Énergie : L’hydrolien attend toujours son heure H

Orphelin de la précédente loi de programmation sur l’énergie, l’hydrolien tente de refaire surface. Profitant de la caisse de résonance que lui offre le salon Seanergy des énergies marines au Havre, la filière revient à la charge dans l’espoir d’obtenir un soutien plus ostensible de la puissance publique. Mais l’affaire est loin d’être gagnée.
Vue du prototype d'hydrolienne à double axe vertical conçu pour le projet Flowatt du raz Blanchard lors de son relevage.
Vue du prototype d'hydrolienne "à double axe vertical" conçu pour le projet Flowatt du raz Blanchard lors de son relevage. (Crédits : Hydroquest)

Dans la famille des énergies marines, je demande l'hydrolien. Mais de quoi parle-t-on précisément ? Cousine germaine de l'éolien offshore, la  technologie consiste à produire de l'électricité grâce aux courants marins ou fluviaux par l'intermédiaire de turbines mues par le mouvement de l'eau. Sur le papier, cette source d'énergie présente au moins deux avantages. Sa production est prévisible : la force des courants liés aux marées reste stable au fil des années. Elle est aussi « invisible » puisque les générateurs sont le plus souvent immergés à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Deux qualités dont ne peuvent se prévaloir les moulins à vent marin.

En revanche, le gisement marémoteur français est nettement moins abondant que celui dont bénéficient les turbines placées en surface. Évalué à 60 GW pour les éoliennes marines autant que la capacité installée du nucléaire, il n'est que de 4,5 GW pour les hydroliennes -dont plus des trois quarts dans le puissant courant du Raz Blanchard au large du Cotentin. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'Etat français a longtemps soutenu cette technologie du bout des lèvres.

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En 2018, l'hydrolien avait été aussi écarté de la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) au nom de son immaturité et de ses coûts trop élevés. A l'époque, ce feu rouge vif avait précipité la liquidation du fabricant de génératrices  OpenHydro (ex filiale de NavalGroup) et la fermeture de son usine cherbourgeoise moins de deux mois après... son inauguration.

Une autre chance

Quatre ans plus tard, le choc semble digéré et la filière se reprend à y croire à la faveur de la crise énergétique. Il est vrai qu'entretemps, des progrès ont été réalisés dans la conception des turbines et que plusieurs projets de fermes pilotes se précisent : deux en Normandie dans le Raz Blanchard et deux en Bretagne : au large de l'île de Ouessant et dans le Golfe du Morbihan. Pour le syndicat des énergies renouvelables (SER), ces avancées commandent un réexamen du potentiel de la technologie. « La prochaine PPE (2024-2032 Ndlr) devra tenir compte des progressions techniques et économiques de l'hydrolien », a insisté son président, Jean-Louis Bal, son président, lors des assises des énergies marines qui se sont tenues mardi au Havre en amont du salon Seanergy.

Reste l'hypothèque des coûts qui excèdent aujourd'hui les 200 euros du MW, très au-dessus de ceux de l'éolien marin. Mais plus pour très longtemps promet le président de la commission des énergies marines renouvelables du SER. Marc Lafosse est persuadé que la massification permettra d'atteindre un niveau de prix acceptable. « L'hydrolien a énormément progressé, assure t-il. Le prix du mégawatt installé devrait tourner autour de 100 euros au premier GW installé et sera sûrement en dessous de 80 euros dans le raz Blanchard ». Suffisant pour convaincre les ministères de soutenir plus vigoureusement le marémoteur ? Difficile d'en jurer.

Les projets avancent, le gouvernement reste prudent

Interrogée sur Europe 1 en début de semaine sur le déploiement des énergies renouvelables, Agnès Pannier Runacher, nouvelle ministre de la transition énergétique, n'a évoqué l'hydrolien que comme « une éventualité ». Une prudence relayée par la directrice de l'énergie à la DGEC. Missionnée par la ministre aux assises du Havre, Sophie Mourlon s'est elle aussi gardée de toute promesse mais elle a entrouvert la porte, à défaut de l'ouvrir en grand. « Un tarif (de rachat du MW hydrolien Ndlr) est en cours d'élaboration pour les démonstrateurs », a t-elle indiqué sans plus de précision sur l'agenda.

Ce tarif, c'est le signal qu'attendent les porteurs de projets de fermes pilotes pour se jeter à l'eau. C'est le cas de l'entreprise Flowatt détenue par Qair, un groupe indépendant de production d'énergies renouvelables et le développeur Hydroquest. La société a racheté la concession détenue par EDF dans le raz Blanchard. Son ambition ?  Y installer d'ici à 2025 sept hydroliennes « à double axe vertical » d'une puissance totale de 17,5 MW qui seront construites à Cherbourg dans le chantier naval des CMN. Présentée comme « la plus puissante et la plus innovante du monde », cette ferme serait « une immense avancée pour faire baisser les prix », selon Marc Lafosse.

A quelques encablures de là, dans le même courant, le projet démonstrateur Nepthyd (4 machines prévues pour 12 MW de puissance), portée par la coentreprise Normandie Hydroliennes née d'une alliance entre la Région, le métallurgiste Efinor et l'énergéticien écossais Simec Atlantis, attend lui aussi son heure H... et les arbitrages du gouvernement.

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Commentaires 3
à écrit le 17/06/2022 à 9:45
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On ne peut pas dire que l'on puisse faire confiance en la McKronnie pour en faire la publicité, puisqu'ils ont fait leur programme basé sur le tout nucléaire!;-)

à écrit le 17/06/2022 à 9:43
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On ne peut pas dire que l'on puisse faire confiance en la McKronnie pour en faire la publicité puisque il ont fait leur programme basé sur le tout nucléaire!;-)

le 17/06/2022 à 15:32
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tout nucléaire, donc en abattant les éoliennes ? Ou beaucoup de nucléaire pour durer un peu vu que le renouvelable est variable et pas encore assez développé (nombreuses oppositions de certains, recours, etc)(en Norvège l'hiver dernier, faute de vent...

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