Sept mois après avoir été désigné PDG d'EDF, Luc Rémont lance son premier grand chantier. Le dirigeant a présenté, jeudi 28 juin, devant le top 300 des cadres du groupe, un projet de réorganisation des activités nucléaires afin de résoudre leurs problèmes d'efficacité, a révélé l'agence Reuters.
Selon plusieurs sources, la direction nucléaire va être redécoupée pour être articulée autour de cinq grands piliers : la production du parc nucléaire actuel, avec pour objectif de retrouver sa disponibilité historique et d'assurer les travaux pour le prolongement des réacteurs existants jusqu'à 60 ans, la construction des nouveaux EPR 2, pour permettre à l'entreprise de construire un à deux nouveaux réacteurs par an, l'ingénierie, afin d'avoir une approche plus transversale, la chaîne d'approvisionnement et l'outil industriel. Selon l'ancien numéro 2 de Schneider Electric, cette réorganisation d'ampleur doit permettre d'« industrialiser la performance », de « définir clairement les responsabilités » pour atteindre la « bonne cadence industrielle ».
Cinq « préfigurateurs »
Cinq « préfigurateurs » auront pour mission de faire rapidement des propositions pour une mise en pratique attendue dès janvier 2024. Parmi eux, l'actuel responsable du parc nucléaire, Cédric Lewandowski ; celui des nouveaux projets nucléaires, Xavier Ursat ; et Alain Tranzer, délégué à la qualité industrielle et aux compétences nucléaires.
L'enjeu est de taille pour EDF. L'année dernière, l'entreprise renationalisée, ou « 100% détenue par l'Etat », selon l'expression retenue par Luc Rémont, a traversé une année noire avec une production nucléaire à son plus bas historique et une perte record frôlant les 18 milliards d'euros. De quoi propulser sa dette à près de 65 milliards d'euros.
Le groupe public doit ainsi absolument améliorer la disponibilité du parc existant tout en menant à bien le projet colossal de construire au moins six EPR 2, qui devraient coûter au minimum 51,7 milliards d'euros, mais vraisemblablement plus. Or, la question du mode de financement du nouveau nucléaire reste toujours flanquée d'un grand point d'interrogation et suspendue aux négociations menées par l'Etat à Bruxelles.
En lançant ce premier chantier, Luc Rémont montre donc qu'il souhaite avancer malgré un calendrier européen qu'il ne maîtrise pas et des divergences persistantes avec l'exécutif, notamment sur la question du prix du nucléaire pour les industriels électro-intensifs. « Cette réorganisation, c'est un nouveau PDG qui veut montrer sa patte, alors que le dernier grand plan remonte à 2015, quelques mois après l'arrivée de Jean-Bernard Lévy », observe Gwénaël Plagne, secrétaire CGT du comité social et économique (CSE) central d'EDF.
Crainte sur le retour d'Hercule
« Nous partageons les grands principes de ce plan. EDF a besoin d'être réformé pour être plus efficace du point de vue industriel. En revanche, le calendrier n'est pas adapté. Cela tombe en pleine période électorale de la représentativité du personnel », regrette-t-il. Le travail du CSE sera contraint par le temps et devra s'effectuer essentiellement sur la période estivale. « Ce qui n'est pas de nature à donner du crédit au dialogue social », pointe l'élu du personnel.
Surtout, les représentants syndicaux s'inquiètent d'une potentielle deuxième vague de réorganisation à venir. « Cette réorganisation n'est peut-être que le premier étage de la fusée. Nous craignons, une fois les décisions prises à Bruxelles, qu'un deuxième étage nous soit présenté sonnant le retour d'Hercule », avance Gwénaël Plagne, en faisant référence au plan de restructuration très controversé, suspendu par le gouvernement à l'été 2021. « Les arguments pour le démantèlement d'EDF sont toujours là : à savoir la dette colossale et le sujet des concessions hydrauliques, qui n'est toujours pas tranché », regrette-t-il. Avec cette première réorganisation, « l'hydraulique reste toujours à part », note-t-il.
Sujets les + commentés