La transition énergétique en suspens

Prévue le 8 mars, la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie a fait l’objet d’un nouveau report, lié sans doute à la difficulté de l’équation concernant le volet nucléaire.
Dominique Pialot
En tardant à donner un cap clair à l'ensemble des acteurs économiques, le gouvernement crée un climat d'incertitude qui pourrait bien s'avérer néfaste à tout l'écosystème énergétique français.

Déjà reportée à plusieurs reprises, la présentation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), ce document dont le rôle est de dessiner la trajectoire de mise en œuvre de la loi de transition énergétique, vient d'être remise à nouveau sine die. Elle devait être présentée le 8 mars dernier aux membres du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), jusqu'à ce qu'un message de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) n'annonce le 4 mars dans l'après-midi l'annulation de cette réunion, invoquant « une finalisation complexe des hypothèses et scénarios [qui] prend plus de temps que prévu ». Cependant, le projet de texte, qui avait commencé de fuiter la veille sur le compte Twitter de l'avocat en environnement Arnaud Gossement, a été depuis publié in extenso par le site AlterEcoPlus.

Cette PPE doit préciser les moyens d'atteindre les objectifs fixés par la loi promulguée le 17 août dernier : une division par deux de la consommation française d'énergie d'ici à 2050, une part du nucléaire dans la production électrique de 50 % en 2025, de 30 % pour les énergies fossiles et de 32 % pour les renouvelables d'ici à 2030.

Les projections concernant les économies d'énergie et les énergies renouvelables sont dans l'ensemble conformes à ce qui était attendu et cohérentes avec les objectifs à terme. Ainsi, pour parvenir à diviser par deux la consommation d'énergie finale en 2050, le gouvernement prévoit de passer par une baisse de 12 % en 2023 (37 % pour le charbon, 23 % pour le pétrole et 17 % pour le gaz).

Pour atteindre l'objectif de 30 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique
en 2023, la France mise sur le doublement des capacités renouvelables installées à 75GW (hydroélectricité incluse), 50 % de chaleur renouvelable en plus, une intégration accélérée des biocarburants et le développement du biogaz. Le seul point qui achoppe vraiment, c'est le nucléaire. Sur ce sujet, rappelons que la loi de transition énergétique limite la puissance du parc aux 63,2 GW actuels, et stipule que la part dans la production d'électricité doit passer de 76 % aujourd'hui à 50 % en 2025.

 « Empêcheur de "transitionner" en rond »

Sur la question de la durée de vie des centrales, qui a tellement fait couler d'encre depuis les récentes déclarations de Ségolène Royal se disant prête à donner son feu vert à une prolongation de leur durée de vie de dix ans, le document précise :

« Il est nécessaire d'attendre les avis de l'Autorité de sûreté nucléaire qui doit définir, en toute transparence et suivant un processus renforcé par la loi, à quelles conditions une centrale peut fonctionner au-delà de quarante ans. »

Oui, mais voilà, ces décisions vont s'échelonner à partir de 2019. Dans l'intervalle, le gouvernement se contente d'évoquer une tranche de prolongation de 25 GW, soit le quart du parc actuel, et la fermeture de réacteurs « d'une capacité au moins équivalente » à l'EPR de Flamanville, dont la mise en service est prévue fin 2018.

Ces imprécisions, ajoutées aux propos du PDG de EDF lors de la présentation
des résultats mi-février, puis de la ministre sur la prolongation des centrales, n'ont pas manqué de relancer la polémique autour du nucléaire, qui fait de plus en plus figure
« d'empêcheur de transitionner en rond ». Le gouvernement semble avoir du mal à imposer à l'entreprise publique des décisions douloureuses, alors même qu'elle se trouve dans une situation déjà délicate — dont l'État est en partie responsable —
et tout en continuant de lui refuser les hausses de tarifs qu'elle demande.

En tardant à donner un cap clair à l'ensemble des acteurs économiques, le gouvernement crée un climat d'incertitude qui pourrait bien s'avérer néfaste à tout l'écosystème énergétique français. Mais cette situation ne saurait perdurer outre mesure, car l'on voit mal la Conférence environnementale des 14 et 15 avril se dérouler sans que ces sujets aient été préalablement élucidés.

Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 20/03/2016 à 7:30
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La solution consiste à basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique. Au plus on attend, au plus le problème s'aggrave.

à écrit le 20/03/2016 à 7:30
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La solution consiste à basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique. Au plus on attend, au plus le problème s'aggrave.

à écrit le 19/03/2016 à 13:42
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le retour à la réalité est toujours un moment difficile.

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