Electricité : les prix vont augmenter de 10% en août, après une hausse de 15% en février

Par Marine Godelier  |   |  1355  mots
Le bouclier tarifaire a été mis en place début 2022 afin de préserver les ménages d'une explosion des cours, liés entre autres à la guerre en Ukraine. (Crédits : Reuters)
Après une hausse de 15% en février, le gouvernement a annoncé mardi une nouvelle revalorisation des tarifs réglementés de l’électricité. Ceux-ci augmenteront de 10% au 1er août, en raison d'un amoindrissement progressif du bouclier tarifaire mis en place depuis deux hivers. Pour un consommateur moyen se chauffant à l'électrique (7 mégawattheures par an), la facture annuelle passera ainsi de 1.640 euros environ à près de 1.800 euros, selon l'exécutif. Sans aides, les prix s'envoleraient à +74%, a-t-il néanmoins précisé, mettant en avant des tarifs toujours parmi les plus bas d’Europe.

[Article mis à jour le 18/07/2023 à 17:48]

Le bouclier tarifaire sur l'électricité n'est pas mort, mais celui-ci sera bientôt moins protecteur : à partir du 1er août 2023, les tarifs réglementés de vente (TRVe), proposés par EDF dans le cadre d'une offre réglementée par les pouvoirs publics, augmenteront de 10%, a annoncé le gouvernement ce mardi. Après avoir déjà été revalorisés de 15% en février dernier, à partir d'une première hausse gelée à 4% en février 2022, ceux-ci poursuivent donc leur croissance progressive, alors que l'exécutif cherche à limiter les dépenses publiques.

« Le gouvernement semble revenir un peu vers l'orthodoxie budgétaire avec cette hausse estivale surprise ! », commente Xavier Pinon, courtier en énergie et co-fondateur de Selectra.

Mis en place début 2022 afin de préserver les ménages d'une explosion des cours, liée entre autres à la guerre en Ukraine, le bouclier tarifaire « continuera » néanmoins de « protéger » ces derniers, a assuré le gouvernement...mais de manière moins efficace.

Concrètement, ce dispositif prendra en charge 37% de la facture des Français, contre 43% aujourd'hui. Ce qui signifie qu'un consommateur moyen se chauffant à l'électrique (7 mégawattheures par an) verra sa facture annuelle passer de 1.640 euros environ à près de 1.800 euros, soit une hausse de l'ordre de 160 euros, selon l'exécutif. Selon les calculs du service de conseil en énergie Hello Watt, pour une maison « tout-électrique » consommant 14 MWh par an, la facture augmenterait même de 278 euros (2.966 euros à 3.244 euros).

Pour rappel, le bouclier concerne les clients résidentiels (21,6 millions sur 34 millions de ménages) et les toutes petites entreprises (TPE) dotés d'un compteur de 36 kilovoltampères ou moins (1,5 million).

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Une augmentation de 74% sans bouclier

Cette annonce fait suite à une proposition de revalorisation du TRVe par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), chargée de calculer l'évolution de ce tarif deux fois par an, en février et en août. L'autorité indépendante a ainsi suggéré une augmentation de 74% de ce TRV à partir du 1er août, au vu des prix de marché toujours élevés et d'une actualisation des tarifs réseaux et des coûts commerciaux. Une offre refusée par l'exécutif, qui a donc préféré la limiter à 10%, après avoir consulté lundi le Conseil supérieur de l'énergie.

Sans surprise, les oppositions ont fustigé l'annonce. « C'est scandaleux, c'est honteux [...] Ce sont les ménages, les classes populaires et les classes moyennes qui vont payer », a pointé le patron du Parti communiste Fabien Roussel, devant la presse. La cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, a dénoncé sur Twitter « un gouvernement aussi inutile contre l'inflation que contre le changement climatique ».

« Ne jamais prendre au sérieux les engagements de ce gouvernement », a déploré sur le même réseau social le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

C'est « tout à fait anormal que le gouvernement annonce une hausse aujourd'hui alors que rien dans nos coûts de production ne le justifie », a quant à lui tancé en conférence de presse le patron des députés LR, Olivier Marleix.

Des appels à cibler les aides

De son côté, le président du groupe indépendant Liot, Bertrand Pancher, a appelé en conférence de presse à « cibler le bouclier tarifaire » et « accentuer les aides pour les familles qui en ont le plus besoin, et peut-être les diminuer pour ceux qui en ont le moins besoin », alors que la même ristourne s'applique aujourd'hui à tous les Français quelle que soit leur situation.

« Dans le mécanisme actuel, le bouclier est un système d'aide pour tous les particuliers de la même manière », a également pointé la cheffe du groupe écologiste à l'Assemblée Cyrielle Chatelain, estimant qu'il s'agissait d'« argent public mal utilisé ».

Il y a quelques jours, trois économistes du Conseil d'analyse économique (CAE)  affirmaient d'ailleurs qu'il était temps de modifier le ciblage du bouclier, en excluant du dispositif les 20% de ménages les plus aisés. Une mesure qui permettrait « de faire des économies budgétaires de 5 à 6 milliards d'euros », selon les chercheurs. L'an dernier, Bercy, avait bien étudié la possibilité de moduler le mécanisme en fonction des revenus par foyer, afin d'en faire davantage profiter les plus modestes. Mais l'option avait finalement été abandonnée, pour des questions pratiques notamment.

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Mardi, le gouvernement a défendu ses choix : même après le mois d'août, les Français « bénéficieront toujours des tarifs parmi les plus bas d'Europe », a-t-il tenu à rassurer. Jusqu'ici, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique, les factures d'électricité payées par les consommateurs se sont en effet avérées plus élevées.

Disparition du dispositif fin 2024

Mais jusqu'à quand ? Rationalisation des dépenses publiques oblige, le bouclier tarifaire ne devrait pas seulement devenir moins protecteur : sa disparition a été confirmée d'ici à « fin 2024 » par le ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal, il y a quelques jours sur RTL« Dès lors qu'on doit faire des économies, il faut notamment sortir des dispositifs spécifiques qu'on a mis en place pendant la crise de l'inflation », avait-il justifié. Ce qui entraînera « une augmentation progressive des tarifs de l'électricité », afin « de revenir aux tarifs de marché », confiait récemment un ministre.

Or, même après 2024, l'évolution des cours reste très incertaine, alors qu'EDF doit toujours faire face à la découverte d'un défaut de corrosion dans plusieurs de ses réacteurs atomiques, l'obligeant à contrôler l'ensemble de son parc.

« Dans les salles de marché, tout le monde est suspendu au moindre signe de problème dans les réacteurs. Il suffirait d'une fissure pour que le prix de l'électricité prenne 30% sur les marchés "Futures" [où les acteurs s'échangent dès aujourd'hui des MWh à livrer plus tard, ndlr] [...] Peut-être que le gouvernement espère que les prix baisseront d'ici à début 2025, ce qui permettrait d'arrêter le bouclier tarifaire, mais évidemment personne n'en sait rien », affirmait lundi Xavier Pinon.

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D'autant que le rattrapage de ce bouclier pourrait finir par gonfler les factures, même en cas d'accalmie prolongée, comme nous l'expliquions lundi. Dès le début, l'exécutif a en effet prévenu que ces dispositifs ne s'apparentaient pas à une subvention. Or, selon le ministère de l'Economie, le bouclier tarifaire a déjà coûté 24 milliards d'euros en 2022 et devrait peser 16 milliards d'euros en 2023. Et si l'on en croit le rapporteur général du Budget au Sénat, son coût cumulé pourrait même atteindre 170 milliards d'euros à l'horizon 2027 !

Un rattrapage à venir ?

Pour l'électricité, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a ainsi déjà estimé en février le montant du rattrapage afin d'entamer le remboursement du bouclier tarifaire, intégré dans son calcul du TRVe. C'est d'ailleurs en partie la raison des revalorisations significatives qu'elle propose, non suivies par l'exécutif pour l'instant.

« Selon la CRE, le TRVe aurait dû être de 397 euros/MWh soit 39,7 centimes d'euro par kWh, avec 16 euros/MWh dédiés au seul rattrapage. Mais au final, le prix global a été bloqué un peu au-dessus de 20 centimes », détaille Jacques Percebois, économiste et spécialiste de l'énergie.

Reste à savoir combien de temps durera ce mécanisme - qui s'apparente donc, pour l'heure, davantage à des subventions qu'à un lissage -, et si une nouvelle revalorisation sera décidée en février 2024. Mais aussi, bien sûr, si un rattrapage aura finalement lieu alors que, selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, « chaque euro compte » pour équilibrer le budget de l'Etat.

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