Vaccination : face au retard mondial, gouvernements désemparés et scientifiques divisés

Quelle tactique adopter pour accélérer la vaccination de la population alors que l'épidémie menace d'échapper à tout contrôle ? La question taraude les gouvernements du monde entier, désemparés face à leurs retards. Les autorités britanniques ont choisi sciemment de retarder l'administration de la seconde dose des vaccins, bien au-delà des recommandations. À l'opposé, les États-Unis jouent la prudence. Le débat étale au grand jour les divisions entre éminents scientifiques. Avec le risque d'alimenter la défiance du public envers les vaccins...
(Crédits : YUKI IWAMURA)

La seconde dose des vaccins contre le Covid-19 peut-elle être prise plus tard qu'initialement recommandé? Pourrait-on administrer des demi-doses? Et utiliser un vaccin différent entre la première et la seconde dose est-il aussi efficace?

Les gouvernements du monde entier sont aujourd'hui confrontés à ces questions face à une épidémie qui fait rage, et l'apparition de variants a priori plus contagieux.

Le Royaume-Uni choisit de retarder l'administration de la seconde dose

Les autorités britanniques ont donné le ton, annonçant qu'elles allaient retarder l'administration de la seconde dose des vaccins, jusqu'à trois mois après la première, soit bien au-delà des trois à quatre semaines recommandées.

Le but: faire en sorte que davantage de gens reçoivent une injection plus rapidement, même si le niveau de protection est inférieur à celui acquis une fois reçues les deux doses.

L'OMS soutient la tactique britannique, les États-Unis pas d'accord

L'Organisation mondiale de la santé a soutenu la position britannique mardi, en estimant que la deuxième injection pouvait être retardée de quelques semaines "dans des circonstances exceptionnelles de contextes épidémiologiques et de contraintes d'approvisionnement".

Et si le vaccin utilisé pour une première injection n'est plus disponible, les autorités britanniques ont également autorisé l'administration d'un vaccin différent pour la deuxième.

Les États-Unis, au contraire, ont adopté une ligne bien plus prudente. Lundi soir, le chef de l'Agence des médicaments (FDA), Stephen Hahn, a estimé qu'il s'agissait de "questions raisonnables à considérer et évaluer", mais que ces changements étaient "prématurés" et n'étaient "pas ancrés solidement dans des preuves disponibles".

Les divisions entre éminents scientifiques étalées au grand jour

Le débat a mis en lumière les divisions parmi les experts, avec d'éminents scientifiques soutenant des positions opposées.

Idéalement, les politiques publiques devraient suivre ce qui a été testé lors des essais cliniques. Mais avec une épidémie menaçant d'échapper à tout contrôle, pour certains, la situation est loin d'être idéale.

"Nous n'avons pas choisi trois semaines pour (le vaccin de) Pfizer et quatre pour Moderna parce que nous savons que c'est parfait", argumente Howard Forman, un expert en santé publique à l'université de Yale. "Il s'agissait de la meilleure hypothèse pour un délai optimal avant la seconde dose, afin d'augmenter l'immunité", a-t-il expliqué à l'AFP. "De légers changements aux recommandations peuvent faire toute la différence pour donner une bien plus grande portée aux vaccins que nous avons."

Selon lui, retarder la seconde dose - considérée comme cruciale pour une protection à long terme - ne devrait être fait que pour des gens de moins de 65 ans et sans risques spécifiques.

Hormis Israël, tous les pays sont très en retard

Les États-Unis avaient fixé à 20 millions le nombre de personnes vaccinées à la fin décembre, mais au 4 janvier, seules 4,8 millions de personnes avaient reçu une première injection. Le pays, comme le Royaume-Uni, a couvert environ 1,4% de sa population. L'Europe est loin derrière, tandis qu'Israël en est à 13,5%.

Les doutes des scientifiques sur la bonne stratégie vaccinale

Les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna sont efficaces à environ 95% après la seconde dose. Le vaccin de Moderna, en particulier, a montré un haut niveau de protection après la première dose - autour de 90% -, une donnée qui doit cependant être traitée avec prudence car fondée sur un échantillon restreint.

Selon Saad Omer, directeur de l'Institut de santé de Yale, un changement de stratégie ne se justifie que pour les pays où l'approvisionnement est restreint. Aux États-Unis, où 17 millions de doses ont déjà été distribuées aux États, administrer ces doses déjà disponibles est la priorité, a-t-il dit à l'AFP.

Concernant l'injection d'un vaccin différent d'une dose à l'autre, pour l'immunologue Akiko Iwasaki, cela pourrait fonctionner en théorie, mais les experts s'accordent pour dire que cela nécessite des recherches supplémentaires et ne devrait être fait qu'en dernier recours actuellement.

Le seuil optimal d'anticorps toujours pas déterminé

Une manière d'avancer pourrait être de combiner les résultats de plusieurs études déjà réalisées afin de déterminer quel seuil d'anticorps résulte en une protection contre le Covid-19, selon Saad Omer et Natalie Dean, biostatisticienne à l'Université de Floride. Et d'ensuite mener des essais plus petits pour déterminer quelle dose de vaccin amène à ce niveau.

Une étude de ce type est en cours pour déterminer si l'injection de demi-doses du vaccin de Moderna confère la même protection que des doses complètes, selon les propos rapportés par le New York Times de John Mascola, des Instituts nationaux de santé américains (NIH).

Mais une inquiétude taraude la scientifique Natalie Dean: que ces changements contribuent à alimenter la défiance du public envers les vaccins. Selon elle, toute modification devrait ainsi suivre le même processus d'autorisation que celui utilisé pour autoriser en urgence les vaccins.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 13
à écrit le 06/01/2021 à 16:21
Signaler
Scientifiques divisés ou corrompus par les labos?

le 07/01/2021 à 11:19
Signaler
Le plus inquiétant c'est que les réponses a ces questions devraient être connues si la phase 3 avait eu lieu... Donc une fois de plus on sait rien et on espère un miracle...

à écrit le 06/01/2021 à 14:24
Signaler
notre choix de vacciner tous personnes habitantes des ehpad n'est pas un bon choix, c'est tout le personnel soignant et les quelques visiteurs, on gagnera du temps. évidement personne non vacciné ne rentre. Ensuite évidement toutes les autres perso...

le 06/01/2021 à 19:57
Signaler
Y a pas eu d'études de faites malgré les un ans de dépasse. Plus qu'une étude sur le groupe sanguin qui me semble plutôt pas possible, une étude sur qui l'a eu, l'a et surtout pourquoi certain l'on pas aurait sûrement permis de trouver un facteur (tr...

à écrit le 06/01/2021 à 10:54
Signaler
La Science n'est pas binaire, surtout en biologie, quel bénéfice/efficacité si on fait 10 doses avec un flacon prévu pour 5 ? En Allemagne, ils ont essayé (par erreur) l'inverse, 5 doses d'un coup. On doit bien pouvoir en faire 6 avec un flacon, si l...

à écrit le 06/01/2021 à 10:16
Signaler
Les "experts", c'est comme les "technocrates" (souvent les mêmes). Comme le disait à juste raison Coluche, en plus d'être une "nouvelle race de fainéants", "Tu leur donnerai le Sahara, dans 10 ans il faudrait rapporter du sable"! Le souci, c'est ...

le 06/01/2021 à 11:00
Signaler
100% d'accord.

à écrit le 06/01/2021 à 9:49
Signaler
EN UNE PHRASE: les effectifs totalement pléthoriques de fonctionnaires à la santé dans des organismes aux noms ronflants (Agences régionales de santé, "Haute autorité" "Comité" "conseil" Etc, etc), coûtent des centaines de millions au contribuable. C...

le 06/01/2021 à 12:53
Signaler
Totalement d'accord, je me demande pourquoi on paie autant d'incompétents : leurs études, leurs salaires, les dégâts qu'ils laissent derrière.

à écrit le 06/01/2021 à 9:12
Signaler
Le gouvernement a eu recours à la société McKinsey pour le conseiller sur sa stratégie vaccinale.Un Conseil d'orientation, pas moins de cinq comités consultatifs...et une société de conseil américaine. Pour l'aider à déployer sa stratégie, l'exécutif...

le 06/01/2021 à 9:50
Signaler
"McKinsey" ? LOL ! Même Goldman Sachs est plus claire ! ^^

à écrit le 06/01/2021 à 9:11
Signaler
Dans le premier paragraphe en gras: "ont choisi" (sans t) !!

à écrit le 06/01/2021 à 9:11
Signaler
Ben bon courage les futurs cobayes ! Pensez bien surtout que c'est pour vous protéger hein !? ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.