Face à Omicron et aux nouveaux variants, quels nouveaux défis pour la vaccination ?

Un deuxième Sommet international virtuel pour mettre un terme à la pandémie de SARS-CoV-2 se tient ce jeudi 12 mai. Comment la vaccination devra-t-elle évoluer pour se montrer plus efficace face à ce virus qui s'installe dans la durée ? Avons-nous bien compris la mécanique des pandémies ? Face aux risques de nouvelles mutation du virus, les stratégies divergent.
(Crédits : Andreas Gebert)

Au moins quinze millions de morts. Une semaine avant la réunion du deuxième Sommet international sur  la pandémie du SARS-CoV-2, l'OMS publie un bilan plus lourd que les précédents. Les 6 millions de morts jusqu'ici évoqués seraient largement sous-estimés. Dans son nouveau bilan, l'agence de l'ONU a intégré notamment les conséquences de la pandémie sur la désorganisation des systèmes de santé. Une hécatombe aux allures de rappel. La Covid-19 « est toujours capable de provoquer de grandes épidémies comme nous l'avons vu, et même au sein des populations qui ont été précédemment exposées », a récemment averti Michael Ryan, responsable des urgences de l'OMS. Un des principaux objectifs de cette conférence co-présidée notamment par les États-Unis, l'Allemagne et le Sénégal est d'accélérer la vaccination dans les pays en développement.

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En Afrique, seuls 16 % des habitants sont complètement vaccinés, contre plus de 80 % en France. Mais paradoxe : après des mois de disette, certains pays croulent aujourd'hui sous les vaccins. Ils ne peuvent pas les administrer faute de moyens logistiques et des populations peu mobilisées. Pire, après le Nigeria, le Soudan du Sud ou Les Comores, le Kenya a détruit 840 000 doses du vaccin d'AtraZeneca, reçues fin mars via le dispositif Covax...

L'exemple de l'usine d'Aspen en Afrique du Sud illustre cette déroute. En mars dernier, Aspen avait conclu un accord avec Janssen pour produire « par l'Afrique et pour l'Afrique » le vaccin de Johnson & Johnson (avec un objectif de 35 millions de doses par mois). La chaîne de production pourrait désormais être arrêtée faute de commandes, alors même que deux nouveaux sous-variants (BA.4 et BA.5) provoquent un pic de contaminations dans le pays, déjà berceau d'Omicron et de Bêta. Pourtant, avec au minimum 65 % de la population du continent déjà contaminée, une seule dose suffirait à relancer l'immunité.

L'épidémiologiste Renaud Piarroux est chef du service de parasitologie-mycologie à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière : « Je ne sais pas exactement quel est l'objectif de ce Sommet. Mais pour la vaccination des populations des pays pauvres, il arrive un peu tard. Chercher à obtenir une immunité vaccinale n'est plus vraiment d'actualité. Les pays du Sud n'ont pas été en mesure de réduire la transmission du virus et les personnes vulnérables qui ne pouvaient y résister sont déjà décédées de la Covid-19. Les autres personnes non vaccinées de ces pays se sont immunisées lors des vagues de contamination successives. Mais en France, il peut être utile de continuer à protéger les plus fragiles dont l'immunité diminuerait avec le temps ».

Une dose supplémentaire pour qui ?

En France, le deuxième rappel est réservé aux 60 ans et plus ainsi qu'aux immunodéprimés. Selon une étude du ministère de la Santé (Drees), un rappel au moins six mois après la deuxième dose de la primo vaccination améliore la protection à 95 % environ pour cette classe d'âge (contre 80 % sans rappel). Samira Fafi-Kremer est chef de service du laboratoire de Virologie du CHU de Strasbourg : « La diminution du taux d'anticorps dans le temps après vaccination est très différente selon les individus, et varie notamment en fonction de l'âge. De plus, certaines personnes répondent plus ou moins bien au vaccin, probablement en raison de leur patrimoine génétique ou du moins en partie. Ces variations semblent plus marquées après la première et la deuxième dose, après la troisième nous constatons une forme d'homogénéisation grâce à une forte stimulation des anticorps qui permet d'atteindre un taux élevé chez la majorité des personnes vaccinées».

Pour certains vaccins, la diminution de la protection dans le temps est classique. Pour celui contre la grippe, par exemple, l'immunité dure seulement trois mois et un rappel reste nécessaire tous les ans à cause des mutations. Mais la plupart des vaccins immunisent les patients pendant plusieurs années comme celui contre la variole qui ne nécessite aucun rappel contre une maladie déclarée éradiquée et ne circule plus dans le monde. Pour le coronavirus SARS-CoV-2, épidémiologistes et immunologistes n'excluent pas la nécessité d'un rappel à l'automne prochain, au moins pour les plus fragiles. Mais tout dépendra des prochains variants.

« Nous avons beaucoup d'études sur l'immunité du vaccin Pfizer/BioNTech, mais nous ne savons pas encore quelle sera la durée de celle induite par les autres plateformes vaccinales, et notamment avec celle fondée sur des protéines purifiées et adjuvantées comme pour les vaccins de Novavax, de Sanofi-Pasteur/GSK ou du laboratoire espagnol Hipra, qui devraient être disponibles pour des rappels à l'automne, explique Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique vaccin Covid-19. Nous avons besoin de recul pour analyser s'il est possible d'allonger la durée de l'immunité vaccinale par des rappels hétérologues, c'est-à-dire en utilisant pour les rappels un vaccin fondé sur une plateforme différente de celle utilisée pour la primo-immunisation. Pourra-t-on jouer avec les paramètres de la stratégie vaccinale pour augmenter cette durée de protection ou aura-t-on besoin pour cela de nouvelles formulations ? Il sera également important de déterminer si certains vaccins qui n'ont pas encore été testés chez l'homme, comme le vaccin en spray nasal développé à Tours, permettent de diminuer la transmission du virus SARS-CoV-2 ».

Nouveaux vaccins et nouveaux traitements ?

Parmi les vaccins attendus, deux candidats tricolores proposent en effet des alternatives à l'ARN-messager. Le Vidprevtyn de Sanofi est bouclé et le labo a déposé le dossier à l'Agence européenne du médicament (EMA) en mars pour l'autorisation de mise sur le marché. La même procédure est en cours aux États-Unis avec la FDA. Sanofi attend les deux feux verts pour lancer la commercialisation. La production a commencé et le vaccin sera positionné comme booster en dose de rappel. Ses avantages : il se conserve bien au frigo et selon le laboratoire, il protégerait à 100 % contre les formes graves de Covid-19 et à 57,9 % contre les formes symptomatiques. Déjà, plusieurs contrats ont été signés par le big pharma : 100 millions de doses pour les États-Unis et 75 millions pour l'Union européenne et le Royaume-Uni.

L'autre labo franco-autrichien, Valneva, attend lui aussi le feu vert de l'EMA. Fin avril, l'agence européenne a demandé de nouvelles données et des justifications supplémentaires à Valneva pour décider de l'approbation de son vaccin inactivé, déjà autorisé en Grande-Bretagne. La biotech a signé un accord avec la Commission européenne pour lui fournir un maximum de 60 millions de doses.

De leur côté, les champions de l'ARN-messager concentrent leurs efforts sur les variants. « Au deuxième trimestre, nous espérons avoir quatre programmes engagés dans des essais de phase 3, dont le rappel anti-Covid contre le variant Omicron », indique Stéphane Bancel, PDG de Moderna. Pour le premier trimestre, le labo a annoncé 6,1 milliards de dollars de chiffre d'affaires, contre 1,9 milliard au premier trimestre 2021, essentiellement tirés de son vaccin Spikevax.

Pfizer pourrait, quant à lui, présenter un vaccin efficace contre plusieurs variants d'ici l'automne. Sur 25,7 milliards de chiffre d'affaires au premier trimestre 2022, en hausse de 77 % sur un an, plus de la moitié provient du Cominarty, son vaccin développé avec BioNTech. « Nous sommes en bonne voie pour honorer notre engagement de livrer au moins 2 milliards de doses à des pays à revenus faibles et moyens en 2021 et 2022, dont au moins 1 milliard cette année », promet Albert Bourla, son PDG. Le laboratoire compte également tirer 22 milliards de dollars des ventes de son antiviral, Paxlovid.

Pour l'OMS, la pilule anti-Covid s'impose comme le « meilleur choix thérapeutique » pour les patients à haut risque, devant les autres traitements. Craignant que les pays pauvres ne soient de nouveau laissés pour compte, elle enjoint Pfizer à « faire preuve de plus de transparence au niveau de ses prix et de ses transactions » ainsi que « d'élargir la portée géographique » de sa licence pour permettre une production de génériques plus importante.

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Commentaires 3
à écrit le 12/05/2022 à 10:29
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Seule la Chine communiste sait bien gérer cette pandémie via la politique stricte du zéro COVID et à son excellent vaccin. Je vous parie qu'en juillet on au aura la nième vague mortelle en France, en Europe et aux USA avec obligation de confiner com...

le 12/05/2022 à 14:02
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la france n a telle pas gérée la crise sanitaire comme arme politique,,,,,?

à écrit le 12/05/2022 à 9:31
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Comme pour la grippe, nous vivrons avec et donc adapter le corps humain, non par des processus génétiques, mais naturellement!

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