stratégiques « radicaux » d'Herbert Diess. Il devra également trouver une autre communication en interne. Le puissant syndicat IG Metall a l'oreille du Land de Basse-Saxe, un actionnaire de poids avec ses 20% du capital de Volkswagen, lequel voit d'un mauvais œil le programme de reconversion du groupe qui pourrait mettre à la rue des dizaines de milliers d'opérateurs non-qualifiés.

Un modèle industriel essoufflé

Mais le nouveau patron du groupe doit également résoudre des questions industrielles beaucoup plus immédiates comme les problématiques de chaînes logistiques. Volkswagen a rencontré d'importants points de défaillance ces dernières années à cause d'un modèle industriel où la chaîne d'approvisionnement est tirée à la corde... La crise des semi-conducteurs ou la guerre en Ukraine qui a privé la principale usine du groupe, celle de Wolfsburg, de câbles pendant plusieurs semaines, ont coûté très cher.

Le grand défi d'Oliver Blume est de trouver la bonne formule qui permettra au mammouth Volkswagen de gagner en souplesse organisationnelle. Un vœu pieux prononcé depuis le Dieselgate par Matthias Müller, qui a remplacé au pied levé Martin Winterkorn lors du scandale, mais qu'Herbert Diess a immédiatement remis au grenier dès son arrivée en 2018. L'ancien de BMW voulait piloter la transformation du groupe par le haut. Oliver Blume interrogera probablement les investissements engagés par son prédécesseur pour éventuellement envisager des partenariats plutôt que de l'intégration pure et simple. Les réseaux de recharge par exemple, ou Cariad, la nouvelle entité logicielle qui doit permettre à Volkswagen de reprendre en main cette dimension essentielle de l'automobile connectée de demain. Cette souplesse sera également nécessaire dans un monde où toutes les hypothèses de marché sont désormais possibles. Sans parler de l'hydre inflationniste qui ne va pas seulement impacter le coût des achats de matières premières et de l'énergie, mais également les salaires, le tout dans un contexte de hausse tendancielle des taux d'intérêt. In fine, Oliver Blume devra réinventer un modèle économique et industriel, qui ne soit pas un copié-collé du modèle Tesla lequel s'est avéré beaucoup trop complexe à mettre en œuvre pour une entreprise de la taille de Volkswagen. Herculéen vous dit-on...

Nabil Bourassi

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